Albert Tévoédjrè: « on tenait à humilier ma fin de vie, ils l’ont fait mais…je partirai sans haine »

Le professeur Albert Tévoédjrè a fait des confidences à Narcisse Tométy le 31 octobre dernier dans son lit d’hôpital. Deux phrases de ce que le désormais feu frère Melchior a confié à son ami sont consignées dans un hommage que lui a rendu le professeur Tomety.

Un dernier contact avec Albert TEVOEDJRE, le patriarche

L’intellectuel empêcheur de tourner en rond devait célébrer ses 90 ans le dimanche 10 novembre 2019.

Un appel téléphonique dans la soirée du 30 octobre 2019 et ce fut le professeur Albert Tévoedjrè en ligne depuis son lit d’hôpital. Il voulait me voir et me demandait avec insistance si je pouvais passer à l’hôpital. Dès le lendemain 31 octobre 2019, je me suis rendu à son chevet à 12 heures. J’ai échangé avec lui, il a prié pour moi en présence de sa chère épouse.

Le professeur tenait subtilement à me faire ses adieux et j’ai bien ressenti que l’intellectuel baobab s’apprêtait pour le voyage retour. Il lâcha dans la conversation, malgré sa fatigue et la voix en extinction, deux phrases qu’il tenait à ce que je garde en souvenir :

 » 1/ on tenait à humilier ma fin de vie, ils l’ont fait mais…
2/ je partirai sans haine et seul Jésus pardonne . »

Je garde de l’homme le souvenir d’un intellectuel brillant, fascinant et pétri de bon sens et d’une humilité étonnante. Chaque rencontre est une source d’apprentissage de son parcours, de sa foi et de sa passion pour le Bénin. Son concept du Minimum Social Commun était au départ un point essentiel de ma proximité avec lui. J’étais particulièrement surpris et impressionné par son ouverture d’esprit à l’occasion d’une mission d’audit institutionnel du Médiateur de la République dont je faisais partie. Il m’a surpris par sa capacité à reconnaître et à corriger les incomplétudes et les impertinences de cette institution. Le Frère Melchior n’est ni une grosse tête ni un homme agressif et répugnant mais un homme exigeant et combatif.

Deux hommes politiques m’ont appris sur la socioculture du développement au Bénin et les causes d’échec des politiques publiques. Je citerais le Président Hubert MAGA qui m’a beaucoup parlé puis le Professeur Albert Tévoedjrè avec qui j’ai beaucoup parlé.

Il ne s’est pas enrichi sur le dos du peuple béninois et je garde de lui cette image dernière d’un homme de vie modeste et intarissable en réflexions, toujours passionné par ce qui se passe dans son pays avec un désir permanent de partager le savoir et l’expérience.

Albert Tévoedjrè faisait partie des bâtisseurs de la démocratie et il a été aussi témoin de la démolition des acquis démocratiques pour le basculement du Bénin dans la dictature qui offrirait le développement et la modernité aux Béninois même au prix du sang. Il a vu cette trajectoire avant de passer de l’autre côté, le côté qui permet peut-être de mieux voir ce que ne parviennent pas à appréhender les yeux de nous les vivants empêtrés dans l’orgueil de la jouissance éphémère.

Professeur Albert Tévoedjrè, que la terre te soit légère et ton âme repose en paix. De là-bas, déverse sur le Bénin une pluie d’humilité, de compassion et paix afin que ce pays sorte de la chaine de la haine et de la méfiance pour une société du vivre ensemble possible.

Adieu

Simon Narcisse Tomety

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