Bénin: même dans un parlement « d’unanimisme », le jeu de procuration a droit de cité?

Le Règlement intérieur de l’assemblée nationale a été modifié, ce mardi 14 juillet 2020, lors de la session extraordinaire, convoquée par le président de l’institution, Louis Vlavonou. Si le document a finalement passé, ce n’est pas parce que les résistants à l’adoption du texte, en l’état, sont revenus à de meilleurs sentiments; mais il semble qu’ils aient été simplement privés de leur droit d’avoir une opinion.

Le jeu politique au 229 a battu le record de toutes les incongruités. Le parlementaire, qui doit porter la voix du peuple souverain, semble devenir un « enfant placé », qui a perdu le droit à la libre pensée ou à une opinion. Sa liberté d’action et même de pensée semble colonisée par la puissance politique. Quel Etat voulons-nous construire avec des députés « programmés » pour agir, selon un logiciel, qui leur dicte le sens de leurs actions? En tout cas, c’est le sentiment qu’éprouve l’observateur du jeu politique, qui se déroule sous nos yeux à l’assemblée nationale, où tout se passe comme s’il y a deux catégories de députés. Ceux dotés de la science infuse, qui viennent avec les idées auxquelles le deuxième groupe de députés est contraint d’adhérer, de gré ou de force, par procuration.

C’est du moins l’impression, qui se dégage de la session plénière de ce mardi, qui a connu la présence de 60 députés sur les 82 et un fort usage de procuration. C’est le deal qu’il fallait, est-on tenté de dire, pour que l’examen de la proposition de résolution, portant modification du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, qui a subi quelques critiques, lors de sa première tentative de révision, il y a quelques jours, puisse enfin passer.

En effet, à l’issue du vote, l’examen de la proposition de résolution, portant modification du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale a été adopté par 82 députés (0 abstention et 0 contre).

La configuration actuelle du parlement devrait nous épargner des jeux de procuration

A l’issue des élections législatives d’avril 2019, seules deux formations politiques ont eu le visa pour représenter le peuple au sein de l’institution parlementaire. Ces deux partis politiques, qui siègent au palais des gouverneurs, sont tous deux de la mouvance au pouvoir, et soutiennent les actions du chef de l’Etat. Cela s’est, d’ailleurs toujours, traduit par les actions au sein du parlement où les lois sont quasiment adoptées à l’unanimité des 83 députés.

Dans ce contexte politique, la procuration, abondamment utilisée au temps de l’ancien président, Boni Yayi, (un procédé critiqué, d’ailleurs, en son temps), pour orienter le vote des députés, ne devrait plus avoir cours, avec la huitième législature; mais il a suffi que des voix discordantes se fassent entendre à l’hémicycle, lors de l’examen de la proposition de résolution, portant modification du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, pour que l’usage des procurations apparaisse, à nouveau, au parlement.

Seuls les incultes pourront lire dans l’apparition des procurations une action non politique. Vraisemblablement, ces  députés ne se sont pas absentés subitement du territoire national, en l’espace des 72 heures qui ont succédé la clôture de la première session extraordinaire de l’année 2020. On est donc tenté de croire que les députés, qui ont dû mandater leur collègue à voter à leur place, sont ceux qui ne jouissent pas, dans une certaine mesure, de la confiance du « maître du jeu ».

Par ailleurs, quand on se réfère à l’histoire des procurations au sein du parlement, on sait qu’il s’agit toujours d’une politique pour faire adopter une loi contre la volonté de ceux qui n’y adhèrent pas ou ceux sur qui pèsent des doutes de sincérité. Avec les débats, qui ont eu lieu, lors de la clôture de la première session extraordinaire, on peut aisément deviner que les députés, qui ont libéré des procurations, l’ont fait à leur cœur défendant. En somme, cette façon de faire la politique ne fait pas grandir le pays et rend, de moins en moins crédibles, les institutions de la républiques, pourtant entretenues au frais de la dame.

 

Les commentaires sont fermés.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. Accepter En savoir plus