Mafia foncière au Bénin: l’analyse de l’urbaniste Christian Sossou sur les mutations frauduleuses de noms

La mafia foncière est un phénomène qui fait rage dans les communes au Bénin. Le mal s’est intensifié avec les opérations de lotissement dans lesdites communes. Le dernier exemple en date est celui de la commune d’Abomey-Calavi où plusieurs géomètres ont été mis sous mandat de dépôt. Que comprendre par ce phénomène, notamment la question de mutations des noms dans les documents administratifs ? Christian Sossou, urbaniste à la retraite aborde la question dans une analyse exclusive parvenue à la rédaction de Bénin Web TV.

On en sait un peu plus sur le phénomène de « mafia foncière » dans les communes du Bénin. Dans son diagnostic sur la question, l’urbaniste Christian Sossou s’est accentué sur la question des mutations frauduleuses de noms dans les documents administratifs. Selon ces clarifications, la mutation de nom est une substitution à autre nom préalablement attaché à un bien immeuble, suite à un transfert de propriété, consacré par un acte approprié.

Selon Christian Sossou, on parle de mutation frauduleuse lors que l’acte de transfert est établi en violation des règles et normes requises ou si la personne ayant accompli l’action de mutation n’est pas qualifiée pour. « Et c’est justement ce dernier cas de figure qui défraye la chronique ces derniers temps dans une des communes et a conduit à l’incarcération d’une douzaine d’opérateur géomètres », a-t-il indiqué.

Quid des acteurs impliqués dans les mutations frauduleuses ?

En ce qui concerne les acteurs impliqués dans le cas de mutation frauduleuse de nom, les géomètres sont en point de mire. On retrouve en premier plan les opérateurs géomètres, collaborateurs des géomètres, experts. Ceux-ci sont des acteurs clés qui interviennent sur le terrain sous la couverture d’un géomètre expert. « Ils s’appuient la plupart du temps sur les comités de lotissement », précise Christian Sossou.

Après les opérateurs géomètres, il y a les experts géomètres qui sont des prestataires des Mairies par le biais d’un contrat. Ledit contrat définie le cahier de charge et la durée d’exécution des travaux. Il s’agit de ce que l’urbaniste appelle « documents (graphiques et écrits) », produits pour le maître d’ouvrage. Le contrat fixe également les rémunérations et les modalités de paiement.

« Ces géomètres experts, au lieu de remettre aux mairies les documents qu’ils ont élaborés dans le cadre de la mission à eux confiée, les gardent plutôt par devers eux et les gèrent ad vitam æternam, en violation des dispositions contractuelles »

Christian Sossou, urbaniste

Dans le lot des acteurs, on retrouve aussi les urbanistes. Selon Christian Sossou, ceux-ci sont dans la même situation que les géomètres experts. Les services compétents des Mairies sont aussi pointés du doigt. Selon l’urbaniste, ces services au lieu de remplir leurs rôles de maître d’ouvrage, d’archivage et de gestions des divers documents « sont à la merci des prestataires ».

Les causes du phénomène

La mutation frauduleuse de nom s’observe généralement dans les zones urbaines et périurbaines. Les endroits où des opérations de lotissement sont en cours constituent également des cibles pour le bradage domanial. Ce phénomène est causé par quatre facteurs principaux selon Christian Sossou. Il s’agit :

  • les morcellements irréguliers ;
  • la prise en considération indue des morcellements ;
  • la méconnaissance par certains acteurs des textes qui régissent les transactions foncières et les opérations de lotissement/remembrement au Bénin ;
  • la confiscation par les divers prestataires (géomètres et urbanistes) des documents de lotissements/ remembrement qu’ils modifient en permanence et de manière irrégulière.

En terme de conséquences, les communes sont confrontées à des litiges domaniaux qui sont pour la plupart du temps portés devant la justice. « Ces litiges en plus d’affecter négativement l’image de marque des communes concernées, retardent la mise en valeur de beaucoup de parcelle de terrain », fait savoir Christian Sossou.

Des approches de solutions

Au regard des éléments développés, l’urbaniste Christian Sossou propose quelques actions à mener pour un début de solution au phénomène. De façon concrète, il s’agira pour les autorités communales de :

  • récupérer par tous les moyens légaux les documents relatifs aux opérations de lotissement/remembrement, gérés jusque là par les prestataires de service. Mais avant ça, il faudra d’abord mener une évaluation rigoureuse de l’exécution des contrats ;
  • organiser une campagne de vulgarisation des procédures, règles et normes en vigueur relativement au foncier et au lotissement/remembrement ;
  • réformer le système actuel d’homologation des actes de transfert de propriété ;
  • procéder à une relecture et à une actualisation de tous les contrats en cours.

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