Modification de la constitution: le Bénin est-il dans une nouvelle république depuis 2019?

Au Bénin, les 83 députés de la 8è législature ont adopté le 1er Novembre 2019, la loi portant modification de la constitution de 1990. Bien qu’ils rassurent qu’il ne s’agit ni d’une nouvelle République ni d’une nouvelle Constitution, le politologue Richard Ouorou estime qu’à y voir de près, le Bénin est dans une nouvelle République depuis 2019.

Le consultant et politologue Richard Boni Ouorou craint que le Bénin soit dans une nouvelle République depuis 2019. En effet, à la faveur d’un direct sur sa page Facebook où il a abordé un thème relatif à la loi fondamentale dans son interaction avec la République, le consultant estime qu’une analyse rigoureuse pourrait démontrer que le Bénin se retrouve depuis 2019 dans une « Nouvelle République« .

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Pour le politologue, loin de l’amalgame qui veut faire croire que même en touchant une seule virgule de la constitution, on est dans une nouvelle république, les modifications intervenues en Novembre 2019 ont conduit à un changement de régime.

Pour Richard Boni Ouorou, on peut apporter des modifications à la constitution sans pour autant se retrouver dans une nouvelle république car le penser, affirme-t-il, c’est adopter une posture qui reviendrait à confondre « constitution et République » alors que les deux notions traduisent des réalités juridiques différentes.

Une nouvelle république implique le changement de régime politique

S’appuyant dans son analyse sur l’article 16 de la déclaration des droits de l’homme et des peuples, le consultant Richard Boni Ouorou fait remarquer que la constitution est un texte fondamental organisant les pouvoirs publics de l’Etat et consacrant les libertés publiques. En revanche, poursuit-il, la République est un régime politique que l’État organise par la Constitution et est appelé à mettre en œuvre au regard de spécificités l’opposant à d’autres régimes politiques. 

Aussi, pour parler de nouvelle république, il faut que la modification de la constitution impacte le modèle politique. « Le passage d’un processus de révision constitutionnelle à une nouvelle République, est subordonné à un changement de régime politique. Même, l’argument agité en son temps et qui imputait à l’ancien président Yayi Boni l’intention de vouloir modifier la constitution aux fins de briguer insidieusement un troisième mandat ne résiste à aucune analyse objective. » indique Richard Boni Ouorou

A le croire, il existe bien une différence de niveau entre République et Constitution bien que l’une englobe l’autre. « Dès lors, le changement de République correspond à un changement de régime alors que la révision ou l’écriture d’une nouvelle constitution peut très bien se faire au sein d’un même régime politique sans en modifier la forme. » affirme-t-il.

Le Bénin est-il dans une nouvelle République ?

Face à cette préoccupation, le consultant et politologue semble répondre par l’affirmative. Selon lui, la modification de la constitution intervenue en 2019 au lendemain du dialogue politique convoqué par le chef de l’Etat, le président Patrice Talon, consacre selon lui une nouvelle république. Pour justifier cette position, Richard Boni Ouorou, estime que la révision opérée par les 83 députés de la huitième législature tôt le 1er Novembre 2019 a induit un changement de régime politique au Bénin.

En effet, précise -t-il, le régime présidentiel monocéphale a été modifié et transformé à un bicéphalisme politique au sommet de l’Etat avec l’introduction du vice-président. Par ailleurs, poursuit-il, cette modification a rallongé les pouvoirs des élus communaux et parlementaires tout en changeant en conséquence leur statut qui évolue de simples élus à pré sélectionneurs; toutes choses qui changent radicalement notre régime politique.

Se fondant sur ces changements, Richard Boni Ouorou affirme que bien que l’article 2 nouveau du texte se veut rassurant sur le fait que cette modification n’engendre pas une nouvelle République, une analyse rigoureuse pourrait démontrer que « le Bénin est bel et bien dans une nouvelle république depuis 2019« , . laisse-t-il entendre.

Ce que cette révision constitutionnelle a changé

Les députés béninois sont formels : l’opération de modification de la Constitution du 11 décembre 1990 n’établit pas une nouvelle Constitution. Ils ont tenu à l’inscrire noir sur blanc dans le texte constitutionnel amendé.

« « En aucun cas, nul ne peut, de sa vie, exercer plus de deux mandats de président de la République », établit l’article 47. »

La limitation du nombre de mandat n’est, en outre, pas limitée au seul président. Un député ne peut désormais renouveler son mandat plus de deux fois. L’enjeu est d’assurer un renouvellement voire un rajeunissement de la classe politique.

La nouvelle Constitution crée un poste de vice-président, élu en duo avec le président de la République – à l’image du modèle du Nigéria. La principale incidence porte sur la gestion d’une éventuelle vacance du pouvoir. Jusqu’ici, c’est le président du parlement qui devrait remplacer le chef de l’État et, en cas de vacance définitive, était tenu d’organiser de nouvelles élections dans les 40 jours. Une disposition qui risquait de remettre en cause la pérennité des élections générales.

Le vice-président aura pour fonction officielle principale d’assurer la vacance de la présidence de la République. Il aura également la mission de représenter le président, à la demande de celui-ci, dans le pays ou à l’étranger.

Mais s’il est élu au suffrage universel en même temps que le président, les dispositions portant sur sa destitution font polémique. Le vice-président peut en effet destitué « pour manquement grave » par le Parlement (vote à la majorité qualifiée des deux tiers), sur demande du président de la République. Le président de la République nommant alors son successeur.

Création d’une Cour des comptes

La Chambre des comptes – rattachée à la Cour suprême, n’avait jusqu’à présent ni l’indépendance, ni les moyens nécessaires pour assurer un contrôle efficient des comptes publics.

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La création de la Cour des comptes, portée sur les fonds baptismaux par la révision constitutionnelle, fait l’objet d’un vaste consensus dans le pays. Elle permettra par ailleurs de satisfaire une directive communautaire de l’UEMOA, qui demande au Bénin la mise en place de cette Cour des comptes depuis une dizaine d’années.

– Ratification des accords internationaux

Une nouvelle disposition de la Constitution confirme que la ratification des traités de paix, des traités ou accords internationaux relève du pouvoir législatif, mais ajoute que, concernant les conventions de financement soumises à ratification, ces dernières seront désormais ratifiées par le président de la République, qui en rendra ensuite compte à l’Assemblée nationale dans un délai de 90 jours.

• La reconnaissance des chefferies traditionnelles

« L’État reconnaît la chefferie traditionnelle gardienne des us et coutumes ». Cette simple phrase entérine une vieille revendication du conseil des rois du Bénin, terre d’illustres royaumes. mais là encore, le texte renvoie à la promulgations de lois ultérieures le soin de fixer les conditions de cette reconnaissance.

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