» Celui qui contrôle la peur des gens devient le maître de leurs âmes », Machiavel

Je ne peux commencer cette libre expression sans avoir une pensée émue pour notre compatriote Théophile Djaho, un jeune étudiant qui réclamait des mesures de confinements dans le cadre de la lutte contre le coronavirus abattu comme un chien et une fois n’est pas coutume par les féaux d’un régime autocrate qui n’a que le meurtre comme moyen de coercition.

Le sang est sacré dans notre pays.

Alors que le contentieux des 1ers et 2 mai 2019 n’est pas encore vidé, les familles des compatriotes tombés sous les balles d’une force dite « républicaine » n’ont pas encore la paix du cœur. Au Bénin, on tire sur les manifestants à balles réelles, alors que sous d’autres cieux le b.a. ba en matière de gestion de conflit ou dans l’encadrement d’une manifestation, on fait usage de canon à eau, de taser, de tonfa, de grenade de désencerclement, ou même de bombe lacrymogène et j’en passe. Cette utilisation abusive de la force met en exergue la faiblesse d’un régime aux abois. Même si Max Weber pense que l’Etat détient le monopole de la violence, nous sommes au 21ème siècle.

Mais pire, ce qu’il y a de plus écœurant dans cette histoire du jeune étudiant abattu, c’est le silence assourdissant des responsables des différents partis politiques (reconnus) qui sont censés nous représenter et porter notre voix dans l’ arène politique.

Une grande mascarade

C’est aussi cela que malheureusement nous constatons dans la gestion de la crise covid-19 au Bénin. Le président Talon se refuse à tout mimétisme, il n’en demeure pas moins que la direction prise ne rassure personne.
Oui, les conséquences d’un confinement seraient désastreuses pour notre pays. Car déjà nos recettes ont considérablement baissé avec la fermeture des frontières par le Nigéria. De ce fait notre gouvernement a opté pour une volonté manifeste de s’endetter alors qu’il est important de rappeler que 65% de notre économie relève du secteur informel.

Rester confiner chez soi c’est mourir aussi un peu.

Dans le cadre d’un confinement total, le coût social sera très élevé. Nos concitoyens ne pouvant se permettre de rester à la maison, leur revenu dépendant de la charge de travail consentie dans une journée. De plus, il faut reconnaître que pour nos parents et même pour l’ensemble du pays les problèmes d’électricité rendront difficiles le stockage d’aliments et autres, sachant que nous vivons en plus au jour le jour.

Notre contexte social, culturel et sociétal ne se prête pas à cela.

Le confinement désorganiserait aussi nos perspectives en matière de perception de taxes et recettes dans le cadre de la réalisation du budget 2020. C’est le tourisme qui ne rapporterait plus rien, l’aéroport et surtout le port qui seraient affectés, mais aussi par ricochet le coton et l’acajou qui ne s’exporteraient plus.

C’est un problème de survie pour les deux parties prenantes.

Pour venir à bout de cette pandémie qu’est le coronavirus, de nombreux pays et institutions appellent à la mobilisation de ressources. Les Etats Unis mettent sur la table 3 000 milliards de dollars, l’Europe dépose 2000 milliards d’euros. En Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire poumon de l’UEMOA affecte 96 milliards de francs CFA, la BCEAO annonce un plan de 1400 milliards de nos francs, la BOAD accorde à chaque Etat de l’UEMOA la somme de 15 milliards et gèle 76 milliards de remboursement, la BAD vend un montant record de dette de 3 milliards de dollars, le G 20 promet d’injecter 5000 milliards dans l’économie mondiale (pour enrayer les conséquence catastrophique de la crise), le FMI et la Banque mondiale appellent à suspendre le paiement de la dette des pays les plus pauvres.

Que propose le Bénin dans sa lutte contre cette pandémie avec les prévisions de liquidité qui fusent à l’horizon ? La situation est critique et les experts envisagent le pire pour l’Afrique.

Si je comprends la position des dirigeants de notre pays, je pense fondamentalement qu’ils peuvent mieux faire dans le seul intérêt de nos populations. A mon avis, les autorités auraient pu au moins s’inspirer de la stratégie utilisée par les dragons asiatiques ou même certains pays du nord de l’Europe (Suède). Il faut reconnaître que nous n’avons pas d’eau pour nous laver les mains comme recommandé. Le Bénin, à l’instar de la Corée du sud ou de l’Allemagne aurait pu faire le pari du dépistage massif et confiner seulement les cas positifs dans des structures appropriées et ainsi juguler le mal.

Multiplier la distribution de masque, instaurer un couvre-feu pour baisser les attroupements de monde, proposer des mesures sociales ou des mesures d’accompagnement comme la suspension du paiement des factures d’eau et d’électricité, accompagner financièrement les petits entrepreneurs, suspendre le paiement de certaines taxes car les recettes ou le recouvrement est plus difficile dans cette situation exceptionnelle. Le peuple comprendrait alors ou passe les milliards.

Ce sont des mesures conjoncturelles.

La déception à ce jour est encore plus grande quand le Président Talon est encore dans la rhétorique et pas dans l’action. Il s’apitoie sur le sort de la bonne dame qui vend de la bouillie au bord de la route mais il y a peu, il n’a fait montre d’aucune compassion quand il fallait la déguerpir. Il faut un début à tout.

Notre ultime espoir est qu’à l’issue de cette crise, que les dirigeants de la rupture puissent apporter une réponse structurelle au problème de la santé. Le pays en sortira gagnant.

Ganiou Soglo

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