Benin: ce qu’il faut comprendre par « grâce présidentielle » et « amnistie »

La grâce et l’amnistie sont deux notions que beaucoup semblent confondre ou du moins prêtent à confusion. Même si elles visent le même objectif dans des situations bien précises, elles se distinguent tout de même autant par leur nature que par leurs effets.

Deux mesures de clémence étatique, la grâce et l’amnistie sont souvent utilisées à tort et à travers par certains citoyens. En effet, la grâce est de nature présidentielle comme l’indique la Constitution en son article 60 qui dispose : « Le Président de la République a le droit de grâce. Il exerce ce droit dans les conditions définies par l’article 130« . C’est donc une prérogative exclusive du Président de la République par laquelle il remet (partiellement ou totalement) ou commute la peine d’un condamné.

Ainsi, pour bénéficier donc ce droit, il faut non seulement que la personne ait été condamnée mais aussi et surtout que la peine prononcée par les juridictions ait été défitinitive. Cette mesure de clémence du Chef de l’Etat ne peut être déléguée en vertu de l’article 70 de la loi fondamentale. Selon l’article 60 sus-cité, il exerce ce droit, après avis du Conseil supérieur de la magistrature.

Selon certains spécialistes de droit, la grâce peut être individuelle ou collective toujours après avis du Conseil. Elle est individuelle lorsque la demande est faite par le condamné, un proche ou son avocat. Si l’avis est favorable, elle est accordée par décret du Président de la République. La grâce collective est celle que le Chef de l’Etat accorde à certaines catégories de personnes comme à l’occasion de la célébration de la fête nationale.

Pour rappel, le Chef de l’exécutif béninois, Patrice Talon avait accordé, le 1er Août dernier, une remise de libertés à près de 400 personnes détenues dans les prisons civiles. Cette mesure qui participe du désengorgement des maisons d’arrêt n’annule pas, cependant, la condamnation. En effet, la condamnation est inscrite dans le casier judiciaire du condamné et le rend ainsi inéligible surtout à des postes électifs.

Par ailleurs, selon les articles 150 et 151 du nouveau code pénal béninois, la grâce emporte seulement dispense d’exécuter la peine et ne fait pas obstacle au droit, pour la victime, d’obtenir réparation du préjudice causé par l’infraction.

Quid de l’amnistie ?

Contrairement à la grâce, l’amnistie relève de la compétence exclusive du parlement conformément à l’article 98 de la Constitution. Elle consiste, en effet, à supprimer rétroactivement le caractère délictueux des faits et rétablit de ce fait la virginité du casier judiciaire du mis en cause. Autrement dit, elle fait disparaître l’infraction et la sanction qui frappe l’individu et le rend éligible. Selon l’article 152 du code pénal, « L’amnistie efface les condamnations prononcées. Elle entraîne, sans qu’elle puisse donner lieu à restitution, la remise de toutes les peines. Elle rétablit l’auteur ou le complice de l’infraction dans le bénéfice du sursis qui avait pu lui être accordé lors d’une condamnation antérieure« .

Mieux, précise l’article 154: « Il est interdit à toute personne qui, dans l’exercice de ses fonctions, a connaissance de condamnations pénales, de sanctions disciplinaires ou professionnelles ou d’interdictions, d’échéances et incapacités effacées par l’amnistie, d’en rappeler l’existence sous quelque forme que ce soit ou d’en laisser subsister la mention dans un document quelconque. Toutefois, les minutes des jugements, arrêts et décisions échappent à cette interdiction. En outre, l’amnistie ne met pas obstacle à l’exécution de la publication ordonnée à titre de réparation« .

Décrispation de la tension sociale

En dépit du fait que la grâce présidentielle et l’amnistie soient deux notions distinctes, elles visent néanmoins le même objectif, celui de ramener la paix après une période de troubles ou de crises. Au Cameroun par exemple, le Chef de l’Etat, Paul Biya a récemment accordé, en marge d’un grand dialogue national, la grâce à 333 détenus liés à la crise anglophone. Au Sénégal, le Président Macky Sall a accordé le 29 septembre dernier, sa bienveillance à l’ancien Maire de Dakar, Khalifa Sall ainsi qu’à deux de ses co-accusés dans le sens de la décrispation de la tension sociale.

Quant au Bénin, les délégués au dernier dialogue politique initié par le Président Patrice Talon ont recommandé la libération des personnes détenues et l’arrêt des poursuites judiciaires contre toutes les personnes impliquées dans les violences post électorales de mai et juin 2019. A la suite de ce dialogue, le Chef de l’Etat a rencontré, jeudi dernier, la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale pour la mise en œuvre des recommandations issues des assises. On retient principalement de leurs échanges qu’une loi d’amnistie sera votée en ce qui concerne les détenus et les autres sous le coup de la loi.

Ainsi, les intéressés pourront bientôt recouvrer leur liberté et regagner leurs familles respectives. A rappeler que l’objectif de ce dialogue était de trouver une issue favorable à la crise qui secoue le Bénin depuis les dernières législatives marquées par l’absence des forces politiques de l’opposition.

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