« En faisant ce qui ne lui est pas demandé, la cour suprême ouvre la possibilité de saisir la Cour constitutionnelle », Ibrahim Salami

Les arrêts rendus par la chambre administrative de la cour suprême sur les recours portés à son niveau, au sujet des contentieux électoraux dans la Commune de Parakou, suscitent toujours des analyses. Pour Me Ibrahim Salami, en faisant ce qui ne lui est pas demandé, la cour ouvre la possibilité de saisir la juridiction constitutionnelle.

Dans une tribune intitulée  » l’arrêt Traoré-Yaya Aboubacar: le double ultra petita et l’extra petita », l’agrégé de droit, Me Ibrahim Salami, a donné sa lecture de la situation politico-juridique qui a fait perdre au parti Forces cauris pour un Bénin émergent (FCBE), le contrôle de la municipalité de Parakou.

Selon le rappel des faits, les élections communales du 17 mai 2020 ont créé la surprise dans la troisième ville à statut particulier. Le parti Forces cauris pour un Bénin émergent (FCBE) emporte la majorité absolue des sièges, soit 17 sur 33. L’Union Progressiste (UP) et le Bloc Républicain ne s’en sortent qu’avec respectivement 12 et 4 sièges.

Mais cet avantage qui leur garantissait le contrôle de la municipalité de Parakou a été vite remis en cause par une désunion en leur sein. Deux conseillers feront alors défection à l’élection d’Aboubacar Yaya, qui sera finalement nommé maire de Parakou.

Pour mieux faire comprendre son analyse, le professeur titulaire de droit public, Ibrahim Salami, fait remarquer que Monsieur Amadou ASSOUMA (celui qui a fait perdre un siège aux FCBE) n’est pas un élu. « Il est un citoyen et électeur dans le premier arrondissement de Parakou au quartier Tourou Dispensaire et au centre de vote EPP centre groupe A, B, C et D« , précise-t-il.

Ce dernier, poursuit-il, a, par requête en date à Cotonou du 22 juin 2020, enregistrée au greffe de la Cour Suprême le même jour sous le numéro 296/GCS/ ECM, saisi la Haute juridiction d’un recours en annulation de l’élection d’Ousmane TRAORE, conseiller municipal à Parakou, au soutien que ce dernier aurait été condamné par sursis pour escroquerie.

Dans son arrêt n°132/ECM/CA/ECM du 16 juillet 2020, Amadou ASSOUMA C/ Abdoulaye Ousmane TRAORE et CENA, le juge électoral de la Cour invalide le siège obtenu par les conseillers FCBE, Ousmane TRAORE et YESSOUFOU Amadou, respectivement titulaire et suppléant, d’une part, et ordonne la reprise de l’élection du Maire et de ses adjoints, d’autre part.

Pour l’avocat au barreau béninois, cet arrêt rendu par la chambre administrative de la cour suprême, pose une série de problèmes théoriques épineux causés, certes, par la complexité des faits, mais surtout par la difficulté de cerner les limites de la compétence du juge statuant en matière électorale.

L’une des questions suscitées par l’arrêt…

Le professionnel du droit, Me Ibrahim Salami, s’est interrogé sur la nature des conséquences à tirer de la condamnation pénale d’un conseiller communal élu.

« Le mal élu peut ou doit-il entraîner l’équipe communale dans sa déchéance ? Celle-ci peut-elle s’accommoder de la part de la Cour suprême de la violation des droits de la défense et du principe du contradictoire ? », s’est demandé l’homme de droit.

Pour Me Ibrahim Salami, en se référant aux textes, la candidature ou même l’élection de Monsieur Traoré peut être invalidée puisqu’il ne devait même pas être candidat au regard de la loi.

L’agrégé de droit relève néanmoins que le casier judiciaire du mis en cause est vierge.

« On est en droit de s’interroger sur le lien entre l’inéligibilité constatée et l’invalidation du siège privant le suppléant de siéger. Pour parvenir à cette fin, la Cour suprême requalifie juridiquement l’objet du litige tout en s’abstenant de se prononcer sur la radiation de la liste électorale sollicitée par le requérant« , fait remarquer Me Ibrahim Salami

La faute du candidat peut-il conduire à l’invalidation du siège?

Pour Ibrahim Salami, partant de l’inéligibilité qui est une irrégularité touchant la candidature, le juge électoral invalide le siège. Or, indique-t-il, le siège est attribué aux listes et non aux candidats.

Pour le juriste, il est important de souligner que seules les listes ayant recueilli au moins 10% des suffrages valablement exprimés au plan national, sont éligibles à l’attribution des sièges.

Le siège, selon l’article 189 et suivants du code électoral, est ensuite attribué à la liste qui a obtenu la majorité absolue ou à défaut 40% au moins des suffrages exprimés, un nombre de sièges égal à la majorité absolue des sièges à pourvoir. Enfin, les sièges sont attribués aux candidats d’après l’ordre de présentation sur chaque liste.

« Au regard de ces énumérations, il convient de noter qu’avant d’être attribué au candidat, le siège est attribué au parti politique. Le suffrage des électeurs est exprimé au profit du parti. C’est l’enseigne du parti et non la candidature du bénéficiaire du siège qui a une influence sur le choix des électeurs » fait-il savoir

En faisant ce qui ne lui est pas demandé, la chambre administrative de la Cour suprême…

Pour conclure son analyse, Me Ibrahim Salami Ibrahim estime que, par son arrêt, la chambre administrative de la cour suprême a violé le principe du contradictoire et a ouvert la possibilité de saisir la cour constitutionnelle.

« En ne faisant pas ce qui lui est demandé et faisant ce qui ne lui est pas demandé, la chambre administrative de la Cour suprême statuant en matière électorale a commis un double ultra petita, un extra petita et un déni de justice. Elle a également violé le principe du contradictoire et les droits de la défense, ce qui ouvre la possibilité de saisir la Cour constitutionnelle. »,a indiqué l’agrégé de droit.

Selon lui, au-delà du cas de Parakou, il reste posé, la question de savoir si le changement de majorité dans une assemblée peut conduire à une remise en cause de l’élection des dirigeants de ladite assemblée.

A l’en croire, la sécurité juridique recommande que des situations acquises (droit acquis à la désignation du maire et de ses adjoints) ne puissent être remises en cause en raison de situations à la fois étrangères et postérieures.

« On a de la peine à imaginer que le président d’un parlement élu à une voix près comme ce fut le cas de Me Adrien HOUNGBEDJI en 2015 puisse être remis en cause par suite de la perte de la majorité par son camp. C’est pourtant ce qui a été jugé par la haute juridiction administrative de la Cour suprême dans l’arrêt TRAORE-YAYA ABOUBACAR« , conclut l’homme de droit.

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