Bénin – dialogue politique: et si les députés prenaient leur responsabilité?

Ce jeudi 10 octobre débute un dialogue politique au palais des congrès de Cotonou. Sur invitation du chef de l’Etat, Patrice Talon, neuf partis politiques devraient y prendre part. Hier, lundi 7 octobre, Alain Orounla, ministre de la communication, a dévoilé l’ossature du dialogue. Les points à aborder au cours des trois jours laissent croire que les lois électorales adoptées en septembre 2018 sont déjà caduques et un toilettage s’avère indispensable.

Le chef de l’Etat est-il sur le point de remettre en cause certaines de ses réformes ou veut-il reprocher à ses députés qui ont voté les lois le manque de maturité tel qu’il l’a fait lors d’une rencontre au palais de la Marina la veille des dernières législatives? C’est du moins la question que se posent certains observateurs de la vie politique depuis la sortie médiatique du porte-parole du gouvernement, Me Alain Sourou Orounla. En effet, face aux hommes des médias ce lundi, le ministre de la communication a décliné les grandes lignes du dialogue qui va s’ouvrir jeudi. Il s’agit principalement pour les partis politiques d’opiner sur les imperfections des lois électorales afin de les corriger avant les prochaines élections.

Quand on sait que la loi sur la réforme du système partisan et celle portant Code électoral ont été votées par les députés de la septième législature en septembre 2018, un peu plus d’un an avec ferveur, il est difficile de croire que ces réformes ont déjà montré leur limite. Si c’est le cas, comment le ministère de l’intérieur s’est-il arrangé pour délivrer des certificats de conformité et récépissé à neuf formations politiques? Soit, on veut montrer à la face du monde que les députés ont fait un mauvais travail en votant les yeux fermés et la cour constitutionnelle aussi a autorisé le chef de l’Etat à les promulguer ou il y a lieu de dire que si les lois n’avaient pas été toilettées les partis de l’opposition ne pourraient jamais s’y conformer.

Les discours que tenaient les ténors de la mouvance lors de la campagne électorale en avril dernier prouvent à suffisance que les opposants sont des incapables et qu’ils ne pouvaient se surpasser pour respecter les lois de la République. Le chef de l’Etat, le 20 mai avait, dans cette même dynamique déclaré « nous nous y sommes courageusement engagés mais certains d’entre nous n’ont pas su faire preuve de sagesse, de mesure et de patriotisme ». Il s’agissait certainement de ceux qui n’ont pas pu traverser les mailles pour exister juridiquement.

Le gouvernement en quête d’un consensus?

Si le gouvernement juge utile d’introduire une demande d’amendement de la loi au parlement, est-il nécessaire de tenir un dialogue politique en amont? Si toutes les garanties sont données que la loi sera relue six mois avant les communales, l’Exécutif a les prérogatives d’introduire une relecture de la charte des partis politiques ou du code électoral. Au cas échéant, le consensus se trouve au parlement et non au cours d’un dialogue auquel toutes les composantes de la société ne participent pas.

Lors des débats pour permettre à toutes les formations politiques d’aller aux législatives d’avril 2019, le chef de l’Etat soutenu par les présidents d’institution a insisté sur le consensus qui devrait venir du parlement avant toute décision constitutionnelle. Ce consensus ayant manqué au sein de l’Hémicycle, seuls les partis de la mouvance ont eu l’autorisation administrative  pour aller aux élections.

Les députés ont-ils peur de leurs prérogatives?

Le chef de l’Etat, dans son message du 20 mai invitait les députés « à rassurer l’opposition politique en procédant à la relecture responsable de la Charte des partis et du Code électoral, pour les actualiser en tenant compte des réalités de l’évolution de notre pays. » Il était clair que Louis Vlavonou et ses collègues devraient proposer des lois qui renforcent la démocratie. Mais tout porte à croire que le parlement n’a pas saisi le message de Patrice Talon ou carrément les parlementaires feignent de jouer leur rôle pourtant constitutionnel.

Si ce n’est que pour améliorer les lois électorales, le parlement suffirait. A moins que le chef de l’Etat doute de la capacité des siens à sortir un document qui sera accepté de tous sachant aussi qu’il n’est pas indiqué qu’une loi soit corrigée hors de l’Hémicycle. Et si c’est pour des consultations, il revient aux députés de s’organiser pour le faire dans les règles de l’art.

Vers la suspension des poursuites judiciaires?

Il est dit, lors de la sortie médiatique du ministre de la communication, que lors du dialogue, des mécanisme seraient trouvés pour faciliter la tâche à ceux qui ne sont pas encore reconnus par l’Etat. Dans ce cas, la présence de ceux-là devrait être un impératif. Comment peut-on réfléchir à la place de quelqu’un qui a des difficultés en son absence et trouver des solutions applicables? Quand on sait qu’il suffirait juste que certains membres du bureau directeur soient mis de côté pour permettre à certains d’avoir leur récépissé (selon les injonctions du ministre de l’intérieur), il y a lieu de se demander si le dialogue va se substituer à la justice pour annuler les poursuites judiciaires?

Le Chef de l’Etat demeure le président de la magistrature suprême. En tant que tel, quelles que soient les conclusions du dialogue, seule son intervention pourra décanter la situation au niveau des cours et tribunaux. De toutes les façons, le dialogue aura lieu, même si ce sera entre les partisans du pouvoir. Les conclusions édifieront davantage plus d’un.

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