[Tribune] Gestion de la Covid-19 au Bénin: faut qu’on retourne au labo

Dans le procès de la propagation du Covid 19 au Bénin, les autorités centrales viennent de suggérer deux nouveaux suspects à l’opinion publique.

Le manège vise à desserrer l’étau autour de l’accusé principal, les élections communales du 17 mai 2020 organisées dans le pays pendant que le virus s’y trouvait déjà en villégiature au point de nécessiter l’isolement d’une quinzaine de communes durant plusieurs jours. Les deux nouveaux suspects jetés à la vindicte populaire s’appellent fraîcheur et humidité. Si cela continue, les inondations pourraient se voir à leur tour pointées de l’index. Les églises elles, vont dire ouf ! Les gros soupçons qui semblaient planer sur leurs toits s’en trouvent levés. Amen !

Lorsque le ministre béninois de la santé M. Benjamin Hounkpatin vient à la télévision se fendre de conjectures pour minimiser des évidences scientifiques, il nous conduit tout droit au bord du gouffre. Il n’y a aucune preuve communément admise aujourd’hui que le froid favorise la propagation du nouveau Coronavirus, étant entendu que celui-ci ne prolifère pas à l’éxtérieur de l’organisme.

À peine a-t-on supputé autour de la probabilité que la fraîcheur lui permette de vivre un peu plus longtemps à l’air libre. Le cas échéant, elle ne le rend pas plus virulent/contagieux ni le contact entre les Hommes ou le contact avec des objets/espaces infectés plus dangereux qu’en temps de sécheresse ou de chaleur, en l’absence des précautions d’usage.

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En déduire que le froid est à l’origine de l’accroissement des contaminations n’est donc pas une conclusion logique. D’ailleurs, le ministre parle lui-même d’hypothèses. Pour les faire valoir, il s’appuie sur ce qu’il observe : 1. dans les pays européens, la période où le virus a sévi vraiment coïncide avec la saison hivernale, 2. actuellement, la courbe de l’évolution de l’épidémie est descendante dans les pays sahéliens pendant qu’elle monte dans les pays côtiers, 3. dans les régions chaudes du Bénin, on n’a pas beaucoup de contaminations ; Cotonou et ses environs constituent le foyer du SARS-COV-2.

M. Hounkpatin n’ignore pas que ses constats sont trop légers pour conduire à l’inculpation des nouveaux suspects. Lorsque le Covid 19 débarquait en Europe, on n’en savait pas beaucoup à son sujet. Les symptômes n’étaient pas précis ou précisés. Les mesures barrières telles qu’on les connaît aujourd’hui n’étaient pas encore en vogue. On savait tout juste qu’il fallait éviter les contacts au maximum.

La distanciation physique d’au moins un mètre, l’éternuement ou le fait de tousser dans le creux de son coude, le port systématique de masques etc… voire des mesures drastiques de confinement total ont été instaurés plus tard à la faveur d’une meilleure connaissance des manifestations du virus. La France a connu le pic de l’épidémie en mars-avril et enclenché son déconfinement le 11 mai. Comme elle, certains pays européens, dans une situation identique, ont commencé à déconfiner bien avant l’été.

Pendant ce temps en Afrique subsaharienne, au Bénin en particulier, nous nous prévalions de notre flemme légendaire, de notre état miséreux et de notre immunité autoproclamée pour ne rien entreprendre de concret. Il n’est pas surprenant que nous en soyons au niveau de propagation où nous en sommes. Il n’y a pas à être surpris non plus que les contrées ayant opté assez tôt pour un dispositif plus ou moins strict respirent mieux désormais, y compris des pays à forte densité démographique, au moment où les laxistes sont à la ramasse.

Aussi n’est-il pas vrai que le nombre de cas de Covid-19 grimpe ces derniers jours dans tous les pays côtiers de notre sous-région comme le sous-entend le ministre béninois de la santé. La situation est loin d’être pire qu’avant Juin au Togo, au Ghana ou encore en Guinée. M. Benjamin Hounkpatin aurait expliqué la hausse des cas au Bénin par un dépistage plus important – du point de vue de la quantité de tests réalisés – qu’on aurait été tenté de le croire.

Attribuer ceci hypothétiquement à la fraîcheur ne le sied pas. Est-ce parce qu’il ferait frais que les décès ont également augmenté de façon exponentielle ?

Les seules constantes, sur lesquelles le monde s’accorde jusqu’à nouvel ordre, c’est que le Covid-19 se transmet par le contact physique, que son incubation dure deux à trois semaines et que l’on peut être atteint sans en développer les symptômes tout de suite au terme de l’incubation ni jamais.

Il faut persister et signer. Au Bénin, les élections communales du 17 mai ont hautement contribué à la progression du nouveau Coronavirus. Les premiers à blâmer demeurent ceux qui ont fait se tenir le scrutin dans une inobservance criante des gestes barrières et d’autres dispositions préventives connexes. Plusieurs candidats ont été vus sur le terrain – pas qu’une fois – en train d’animer des meetings au milieu de foules compactes. Distanciation, port de masque et tutti quanti… zéro ! Le conseil des ministres qui ne se réunissait plus que par visioconférence, avait pourtant décidé que la campagne électorale devait se faire exclusivement via les médias et les nouveaux médias.

Une décision qui prouve que le gouvernement avait pleinement conscience, quand il convoquait le corps électoral, que ce genre d’occasion de mobilisation de la masse est un facteur favorable à une forte poussée de la contamination. Il était suffisamment renseigné sur la nature du virus et sur comment il opère. Il savait que le premier tour des élections communales en France avait facilité la circulation du Covid au sein de la population et que bien des nations, en Afrique et hors du continent africain, s’étaient résolues à ajourner des votes qui devaient intervenir sur leur territoire en ces périodes critiques.

Nier que le processus électoral et l’anarchie à laquelle il a donné lieu sont LA cause ou la cause fondamentale de l’exacerbation de la crise sanitaire sur le sol béninois revient à nier les certitudes établies au sujet du mal, et à nier que l’extrême proximité et le contact physique en sont les voies de transmission.

Après l’on s’étonne que la plupart des destinataires des messages de sensibilisation anti-Covid préfèrent en rire. Tant pis pour eux, hélas !

Déo Gratias Kindoho

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