Fermeture des frontières : Aliko Dangoté s’est-il fait prendre à son propre piège?

L’homme d’affaires Aliko Dangoté s’est invité dans les tractations pour accélérer l’ouverture des frontières nigérianes, fermées il y a plus d’un an. Une information rapportée par Jeune Afrique qui a fait savoir que le milliardaire nigérian a convié des autorités béninoises pour discuter sur la question. Si la démarche est à saluer, les Béninois ne devront pas pour autant oublier les « injures et ménaces » de l’homme d’affaires envers le Bénin.

Aliko Dangoté a initié une rencontre entre la partie béninoise et nigériane à propos de la fermeture des frontières. Selon Jeune Afrique, le milliardaire nigérian tente de relancer les négociations entre le président Patrice Talon et Muhammadu Buhari. « Aliko Dangote a convié le 12 septembre les ministres béninois Romuald Wadagni (Économie) et Aurélien Agbénonci (Affaires étrangères), à une rencontre pour évoquer cette épineuse question », rapporte le média.

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Une démarche louable de la part du milliardaire nigérian qui sans doute subit de plein fouet les effets de cette fermeture unilatérale des frontières par le Nigéria qui avait suscité une vague de réactions dans la sous-région. Même au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), des voix se sont levées pour aller contre cette décision. Le Nigéria avait été accusé d’avoir violé les accords de libre échange.

Les raisons évoquées par le Nigéria pour justifier la fermeture

A plusieurs reprises, les autorités douanières et gouvernementales du Nigéria ont fait savoir que la fermeture des frontières n’est pas une décision hasardeuse. Selon le président Muhammadu Buhari, cette fermeture n’est pas une punition infligée aux pays voisins du Nigéria. Il affirme que la décision de fermer les frontières nigérianes s’est présentée comme une solution urgente à la contrebande qui tue progressivement le marché intérieur de son pays.

Il a notamment évoqué la question de la contrebande du riz qui empêche la production locale de s’imposer, alors que son gouvernement s’y investit énormément. Le président Buhari avait donc demandé aux pays impactés par la fermeture des frontières, surtout le Bénin, de prendre des meures concrètes pour faire cesser la contrebande du riz vers le Nigéria.

Des mesures draconiennes contre le Bénin

Pour beaucoup de béninois, les frontières terrestres du Nigéria ont été fermées après des menaces de Dangoté de prendre des mesures draconiennes contre le Bénin. En effet, au cours d’une “Table ronde consultative sur la croissance de la CBN”, tenue le samedi 08 juin 2019 dans la capitale économique du Nigéria, Lagos, le milliardaire homme d’affaires nigérian Aliko Dangote avait prouvé, selon plusieurs analystes, à quelque point il « méprisait et sous-estimait le Bénin ».

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En effet, pour l’homme le plus riche d’Afrique, le Bénin avec ses 11 millions d’habitants serait le seul goulot d’étranglement du géant Nigéria avec ses 191 millions d’habitants. Pour ainsi empêcher le Bénin de continuer à limiter les performances globales de l’économie du premier producteur de pétrole africain, il urge de mener des actions à la hauteur de l’enjeu. 

«Ce qui nous tue le plus, c’est la contrebande. La contrebande est ce qui a réellement tué la plupart de nos politiques. Aucun pays ne peut survivre avec un voisin comme la République du Bénin. Leur principal travail est de faciliter la contrebande », a déclaré Dangote rapporté par le média nigérian Leadership.

“Nous allons prendre des mesures draconiennes contre le Bénin pour éviter la contrebande. Le plus grand défi pour l’économie du Nigeria est de mettre un terme à la contrebande organisée par le Bénin vers le Nigeria “

Aliko Dangoté

Quand le ciment ne cimente plus

Le samedi 08 avril 2020 à Abidjan au forum Mo Ibrahim, Aliko Dangoté n’a pas fait que raconter son anecdote sur les dix millions de dollars en liquide qu’il a retirés de sa banque juste pour se convaincre qu’il “a maintenant de l’argent”. Il a aussi regretté les barrières douanières et les problèmes administratifs sur le continent qui freinent selon lui son développement.

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Il a notamment expliqué qu’il était très difficile à son groupe de cimenterie d’exporter au Bénin à partir d’une de ses usines au Nigéria située à 40 km de la frontière du Bénin, qui importe du ciment « plus cher » de Chine. Selon Aliko Dangoté qui se désole de la situation, le gouvernement de Patrice Talon ne l’a pas autorisé à exporter ses ciments vers le Bénin, ni à implanter son usine au Bénin mais en importe de la Chine à un prix plus élevé que le sien.

Et sur le responsable de la situation, «il faut aller demander au président Patrice Talon », avait rétorqué Aliko Dangoté qui n’a jamais caché ses dissensions envers le président béninois.

Les conséquences pour le Bénin

La fermeture des frontières nigérianes a fortement impacté les activités économiques au Bénin. Les échanges de marchandises entre les deux pays se sont brusquement interrompus. Les exportateurs béninois d’ananas, de tomates et d’autres produits vers le Nigéria, ont subi la baisse drastique de leurs chiffres d’affaire. Dans une interview accordée à Jeune Afrique, six (06) mois après la fermeture des frontières, le Ministre béninois de l’Economie et des Finances, Romuald Wadagni, avait chiffré l’impact sur l’économie béninoise.

Selon le ministre, « la part des recettes imputable à la fermeture des frontières est estimée à 48,6 milliards de f CFA, soit un peu plus de 10% des recettes brutes de la douane et moins de 5% des recettes totales de 2019 », avait-il déclaré. Toutefois, il avait précisé qu’il s’agit d’un impact “relativement limité”.

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Pour Romuald Wadagni, le Bénin devrait exploiter cette chance d’avoir le Nigeria comme voisin. A l’en croire, le Bénin ne devrait pas se contenter d’être « un simple point de passage » . Il devrait mieux faire et pourrait être une « terre d’attache » pour les entreprises nigérianes « qui doivent pouvoir produire, au Bénin, pour le marché nigérian ». Mais avant ça, Romuald Wadagni pense qu’il faut que le Bénin ait une économie mieux préparée.

Quid des démarches menées pour l’ouverture des frontières?

Depuis la fermeture des frontières nigérianes, les pays voisins, notamment le Bénin, ne sont pas restés les bras croisés. Les autorités ont mené des démarches vers le Gouvernement nigérian afin que des solutions idoines soient trouvées pour l’ouverture des frontières. Ces démarches sont visiblement restées sans suite favorable, le Nigéria étant resté inflexible.

La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a aussi entrepris des actions pour que le Bénin, le Nigeria et le Niger puissent parvenir à un accord. Après les réunions tripartites tenues à Abuja entre les trois pays, la situation n’a pas évolué. Le Nigeria tient à ce que les pays voisins respectent rigoureusement ses exigences, dont la plus importante est la prise de mesures concrètes en faveur de la lutte contre la contrebande.

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