Bénin – Presse écrite: du jonglage professionnel !

Le monde médiatique béninois vit une révolution technologique depuis quelques années déjà. Face donc à ces avancées numériques, la presse écrite semble être à l’agonie. Et pour s’y adapter, des acteurs se livrent à de « jonglages professionnels ».

C’est désormais connu de tous que la presse écrite au Bénin semble disparaître petitement au profit des nouveaux médias; les réseaux sociaux et les médias en ligne. Et comme pour tout changement, cette presse vit des moments de turbulences, mais ses acteurs s’efforcent de garder, tant bien que mal, le flambeau de cette presse si complexe et contraignante.

Du journal Ehuzu à Le Leader du jour, en passant par Le matin, La nation, le Matinal, la Gazette du golfe, Matin libre, Fraternité et bien d’autres, l’univers de cette presse écrite a été si florissant surtout depuis la fin de la conférence des forces vives de la nation en février 1990. Si les journaux Le Matin, Le Matinal et l’hebdomadaire La Gazette du golfe ont connu leur période ascendante de 2004 jusqu’en 2015 pour certains, ces quelques journaux, les plus lus, en leur temps connaissent aujourd’hui une courbe descendante. Même si d’aucuns évoquent l’embrigadement de la presse béninoise, les agents du journal du service public, La Nation, continuent de garder leur flamme de communication institutionnelle au service du peuple. Aussi, peut-on évoquer le meilleur positionnement du journal Matin libre qui s’efforce dans l’équilibre lors du traitement de l’information.

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Mais des organes de presse écrite, comme Matin Libre, sont à compter sur le bout des doigts sur le territoire béninois. Le comble, c’est la naissance, presque quotidienne, de journaux dans cet univers médiatique.

Les titres et articles siamois, des contenus des articles presque vides, de l’inexistence de ces journaux dans les kiosques, de l’arnaque médiatique et bien d’autres maux sont des points qui caractérisent l’aspect de ce média aujourd’hui au Bénin.

La déclaration, un régime qui « tue l’écrit »

Avoir son propre journal écrit peut être l’œuvre d’une journée en République du Bénin. Suivant les dispositions légales au niveau de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC), la détention d’un journal est basé sur un régime déclaratif. Les exigences ne sont pas aussi corsées comme c’est le cas avec la création des organes en ligne surtout les sites web.

Cette disposition a facilité malheureusement la naissance tous azimuts de journaux qui se refusent même, pour la plupart des cas, de se déclarer à la HAAC en remplissant les conditions y afférentes. « Aujourd’hui, on dénombre plus de journaux fantômes qui n’existent que dans les médias sociaux », a déploré François Awoudo, consultant média, lors d’une formation des journalistes sur la corruption en juillet 2020 à Bohicon.

L’immense foule si compacte, jadis, retrouvée au kiosque situé à côté de la morgue du Centre national hospitalier universitaire (CNHU) Hubert Maga de Cotonou, semble se résumer à une petite poignée de gens. La grande table d’exposition et de vente de journaux du détenteur du kiosque est désormais couverte, à peine, à moitié. « Le temps est si dur, l’environnement économique dans le pays n’est plus le même, le nombre de journaux qui me parvenait ne cesse de diminuer. Les responsables de ces journaux se débrouillent juste pour s’en sortir », nous a confié fofo Bona, détenteur du kiosque « de la morgue ».

Si Matin Libre continue de tirer près de 5 000 exemplaires par parution et Le Matinal près de 3 000 exemplaires et quelques autres journaux, la quasi-totalité des autres paraissant au Bénin sont à moins de 200 tirages par parution. « Il y a des journaux qui tirent même 30 ou une dizaine par parution. Il y en a même qui déposent juste les calques en attendant des appels pour achat pour demander le tirage du nombre commandé », a-t-on appris à l’imprimerie Lipawol, l’une des imprimeries reconnues dans l’impression des journaux à Cotonou, Bénin.

Le journalisme, un métier galvaudé ?

« Le 14 septembre dernier, à la suite de mon activité que des journaux ont couverte et publiée dans leurs organes, j’ai parcouru en vain presque tous les kiosques de Cotonou sans pour autant retrouver des exemplaires. Sur près de 5 journaux, je n’ai retrouvé qu’un seul au kiosque. Le reste, aucun exemplaire jusqu’à présent (ce 5 octobre 2020 Ndlr) », se plaint Hervé A., promoteur artistique et responsable d’une organisation non gouvernementale (ONG) intervenant dans l’orphelinat. Alors que le lendemain, soutient-il, les responsables de ces organes lui ont envoyé leurs Unes avec le titre de son activité. « Finalement, j’ai compris que ces journaux n’existent que par whatsapp ou Facebook », a-t-il conclu.

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Nos échanges avec deux des responsables de ces organes de presse « whatsapp » n’ont malheureusement pas abouti à la satisfaction du client. Raison évoquée, la rupture du stock étant donné que les exemplaires ont été vite écoulés. Mais, c’est l’avis contraire que nous avons recoupé auprès des détenteurs de kiosques à Cotonou. Aucun de ces vendeurs de journaux n’a reçu des exemplaires desdits organes de presse dans la période. Un marché de dupe donc basé sur l’envoi d’une Une numérique aux consommateurs qui n’auront, malheureusement, jamais le privilège de disposer de la version papier de ces journaux.

« La situation est aujourd’hui plus inquiétante et la HAAC devra désormais s’y pencher pour assainir ce secteur », a recommandé un ancien conseiller de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC).

« Le métier du journalisme est un métier noble, mais se meurt aujourd’hui à cause des pratiques douteuses et des actes indignes des acteurs. Ces derniers galvaudent tout simplement ce métier, surtout la presse papier », se désole, pour sa part, Hervé A. promoteur artistique et responsable d’ONG.

Le Code de l’information méconnu, des consommateurs floués

Le monde médiatique est bien régi par des textes adoptés par le législateur béninois. L’exercice donc du métier de journalisme requiert une certaine aptitude et attitude. Dans la loi N°2015-07 du 20 mars 2015 portant code de l’information et de la communication en République du Bénin, l’obligation est faite aux directeurs de publication des journaux papiers, à l’article 62, de déposer des exemplaires de leur parution au niveau de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC), au parquet près du tribunal de première instance territorialement compétent ou, à défaut, au niveau des mairies. Mais malheureusement, peu de responsables d’organe respectent cette disposition.

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A l’article 18 de la loi N° 2007-21 du 16 octobre 2007 portant protection du consommateur en République du Bénin, « il est interdit à tout vendeur ou prestataire de service, seul ou en groupe, de refuser pour quelque raison ou prétexte que ce soit de satisfaire dans la mesure de ses disponibilités aux demandes d’achats ou de prestations de service lorsque celles-ci ne présentent aucun caractère anormal, qu’elles émanent de demandeurs de bonne foi et que la vente de ces produits ou cette prestation de service n’est pas interdite par les lois et les règlements ».

Une telle attitude est punie d’une amende allant de cinq cent mille (500.000) au moins à cent millions (100.000.000) de francs CFA au plus, sans préjudice des peines privatives de liberté de trois (03) mois à cinq (05) ans (Articles 54 de la même loi Ndlr). Des dispositions que des consommateurs souhaitent voir appliquer à ces journalistes véreux.

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