Bénin: Boni Yayi ne doit pas être amnistié selon Richard Boni Ouorou

Le dialogue politique tenu du jeudi 10 au samedi 12 octobre 2019 a abouti à plusieurs recommandations dont le vote d’une loi d’amnistie au profit des personnes arrêtées, poursuivies et recherchées dans le cadre des violences électorales liées aux législatives d’avril 2019. Pour justifier cette recommandation, certains acteurs politiques font une grande fixation sur l »ex-Chef d’Etat Boni Yayi. Mais selon le politologue Richard Boni Ouorou ne doit pas être bénéficiaire de cette loi.

Dans une tribune publiée ce mardi 05 novembre 2019, le politologue Richard Boni Ouorou a analysé la la loi N°2019-39 portant amnistie des faits criminels, délictuels et contraventionnels commis lors des élections législatives d’avril 2019 adoptée par le Parlement. Selon le politologue, les jeunes, acteurs politiques arrêtés et l’ex-Chef d’Etat Boni Yayi ne sont pas en réalité les vrais bénéficiaires de cette loi comme certains tentent de faire croire.

Dans son analyse, il fait savoir que cette loi vise à effacer les crimes de sang qu’auraient commis des agents de sécurité publique dans leur mission de maintien d’ordre. « En amnistiant donc les personnes impliquées dans les événements de 1 et 2 mai qui ont causé la mort de plusieurs béninois, béninoises, l’exécutif et l’assemblée (…) n’ont pas exonéré Yayi Boni et compagnie de poursuite… Ce n’est donc pas Yayi qu’on a amnistié, mais on a effacé et exigé de faire tomber dans l’oubli l’ensemble des crimes de sang commis les premiers et deux mai 2019 sur des béninois, béninoises sans défense.« , a-t-il écrit

Pourquoi le président Thomas Boni Yayi ne doit-il pas être amnistié ?

Extrait de la tribune

« …Sur quoi se base la présomption de culpabilité du procureur ?

Commençons, par le fait que l’inversion de la charge de la preuve ici ne soit pas possible, car il incombe à celui ou celle qui réclame un droit, c’est-à-dire, qu’il revient au procureur de démontrer or de tout doute les éléments d’indices qui fondent la présomption.

Une hypothèse : le président Boni Yayi est présumé auteur ou commanditaire des manifestations des 1 et 2 mai 2019, parce qu’il aurait à plusieurs reprises, publiquement appelé la jeunesse béninoise à se lever pour défendre sa démocratie. Cet appel patriotique, constitue-t-il en soit, un acte insurrectionnel ?

Article 229 aliéna 2 et 3 du Code pénal en vigueur : 

-DES CRIMES COMMIS PAR LA PARTICIPATION A UN MOUVEMENT INSURRECTIONNEL

« 2- empêché, à l’aide de violences ou de menaces, la convocation ou la réunion de la force publique ou qui ont provoqué ou facilité le rassemblement des insurgés, soit par la distribution d’ordres ou de proclamations, soit par le port des drapeaux ou autres signes de ralliement, soit par tout autre moyen d’appel ; 3- fait attaque ou résistance envers la force publique, envahie ou occupée des édifices, postes et autres établissements publics, des maisons habitées ou non ».

Cette disposition de la loi est anticonstitutionnelle, car elle contrevient au droit à la liberté d’expression consacré par la constitution en son article Art. 25. – « L’État reconnaît et garantit, dans les conditions fixées par la loi, la liberté d’aller et venir, la liberté d’association, de réunion, de cortège et de manifestation. ». La loi ne pouvant pas encadrer la liberté d’expression sans tomber dans l’abus, elle ne peut donc pas dans une société libre et démocratique, déterminer ni les supports, ni les contenus des expressions libres lors de réunions ou de manifestations. 

En toute « raisonnabilité » donc : pour décider qu’une manifestation contrevient à l’ordre public, il faut d’abord et avant tout se demander si les raisons de cette manifestation sont justifiables en ce sens qu’il est raisonnable que les manifestants imposent aux autorités ou à leurs contrevenants, leur mécontentement suite à un élément qui met en cause leur paix et enfreint à leurs droits. Pour répondre à cette question préliminaire il faut prendre en considération un certain nombre de facteurs dont: a) l’ampleur des actions  ou des infractions aux droits des manifestants  , qui peuvent être mesurée par la gravité du ou des  préjudices résultants de ces  infractions ou par la fréquence de la perpétration de ces infractions par l’autorité mise en cause, ou par les deux critères, b) la difficulté que peuvent  éprouver les manifestants à faire valoir leurs droits pacifiquement devant les tribunaux, et c) la facilité relative avec laquelle les manifestants ou toutes autres personnes pourront  prouver l’existence du ou  des faits présumés et leurs préjudices. Manifestement, une disposition tendant à imposer aux manifestants la soumission à l’égard de faits dont, logiquement, il n’est même plus à prouver l’existence de leur caractère attentatoire : à la souveraineté du peuple, aux libertés individuelles et par extension collectives fondement de notre démocratie, est une disposition elle-même attentatoire a la cohésion nationale, tant ses effets sont contraires aux principes défendus par le droit.

C’est donc à croire que la relecture du code pénal, fait en 2018 par nos députés avait un objectif qui prévoyait la commission de crimes par leurs auteurs et affiliés dans l’exécutif.

Les manifestations du 1 et 2 mai, étant la résultante de la politique exclusive du pouvoir exécutif par laquelle il (pouvoir exécutif) a retiré aux citoyens leur droit le plus fondamental celui de choisir leurs représentants dans une démocratie libre et représentative, poursuivre qui que ce soit pour insurrection ou trouble à l’ordre public est irraisonnable. Or la raison est au fondement du droit.

J’en suis venu à la conclusion que LA POURSUITE est non seulement irraisonnable, mais inconstitutionnelle en raison de l’absence d’un lien rationnel entre le fait prouvé (la manifestation) et le fait présumé (l’insurrection)… La simple manifestation — aggravée— par des tirs de militaires loyaux au pouvoir exécutif, ne permet pas de présumer à un trouble à l’ordre public à des fins insurrectionnelles ou encore que la possession par les manifestants de projectiles face à un corps militaire armé qui tire à balle réelle sur eux, ne tend pas à prouver une intention de crime de la part dé ces derniers (manifestants.) En outre, du moment que la possession d’arme par l’armée est prouvée, l’art. 276 alinéa un  impose au procureur la charge de prouver l’inexistence non pas de quelque élément formel de l’infraction, mais de l’inconstitutionnalité de la loi qui les établit ou de faire un recours en inconstitutionnalité.

Le président Thomas Boni Yayi et tous les autres ne peuvent être par conséquent présumés responsables d’aucun fait d’infraction que ce soit. L’amnistie est donc une autre infraction. »

Richard Boni OUOROU 

Politologue 

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