Bénin – Réduction d’ambassades: l’avis du diplomate Ahouansou sur la question

Le gouvernement de la rupture, dans une démarche réformiste, a réduit la représentation diplomatique du pays à l’étranger à 10 ambassades et consulats. Une réforme qui a alimenté la polémique dans l’opinion. Un ancien diplomate à la retraite, Candide Ahouansou, s’intéresse à la question et livre son analyse de la situation.

La décision de la haute autorité, de réduire, de manière substantielle, la représentation du pays auprès des autres Etats, a suscité, depuis un certain temps déjà et de façon soutenue, des réactions de tout genre.
Face à l’intérêt de l’opinion sur la question de la représentation du pays à extérieur, l’ambassadeur Candide Ahouansou, dans une tribune, a jugé utile d’y mêler publiquement sa réflexion en qualité de citoyen et de diplomate à la retraite, ayant eu le privilège d’avoir représenté le pays à l’étranger.
La décision qu’elle vient de prendre, limitant notre représentation diplomatique à 10 ambassades, est, de toute évidence, si radicale que l’on ne peut pas s’empêcher de se convaincre que les raisons qui l’y ont poussée sont autrement plus sérieuses que celles que le citoyen ordinaire peut lui opposer, affirme Candide Ahouansou, dans sa tribune.

 le sens profond et les répercussions de la fermeture d’un poste diplomatique

Selon le diplomate, la fermeture d’un poste diplomatique dans un pays accréditaire n’est pas une rupture des relations diplomatiques avec lui. Le pays qui a pris l’initiative de mettre fin à sa présence physique peut poursuivre ses contacts avec l’autre, dans le cadre d’une accréditation multiple ou par le biais de tout autre moyen approprié, en l’occurrence. La présence physique et permanente n’est donc pas une condition sine qua non pour l’expression de la diplomatie, encore qu’elle est la plus efficace; a nuancé l’ex ambassadeur.
Cela étant, poursuit-il, il reste qu’à partir de fin juillet, nous n’aurons plus que 10 représentations diplomatiques dans un monde de 194 Etats. « Jusqu’alors, nous assurions la présence de notre pays sur l’échiquier international par le truchement d’une trentaine d’ambassades ; notre représentation diplomatique sera donc réduite comme une peau de chagrin.« , lit-on dans la tribune.
Le diplomate estime qu’en raison de son impact sur les relations entre les deux pays (accréditaire et accrédité), fermer un poste diplomatique ne saurait être un simple acte administratif, ne reposant que sur des considérations d’ordre intérieur.
Toute opération de fermeture d’un poste diplomatique, précise-t-il, est pénible, en raison du fait qu’elle est objectivement un acte de repli et tout acte de repli est négatif dans son essence ; particulièrement en matière de relations à l’échelle internationale. « La diplomatie bien comprise a vocation à s’étendre et non pas à se replier, une fois qu’elle s’est étendue. Fermer une représentation diplomatique envoie au pays accréditaire, l’image de l’inutilité des relations avec lui et se traduit, de manière discursive, par une baisse du niveau de la coopération entre les deux pays, autant dans le cadre bilatéral qu’au niveau des instances internationales. », a fait remarquer l’ex-ambassadeur.

La fermeture d’ambassade donne le soupçon de pays en difficulté

A en croire Candide Ahouansou, fermer un poste diplomatique, c’est donner à penser que l’on est en sérieuses difficultés financières à telle enseigne que l’on n’est plus à même d’entretenir sa représentation à l’étranger. « La chose est donc frustrante pour les deux parties. Je ne dirai pas humiliante. La fermeture d’un seul poste diplomatique génère déjà chez l’apporteur de capitaux potentiel, le soupçon d’un pays en difficulté et suffit à refréner ses intentions d’investissement dans le pays concerné.« , affirme-t-il.

Le sens et les répercussions prévisibles de la fermeture de plusieurs postes diplomatiques à la fois

Pour le diplomate à la retraite, les deux particularités qui nous paraissent ressortir de la décision de la Haute Autorité de fermer plusieurs postes diplomatiques d’un seul tenant, c’est qu’elle s’est voulue spectaculaire et qu’elle présage de s’inscrire dans le long terme, tout à la fois.
Pour Candide Ahouansou, cette réduction est spectaculaire parce qu’elle affecte environ 17 postes, tout d’un coup, n’ayant pas manqué d’étonner la communauté internationale, qui attend probablement de connaitre la solution de rechange que nous proposerons.
« Peut-être ouvrirons-nous, le plus sérieusement du monde, la voie à une nouvelle manière de faire la diplomatie moderne, compte tenu de l’évolution des temps et des nouvelles technologies de communication, mais aussi des ressources dont dispose chaque pays ; et peut-être ferons-nous des émules ? Et pourquoi pas, d’autant que l’on sait que nul n’est prophète en son pays ? », s’interroge-t-il.
 Selon le diplomate Ahouansou, si l’Etat, exerçant ses prérogatives, décide de la réduction des ambassades, c’est admissible. « La question se pose, néanmoins, lorsque sa décision conditionne sèchement les initiatives de son successeur en hypothéquant les moyens mêmes de la réalisation de ses actions. Vendre les immeubles qui abritent nos ambassades qui seront fermées, serait entraver et ruiner par anticipation et gravement, les initiatives du prochain chef d’Etat ; ce serait sceller le sort de la diplomatie béninoise, dès à présent.« 
Il poursuit en affirmant que ces biens immobiliers ont été acquis par suite de gros efforts budgétaires à l’issue d’âpres pourparlers entre les Ministère des affaires Etrangères et des Finances. « Et il est évident que l’Etat aura grand-peine à en racheter, tant les prix des immeubles ont grimpé et sont devenus prohibitifs. »

Fermeture des représentations diplomatiques auprès des organisations internationales

Vu sous cet angle, Candide Ahouansou estime que les répercussions prévisibles de la fermeture des représentations diplomatiques auprès des organisations internationales. « Décider de retirer, et d’un seul trait, les représentations auprès des instances internationales, devrait, pour être compris par la communauté internationale, répondre à une politique bien définie de l’Etat qui l’entreprend, tant la décision s’avèrera lourde de conséquence ; et pour cause, c’est au sein de ces organisations que se décident les politiques de coopération et d’assistance aux Etats membres. Leur contribution à notre développement est si notable et si inévitable que l’on devrait coller à elles », indique-t-il.

Pourquoi ce repli? 

Toute réflexion faite et bien pesée, l’on reste à se demander si la décision du chef de l’Etat tient d’une nouvelle façon de faire la diplomatie ou tout simplement de considérations financières, nonobstant l’embellie de notre économie, se préoccupe Candide Ahouansou.
Pour lui, la vision, c’est pour le futur et les esprits éclairés, que le citoyen ordinaire ne peut maîtriser, tandis que les considérations financières sont à sa portée. « Je dois dire que la présomption de la seule raison financière est corroborée par la toute récente mesure du Ministre des Affaires Etrangères, visant à réduire, par décret 1727/MAEC/SG du 5 mai 2020, le personnel attaché aux chefs de mission. Dans cet ordre d’idées, le questionnement qui me turlupine est le suivant : la fermeture d’un poste diplomatique pour des raisons d’ordre financier ne peut se faire que lorsque l’on a tout essayé pour minimiser les dépenses de fonctionnent ; mais avons-nous tout essayé dans ce sens ?« , s’interroge le diplomate.

Selon lui, seul le loyer et les salaires sont les véritables charges d’une diplomatie. Mais le Bénin, de bonne heure, avait l’option d’acquisition de ses immeubles.

Donc les charges locatives ne peuvent pas justifier les fermetures. Si la cause reste l’état des salaires, l’ex-ambassadeur estime qu’une étude pouvait être diligentée dans ce sens pour des rectificatifs.

« En tout état de cause, nous l’adjurons de ne pas faire mettre en vente les immeubles abritant les représentations diplomatiques qui seront fermées, d’autant que leur seule location pourra suffire à maintenir en fonction certaines de nos ambassades en plus des 10 retenues. C’est notre conviction profonde.« , a conclu Candide Ahouansou.

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