Bénin – Covid-19 : les personnes du 3ème âge, l’autre maillon délaissé

Le Bénin, comme les autres pays du monde, vit une crise sanitaire liée au coronavirus. Même si la situation semble être sous contrôle suivant les statistiques des autorités ministérielles, les personnes âgées sont prises dans un étau où chaque réveil est un challenge.

Xavier N’solé souffre, depuis plus de 10 ans, de l’hypertension artérielle. Ancien agent de la Coopérative d’aménagement rural (CAR) du grand Agonvi, cet octogénaire dit avoir vécu le traumatisme de sa vie à la fin du second trimestre de l’année 2020.

« Une nuit, j’ai cru que c’était mon dernier souffle puisque ma tension a été largement au-dessus de la normale », articule difficilement Xavier. S’il dit être habitué à « sa maladie » depuis plus de dix ans déjà, Xavier soutient que celle survenue fin juin 2020 résulte de son « abandon, par ses progénitures » pour, soutient-il, lui éviter une contamination au Covid-19.

Ce manque de chaleur de ses enfants et le stress constant de savoir qu’il pourrait être le prochain sujet atteint du covid-19 et pourrait en mourir en quelques jours compte tenu de son état de santé fragile, fait que la tension artérielle de Xavier peine à se stabiliser depuis la découverte, sur le plan national, du premier cas de sujet confirmé au coronavirus. Le comble, raconte-il, c’est qu’il meurt de peur à l’idée d’aller dans un hôpital ou un centre de santé pour ses soins. « Le virus est dans ces lieux et même sans covid-19, on t’emballe dans le cas et cette psychose tue aussi très rapidement », argue Xavier.

Au centre hospitalier départemental de l’Ouémé, les malades souffrant du diabète, de l’hypertension, ou autres ayant un âge avancé sont souvent systématiquement catégorisés et pointés du doigt comme étant des « porteurs du coronavirus ». Même s’il est certes approuvé par les scientifiques qu’ils sont des personnes vulnérables et à risque, leur condition d’accueil et d’hospitalisation sont loin de rassurer non seulement leurs parents, mais aussi d’autres patients admis à cet hôpital.

Alors que dame Assogba ne manifestait aucun signe de Covid-19 à part ceux liés à sa maladie habituelle qu’est le diabète, elle a été isolée sans regard et sans traitement médical pendant plus de 48h au Centre hospitalier département de l’Ouémé. « J’ai survécu par miracle puisque j’avais eu une crise et je suis aussi à un stade avancé de la maladie », nous a confié dame Assogba, septuagénaire, mère de Jacqueline, fille cadette et garde-malade lors de son hospitalisation en juillet 2020.

« A l’arrivée, les résultats de la PCR sont négatifs. Mais pendant ces quelques jours, ma mère était déjà morte psychologiquement et la stigmatisation me tuait aussi », déplore la quadragénaire qui a également signifié qu’elle était la seule autorisée, en ce moment, à se rapprocher de la malade en dehors du personnel soignant. « Et par précaution, nous avons interdit toute visite à maman de peur de la contaminer et de précipiter sa mort », a-t-elle ajouté.

Peu de mesures gouvernementales

Les autorités béninoises, pour contenir et éradiquer cette pandémie, ont très tôt pris des mesures sécuritaires et sanitaires. La toute première et la plus forte est celle du cordon sanitaire qui est de limiter la mobilité des personnes surtout entre la partie méridionale et celle du septentrion. Cette décision du gouvernement, dès les premiers jours, a privé les retraités de leurs pensions qui devraient se déplacer de leur village, pour la plupart, pour des chefs-lieux des communes ou des villes, avant de les percevoir.

George, agent territorial à la retraite, déjà dominé par le poids de l’âge aurait souhaité que le gouvernement ait une politique de soutien et d’accompagnement comme ce fut le cas avec les entreprises financièrement touchées par la pandémie.

« Il est vrai que les personnes de ma génération ( il est né en 1945 Ndlr) n’apporte plus grand-chose à la nation, mais pour avoir travaillé pendant 30 ans et vu que le virus s’attaque beaucoup plus à nous, le gouvernement aurait pu mettre en œuvre une politique pour plus de suivi de notre état sanitaire et une pension alimentaire pouvant nous permettre de mieux nous porter », a souhaité George.

Au ministère des affaires sociales et de la micro finances, les activités du département de ce ministère qui s’occupe des personnes du troisième âge n’ont malheureusement pas encore soulagé cette couche de la population en ce temps de pandémie. Même les quelques actions sporadiques de ce ministère en ce qui concerne la distribution des vivres aux populations vulnérables n’ont pas privilégié ces personnes qui sont au soir de leur vie sur terre.

Un manque d’attention de l’Etat qui inquiète Xavier qui ne comprend d’ailleurs pas une telle « indifférence » à leur égard alors même qu’ils sont les plus vulnérables dans cette crise sanitaire. « Même le fonds covid-19 alloué aux différentes communes ne prendra pas en compte les personnes âgées comme on l’aurait souhaité, vous verrez », affirme George avec pessimisme.

Effectivement, à la mairie de Sèmè-Podji, une localité située entre Cotonou et Porto-Novo, la capitale du Bénin, on nous renseigne que les artisans, les petites et moyennes entreprises et des secteurs durement touchés par la crise seront « naturellement privilégiés ». Signalons qu’au terme des répartitions, cette commune dispose de 69 millions 440 milles 955 francs CFA dans le cadre de ce fonds covid-19 aux communes du Bénin.

« La première mesure d’aide de l’Etat aux populations, c’est le décaissement de 74,12 milliards de franc CFA en faveur des entreprises formelles, des artisans et petits métiers. On pensait qu’une fois les fonds décentralisés, nous (personnes du 3ème âge Ndlr) serons mieux pris en compte, mais hélas », se désole pour sa part dame Assogba, veuve et mémé contrainte de lutter chaque jour contre « son diabète ».

A la date du 14 septembre 2020, le Bénin a enregistré 2 280 cas confirmés de Covid-19, 1 950 cas guéris pour 40 décès. Même si le pays est peu touché jusqu’à cette date, le virus circule toujours et ces personnes si vulnérables constituent, selon les scientifiques, une proie facile pour le virus. « … Ces personnes du troisième âge méritent donc plus d’attention, de mesures et d’accompagnement », a déclaré Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’Organisation mondiale de la santé lors d’une de ses sorties en janvier 2020.

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