Frontières bénino-togolaises: le scandaleux « Covid Business » installé à Hillacondji

Si l’épidémie du coronavirus a engendré, au niveau mondial, une crise économique majeure, d’autres acteurs s’enrichissent à vau-l’eau. Profitant de la fermeture des frontières togolaises, autochtones et agents de police ont créé à Hillacondji et à Aneho, une nouvelle filière « Covid Business ».

Dans le but de freiner la propagation du coronavirus, beaucoup de pays au monde ont décidé de la fermeture de leurs frontières. Si le Bénin a laissé ouvertes ses frontières, son voisin du Togo a décidé,  21 Mars 2020, de la fermeture de toutes ses frontières aériennes et terrestres.

Malgré l’assouplissement des conditions de mobilité dans la plupart des pays ayant opté pour cette restriction, le Togo est resté inflexible. A l’instar de ses autres points d’entrée au Bénin, la frontière de Sanvi Condji est restée fermer, exception faite pour le transport de marchandises.

Frontière bénino-togolaise. Nouveau poste frontalier d’Hillacondji, (Bénin). Jeudi 1er Octobre 2020 © Bénin Web TV

L’infâme et salutaire filière de « passeur »

Si l’objectif des mesures de restriction de flux humains au niveau des frontières est le contrôle de la propagation du coronavirus, le constat sur les lieux est tout autre. Le flux humain au niveau des frontières de Sanvi Condji et d’Hillacondji démontre de l’incongruité de cette restriction maintenue par le gouvernement togolais. Une fermeture « inopérationnelle » des frontières qui se fait constatée par la création d’une nouvelle filière de passeurs.

Une filière qui est à la fois, salutaire pour la population, mais également infâme pour les agents de police corrompus, installés de part et d’autre du  « No men land », et qui s’enrichissent en ces temps de Covid-19.

Frontière bénino-togolaise d’Hillacondji, (Bénin). Jeudi 1er Octobre 2020 © Bénin Web TV

Les points d’entrée non officiels et la corruption des agents de police

En dehors des frontières principales de Sanvi Condji et d’Hillacondji reliées par un axe routier, le Bénin et le Togo sont également liés par le bassin du Mono qui forme la frontière naturelle entre les deux pays frères. Si auparavant, les populations frontalières se côtoyaient aisément sans difficultés, la pandémie du Coronavirus a créé un nouveau partenariat entre « agent passeur » et « agent de police ». Ainsi, avec la complicité des agents de police installés à ces postes frontaliers, le passage à la frontière entre le Bénin et le Togo est devenu payant.

Frontière naturelle du bassin du Mono. Point d’entrée (non officiel) sur le territoire béninois © Bénin Web TV

Pour rejoindre Hillacondji, l’usager venant d’Aneho (Togo) doit s’acquitter d’un droit de passage de 1.000f Cfa, ceci au niveau de chaque poste de police. Le passeur qui est l’agent facilitateur, souvent les conducteurs de taxi-moto ou des autochtones, reçoit également 1.000 f CFA. Au total, l’usager doit s’acquitter d’une redevance « Covid Business » de 3.000f cfa ( environ 4,5 €) pour rejoindre le Bénin. Le même exercice se fait pour l’usager qui quitte le Bénin pour le Togo. Un exercice auquel nous nous sommes donné pour traverser la frontière et revenir sur le territoire béninois.

Frontière naturelle du bassin du Mono. Point d’entrée sur le territoire béninois, contrôlé par des policiers togolais © Bénin Web TV

En ce qui concerne le passage fluvial, des autochtones aident également les usagers à traverser la frontière. Au niveau des nombreux points de passage installés au bord du bassin du Mono se trouvent des « passeurs » qui facilitent la traversée. Ce  passage se fait à l’aide de pirogue, ceci moyennant 500f CFA. A ces endroits, aucun poste de police n’est installé au niveau du Bénin. Mais, des postes de police sont installés au niveau du Togo. Ces agents de police perçoivent 1.500f CFA comme redevance « Covid Business ». Le total pour passer la frontière fluviale revient à 2.000f CFA (environ 3€) .

Compte tenu du risque lié à l’eau, ces passages sont peu empruntés par de simples usagers. Seuls les commerçants, habitués à la zone, l’utilisent pour le transport de marchandises.

Quid du contrôle de l’identité des usagers ?

Pour passer à travers ces frontières poreuses, fermées pour les pauvres, mais grandement ouvertes pour les plus nantis, aucune pièce n’est exigée. Seule la redevance  « Covid Business » fait office de passeport. Les agents de police n’ont d’yeux que pour l’argent, que l’usager soit un djihadiste ou un fugitif. Même ces agents de police observent à peine les mesures barrières.

Pendant la trentaine de minutes passée, ce jeudi 1er octobre, aux postes de contrôle juxtaposés de Hillacondji/Sanve-Condji, les agents se côtoient en toute aisance. En dehors du port de masque, qui parfois fait encore défaut, aucune distanciation n’est observée.

Une population prise au piège par la pandémie et la corruption

Interviewée à propos des conditions de vie pendant cette période de la pandémie du coronavirus, la population frontalière, prise au piège, a exprimé son ras-le-bol. « Nous sommes dépassés. En dehors de la mévente, nous avons de difficultés à nous approvisionner au Togo. Si avant, les agents de police sont moins exigeants, maintenant, c’est tout autre chose », nous a confié un artisan à Hillacondji. « C’est très difficile ce que nous vivons. Il n’y a pas de trafic donc, nous ne vendons rien »a déclaré Mohammed, un vendeur ambulant nigérien installé à Sanve-Condji.

Frontière bénino-togolaise d’Hillacondji, (Bénin). Village côtier par où transitent des usagers, de toutes nationalités, accompagnés par des passeurs autochtones. Jeudi 1er Octobre 2020 © Bénin Web TV

« L’affaire de Covid les a tellement rendu riche de telle manière qu’ils s’opposent même à l’ouverture de la frontière » a déclaré sous l’anonymat, une commerçante installée à Hillacondji. Pour cette dame qui dit avoir sérieusement été impactée par le coronavirus, seuls les passeurs et les agents de police ne se plaignent actuellement pas. Ils ont trouvé le moyen de créer une nouvelle filière pour toujours s’enrichir, selon ces dires.

Si cette nouvelle filière répond à un besoin de circulation de la population, qui risque de sombrer dans la crise économique due aux échanges commerciaux au ralenti, il n’en demeure pas moins qu’elle soit qualifiée d' »infâme », au regard de ceux qui en profitent. Vivement que les frontières s’ouvrent !

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