Me Marcellin Zossoungbo : « Notre robe est certes noire sinistre, mais nous ne devons pas fait pleurer les justiciables »

La Chambre nationale des huissiers de justice reste, jusque-là, peu connue de l’opinion publique. Dans cet entretien exclusif, maître Marcelin Zossoungbo, huissier de justice et président en exercice de cette Chambre, nous a dévoilé ce que fait la Chambre et son bilan à mi-parcours de son mandat de deux (2) ans. Entretien.

Parlez-nous de la Chambre nationale des huissiers de justice du Bénin qui est d’ailleurs peu connue dans l’opinion publique.

Il est vrai que notre chambre est peu connue, mais il n’en demeure pas moins que des gens savent nous trouver, au besoin. (Rire). Aujourd’hui, la Chambre est composée de 49 membres, tous titulaires de charges, qui sont installés sur toute l’étendue du territoire national. Ces titulaires sont affiliés au ressort territorial d’une Cour d’appel. Au Bénin, nous avons 3 Cours d’appel, à savoir la Cour d’appel de Cotonou, de Parakou et d’Abomey.

La Chambre est dirigée par un bureau de cinq (5) membres. Le bureau est l’organe exécutif chargé de la discipline de ses membres, de régler les conflits entre les huissiers de justice et de régler à l’amiable, avant toute saisine du juge, les litiges qui pourraient naître entre les justiciables et l’huissier de justice à l’occasion de l’exercice de sa profession.

En plus du bureau exécutif, il y a la Commission d’Etude et d’orientation (CEO). Cet organe est chargé d’étudier certains dossiers qui le nécessitent et ses membres émettent des avis que le bureau exploite pour rendre des décisions.

La chambre a-t-elle une politique pour le recrutement d’autres huissiers de justice ?

Cette politique n’incombe pas à la chambre. Les charges qu’occupent les huissiers de justice sont les charges de l’Etat. C’est donc l’Etat qui crée les charges et c’est ce même Etat qui organise, en collaboration avec la Chambre, les examens professionnels. Ce qui signifie tout simplement que l’augmentation du nombre d’huissiers de justice ou des charges n’est pas du ressort de la Chambre. Ceci dit, la Chambre est bien favorable à ce que d’autres membres puissent y faire leur entrée.

Toutefois, il y a le problème de la viabilité des charges. Malgré ce nombre que nous faisons (49 huissiers de justice, NDLR), il y a des charges surtout à l’intérieur du pays qui ne sont du tout pas viables et ne permettent pas de nourrir l’huissier. Ce qui a créé une migration de ces huissiers de « l’intérieur » vers des zones où les charges sont plus viables. Ce qui est d’ailleurs une violation de la loi par des confrères. Ils désertent ainsi leurs charges pour enfin créer des bureaux clandestins dans des rues, dans la ville de Cotonou surtout. Alors même que les huissiers sont dans une territorialité étant donné que leur compétence n’est pas nationale.

Que peut-on retenir de vos actions à la tête de la Chambre des huissiers de justice du Bénin, depuis votre prise de service ?

En termes de bilan, il faut retenir, d’office, que beaucoup d’actions ont été menées, puisque cela fait un an et demi maintenant que j’ai été porté par mes pairs pour présider cette Chambre. Depuis le début de notre mandature de deux (2) ans, nous avons beaucoup plus mis l’accent sur l’assainissement au sein de la corporation.

A notre prise de charge en janvier 2019, le bureau s’est retiré à Grand-Popo, en conclave, pour la mise sur pied d’un plan d’actions. Les résolutions de ce conclave ont trait à l’instauration d’une réunion hebdomadaire, tous les mercredis, au siège de la Chambre, pour étudier les plaintes, les courriers et les grands sujets qui intéressent l’ensemble de la corporation. Le conclave a également institué un forum WhatsApp où tous les procès-verbaux y sont systématiquement publiés, afin d’être plus proche des confrères et de les informer en temps réel.

L’autre plan d’actions que nous exécutons est la formation. Nous dispensons des formations à nos clercs et évidemment nous-mêmes, titulaires de charges. A cause du Coronavirus, nous avons réadapté ces différentes formations, afin de respecter les gestes barrières. Nous les dispensons donc par visioconférence. Notre dernière formation en date s’est tenue le 15 mai dernier sur la loi portant modernisation de la justice, adoptée par les députés, le même mois. Le bureau a doté le siège d’une connexion wifi pour permettre aux membres et au personnel de travailler aisément en harmonie avec la politique de digitalisation du moment.

Parlant de bilan, nous avons pu participer à divers séminaires, tant sur le plan national qu’international. Notre Chambre, faut le signifier, est, depuis 1996, membre de l’Union internationale des huissiers de justice, qui est une institution mondiale créée en 1952 à Paris, en France. Ce qui a permis notre participation, en juin 2019, à la 5ème rencontre Europe-Afrique. En termes d’acquis, le Bénin organisera, en 2022, la 6ème rencontre de ce sommet mondial.

Etant membre fondateur de l’Union africaine des huissiers de justice, créée en 2017, à Casablanca, la Chambre du Bénin a participé au premier conseil de direction de l’union, au cours duquel un plan d’actions a été adopté. Et dans l’exécution de ce plan d’actions, notre chambre a pu participer à des séminaires et rencontres au Maroc, à Kigali, à l’Iles Maurice pour le compte de l’Union. Nous avions également participé activement à la 10ème conférence sur l’exécution des décisions de justice qu’organise la fédération des huissiers, tous les ans. A cause du coronavirus, on ne saurait évoquer si cette conférence se tiendrait cette année en septembre ou pas.

Malgré tous ces efforts, la Chambre reste toujours méconnue du grand public. Pourquoi cela ?

Je ne dirai pas tout à fait ça, puisque nous menons nos actions de communication, non seulement par nos canaux habituels, mais également dans la presse et en contact direct avec le public. Chaque année, en juin, nous célébrons la journée mondiale des huissiers. L’année dernière, nous étions à Parakou où nous avons tenu des conférences à l’endroit des étudiants en droit. Nous avions également eu une rencontre avec les autorités décanales de l’université avec qui nous avons signé une convention de partenariat. Malheureusement, cette année, on ne pourra pas aller au contact des justiciables pour nos actions de communication, compte tenu de la pandémie liée au coronavirus. Toutefois, nous avons pu discuter entre professionnels par visioconférence dans le cadre de la célébration, cette année, de la journée des huissiers.

Quelle est votre vision pour la Chambre, les années à venir ?

Je voudrais d’abord vous notifier que nous avons fait notre temps et nous avons réalisé ce que nous pouvons accomplir. Nous n’avons donc pas la prétention d’atteindre tous les objectifs fixés, puisque d’autres viendront pour acheminer l’œuvre. Mais notre vision principale est de faire rayonner la Chambre nationale des huissiers de justice, afin que ces derniers soient connus davantage par les populations. Ceci permettra à ces dernières de savoir que les huissiers de justice sont des messagers, des juristes de proximité par excellence, des hommes de terrain qui connaissent leurs problèmes, qu’ils sont des interfaces entre la justice et les populations.

L’autre vision est de voir les huissiers de justice accomplir leurs missions, sans que les populations ne leur reprochent des dérives ou des comportements déshonorants. Notre robe noire donne l’aspect sinistre, mais nous devons faire en sorte que cette robe noire ne fasse pas pleurer les populations, tout en leur montrant que nous sommes avec elles. Nous devons donc traité les dossiers de façon irréprochable, pour éviter les nombreux problèmes de plainte que nous enregistrons fréquemment au niveau de la Chambre.

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