Bénin – CADHP: Me Ousman Fatiou craint une dérive et saisit Batoko d’une lettre

Le retrait du Bénin, le 23 avril 2020, du protocole de 1998, relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, portant création de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, plus précisément, de la déclaration d’acceptation de la juridiction de la Cour africaine, continue de faire des vagues. Estimant que le Bénin est entrain de dévier du droit chemin, Me Fatiou Ousman saisit, à travers une correspondance, le président de la Cour suprême, Ousmane Batoko.

Dans une correspondance, depuis Dijon, en date du 30 avril 2020, et rendue publique ce mardi 12 mai 2020 sur son site, Me Ousman Fatiou, avocat au barreau de Dijon en France, a interpellé le président de la Cour suprême, Ousmane Batoko, sur le dernier développement de l’actualité au Bénin, relative à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP). « La situation dans laquelle se trouve notre pays conduit, par devoir patriotique, le citoyen béninois que je suis, exerçant comme Avocat en France, à m’adresser à vous, en votre qualité de juriste émérite, mais surtout de Président de la plus haute Instance de l’Ordre Judiciaire et Administratif du Bénin.« , écrit-il dans sa correspondance. Selon le professionnel du droit, l’article 131, révisé, de la Constitution du Bénin stipule que la Cour suprême est la plus haute juridiction de l’État en matière administrative et judiciaire de l’État. Vu sous cet angle, ses décisions ne sont susceptibles d’aucun recours puisqu’elles s’imposent au pouvoir exécutif, au pouvoir législatif, ainsi qu’à toutes les juridictions du Bénin. Investie de cette compétence, affirme Me Ousman Fatiou, la Cour Suprême doit ainsi jouer un rôle essentiel dans le respect des droits des justiciables et citoyens béninois, tels qu’ils découlent de nos textes législatifs et réglementaires. Ainsi, poursuit-il, elle doit s’assurer du respect des droits de l’homme en république du Bénin.

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Parlant de respect des droits de l’homme, l’avocat béninois, à Dijon, estime que pays se trompe de direction avec les dernières décisions prises par le gouvernement dans son rapport avec la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. « L’actualité judiciaire et politique nationale me conduit à penser que notre pays se trompe subitement de chemin. Le Bénin que nous avons construit grâce aux sacrifices des uns et aux efforts des autres depuis bientôt 30 ans, ce Bénin là, apprécié et distingué dans le monde pour son exemplarité démocratique est en train de s’enliser dans une aventure politique hasardeuse. », affirme-t-il dans son adresse. Pour Me Ousman Fatiou, le Bénin, pays pionnier de la démocratie et des droits de l’homme, se détruit dans une dangereuse attitude de violation de ses engagements internationaux, de sa constitution et des droits de ses citoyens. Cette décision de retrait de notre pays du mécanisme de l’article 34.6 du Protocole de 1998, martèle-t-il, marque un net recul démocratique dénoncé par de nombreux juristes et défenseurs des droits humains. Énumérant une batterie de dispositions législative, le juriste indique que  » Les droits et les devoirs proclamés et garantis par la Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples, adoptée en 1981, par l’Organisation de l’unité africaine et ratifiée par le Bénin, le 20 janvier 1986, font partie intégrante de la présente Constitution et du droit béninois. » Il affirme ne pas comprendre alors la décision issue de la concertation des institutions et qui maintient les Communales pour le 17 mai en dépit de la crise sanitaire et de la décision suspensive de la CADHP. 

De quoi avons-nous peur ?

Notre pays a-t-il définitivement tourné le dos au droit et décidé de braver la justice internationale ? s’interroge le juriste. A l’en croire, cette posture place encore une fois le pays, jadis cité comme modèle démocratique en Afrique, sous les feux négatifs de l’actualité africaine, après les incidents ayant émaillé le scrutin législatif du 28 avril 2019. « La situation est grave et inédite. Elle n’honore pas le Bénin, ses institutions et ses citoyens.« , écrit-il, avant d’affirmer: Monsieur le Président, les questions que doit se poser la communauté des juristes Béninois et, au-delà, notre classe politique de tous bords, sont celles-ci :

– Le peuple béninois, en élisant ses dirigeants, leur donne t-il mandat et pouvoir pour utiliser l’État, les institutions et les lois de la République à leur profit personnel et surtout contre les choix fondamentaux faits par le peuple souverain ?
– Trouvez-vous légitime que le Président de la République s’adjuge tout seul, par un simulacre d’élection, tous les sièges du Parlement, et qu’après, il utilise ce même parlement pour changer la constitution et les lois à sa guise ?
– Doit-on laisser ce drame se jouer jusqu’au point de devoir renoncer aux engagements du Bénin pour se libérer des contraintes internationales et se donner les moyens de broyer ses opposants et citoyens sans qu’ils aient le moindre recours ?
« Monsieur le Président, voilà les questions qui résonneront dans nos consciences même si chacun se tait et laisse le pays s’enliser dans la vengeance et se déshonorer dans l’injustice. », écrit-il.
Se basant sur l’article 2 de la loi N°2004-07 du 23 octobre 2007, Me Ousman fatiou estime que la Cour suprême a le pouvoir de se saisir d’une situation, de sa propre initiative, et de suggérer les réformes utiles au gouvernement. « Monsieur le Président, vous pouvez agir. Vous devez agir.« , affirme-t-il. Selon l’avocat, il est d’ailleurs regrettable que la Cour Suprême n’ait pas pris la moindre initiative judiciaire en vue de faire appliquer les précédents arrêts et ordonnances rendus par la CADHP, concernant M. Ajavon. « C’est bien la non exécution de ses décisions, non traduites par l’annulation de sa condamnation par la CRIET, qui a conduit la CADHP à ordonner la suspension du scrutin communal du 17 mai 2020. Car, à juste titre, la CADHP a estimé que le maintien obstiné des autorités béninoises de cette condamnation, pourtant annulée par elle, empêchait M. Ajavon de participer à un scrutin électoral, ce qui constitue un préjudice irréparable. », écrit-il. Pour lui, c’est donc parce que la Cour Suprême n’a pas procédé à l’annulation de cette condamnation de M. AJAVON, au cours d’un procès en réexamen, que la CADHP a été amenée à constater le préjudice irréparable. « Je n’insinue pas que votre juridiction serait responsable, seule, de cette situation.
Je ne peux cependant m’empêcher de voir dans l’inaction de la Cour Suprême depuis plus d’un an, le nid de ce blocage juridique et politique, qui va nous conduire droit dans le mur.« , affirme-t-il. Il conclut en affirmant qu’il est plus qu’urgent d’agir, afin d’éviter l’impasse dans laquelle nos autorités publiques nous mènent. « Monsieur le Président, vous avez-vous-même souligné que notre modèle démocratique avait subi de graves reculs ces dernières années. Vous pouvez corriger le tir, à quelques mois de votre départ de la tête de la Cour Suprême.
Je le répète : vous pouvez agir, vous devez agir. »

 

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