Côte d’Ivoire – Présidentielle 2020: la jeunesse face à un monstre à trois têtes

Le 28 octobre 1990, la Côte d’Ivoire organisait sa première élection présidentielle avec Félix Houphouët-Boigny et Laurent Gbagbo. 30 ans après cette première élection démocratique au suffrage universel direct, la classe politique est demeurée presque inchangée, au mépris de la jeunesse.

Comme les autres ex-colonies françaises d’Afrique subsaharienne, la Côte d’Ivoire a également été invitée, le 20 juin 1990 à La Baule, à s’engager dans un processus démocratique. Un processus qui avait commencé avec Félix Houphouët-Boigny, le père de l’indépendante de la Côte d’Ivoire, et l’opposant historique, Laurent Gbagbo. Cette élection, première démocratique du pays depuis son indépendance en 1960, a été remportée par Félix Houphouët-Boigny.

Mais, le « vieux » ne finira pas son quinquennat. A la suite du décès de Félix Houphouët-Boigny, le 7 décembre 1993, la Côte d’ivoire a entamé une descente aux enfers avec, à chaque étape, un monstre à trois têtes. Le trio  Henri Konan Bédié-Laurent Gbagbo-Alassane Ouattara annonce les couleurs lors des élections de 1995.

Règne sans partage de trois mastodontes

Tout a commencé avec Henri Konan Bédié, qui, se croyant tout puissant à la tête de l’Etat ivoirien pour conduire la transition, créa la question d’ivoirité. L’objectif visé est d’écarter Alassane Drahmane Ouattara, ex-Premier ministre d’Houphouët Boigny, de la conquête du pouvoir. Mais, Laurent Gbagbo apporta son soutien à Alassane Ouattara en boycottant les élections de 1995. Ce dernier deviendra plus tard son rival.

En 2000, Laurent Gbagbo est élu à la présidence de la République de Côte d’Ivoire, face à Robert Guéï. Ce fut lé début d’une gouvernance marquée par une crise qui divise le pays. Pour faire face au président Laurent Gbagbo, Henri Konan Bédié s’est allié à son adversaire, Alassane Ouattara. Ainsi, les deux « mastodontes » avec l’aide de la France, combattirent le président Laurent Gbagbo tout le long de son mandat. Et c’est le début d’une crise qui va déboucher sur les élections controversées de 2010 et à la crise post-électorale de 2010-2011. Une crise qui fera plus de 3 000 morts.

Alassane Ouattara, l' »agneau » devenu le « loup »

A l’issue des élections controversées de 2010, Alassane Ouattara accéda au pouvoir avec la bénédiction de Bédié et du chef des Forces nouvelles, Guillaume Soro. La jeunesse tenta ainsi son accession dans l’arène politique ivoirienne, avec Guillaume Soro, qui deviendra le président de l’Assemblée Nationale. Laurent Gbagbo était ainsi devenu le bouc émissaire. Suite à son inculpation par la Cour pénale internationale (CPI) pour quatre chefs d’accusation de crimes contre l’humanité, il est incarcéré au centre de détention de la Cour à La Haye (Pays-Bas).

Alassane Ouattara, également acteur de la crise post-électorale de 2010-2011, ne sera pas inquiété. Mais, vers la fin de ses deux mandats, les relations deviendront troubles entre Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié. Ce dernier prend ses distances et tente une alliance avec le FPI, le mouvement politique créé par Laurent Gbagbo. Les deux ont conclu une alliance pour affronter le RHDP d’Alassane Ouattara, qui avait annoncé se retirer de la politique.

Certes, le président sortant avait clairement laissé entendre depuis plusieurs années, qu’il ne briguerait pas de troisième mandat, passant publiquement la main à son Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly pour lui succéder. Mais la mort de ce dernier a remis en question la promesse du président. Alassane Ouattara annonça vouloir briguer un 3è mandat, sacrifiant tout espoir de la jeunesse.

Une jeunesse sacrifiée pour une gérontocratie

Depuis la mort de Félix Houphouët-Boigny, la Côte d’Ivoire n’a connu d’autres leaders que la « trilogie » Ouattara-Gbagbo-Bédié et leurs lieutenants. Même le sort du Général Robert Guéï dans la politique ivoirienne a été tragique. Aucune place n’est laissée, et ne sera non plus à cette jeunesse ivoirienne. Mais ils étaient pourtant dans les rues pour déterrer la dépouille d’Arafat. Ils débordaient d’énergie pour célébrer l’anniversaire de leur « star », bravant toutes règles barrières en cette période de pandémie du coronavirus. Mais malheureusement absents, là où ils devraient œuvrer pour leur avenir. Insouciance, irresponsabilité ou naïveté ?

« Dans cette incertitude totale, on n’entend pas les jeunes, on les dirait absents, comme si, tétanisés par l’enjeu, ils se demandent si leurs dieux ne sont pas tombés sur la tête », a écrit Florent Couao-Zotti, écrivain béninois. « On peut reprocher à la vieille classe politique de caporaliser la vie publique, mais que font les leaders des jeunes, au-delà des clivages partisans, pour se « libérer » de cette gérontocratie stérile ? », s’est questionné l’écrivain.

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