Donald Trump et l’Europe: 4 ans après, que retenir ?

Les quatre années de Trump ont été une période tumultueuse dans les relations transatlantiques. Prônant un unilatéralisme « hard », à travers son slogan de campagne « America First », le locataire de la maison blanche a fait vacillé la crédibilité de certaines institutions internationales, garant du multilatéralisme.

Allié traditionnel des Etats-Unis, l’Europe a fait les frais de la croisade sans faille d’un isolationniste confirmé.

L’OTAN

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, face au péril communiste qui débordait vers l’Europe occidentale, la création de l’OTAN en 1949 a été décisive pour contenir et juguler l’Union Soviétique. Contrairement à ses prédécesseurs, le président américain n’a pas hésité à qualifier l’OTAN d’une institution obsolète provoquant des remous au sein de ses alliés européens.

Trump est en effet parvenu à saper le principal fondement de l’Alliance en faisant douter du principe de solidarité qui en constitue la pierre angulaire (sa non-évocation de l’importance de l’article 5 lors de sa première participation à un sommet de l’OTAN ; sa déclaration inamicale sur le Monténégro – peu de temps après l’admission [1]

En remettant en cause la raison d’être de l’alliance, Trump avait porté un coup dur aux pays membres, d’autant plus que la percée russe en Crimée est redoutée par la majeure partie des pays baltes situés sur le flanc oriental de l’alliance. L’imposition aux pays membres d’augmenter leurs dépenses en matière de défense à hauteur de 2%, pour alléger les 90% des financements des Etats- unis, ne saurait qu’être contreproductif.

En dehors de l’intégration militaire, l’alliance si vilipendée par Trump est le garant du rayonnement humanitaire et géostratégique de l’Amérique. En effet, L’OTAN offre plusieurs facilités aux Etats- unis. Le réseau de bases aériens et maritimes déployé sur le continent européen permet à l’armée américaine de mener à bien sa mission de dissuasion face à Moscou perçu comme un rival géostratégique.

En outre, l’Europe offre aussi un point d’appui important pour un déploiement rapide sur les théâtres d’opération comme l’Afghanistan et l’Irak. Si ce n’était pas l’alliance, les Talibans marcheraient sur Kaboul.

Comme le disait le grand stratège polono- américain Zbigniew Brezezinski : « Sans l’Europe, l’Amérique est puissante, mais pas omnipotente. Sans l’Amérique l’Europe est riche, mais pas puissante ». Les défiances de Trump à l’égard de l’OTAN n’ont fait que décrédibiliser les Etats-Unis envers leurs alliés traditionnels ; ce qui a poussé certains pays à réévaluer leurs relations avec Moscou.

Le commerce

Trump n’a pas hésité une seule seconde à lancer des discours virulents à l’encontre de ses partenaires commerciaux notamment le G7, L’ALENA, la Chine et l’Union européenne qu’ils accusent d’être des « voleurs » et qui profitent de la naïveté des américains. En effet, la photographie des déficits commerciaux en 2018 offre a priori une un verdict sans appel : la Chine contribue à hauteur de 47% du déficit commercial américain et l’UE à 19% [2].

Dès lors, les négociations sur le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement ont été gelées alors qu’ils n’étaient pas du tout défavorables aux américains. Trump menaça de taxer à 25% les produits importés les plus emblématiques (voitures allemandes, vins français) et n’hésita pas à passer à l’acte pour l’acier, aluminium.

Alors que ses prédécesseurs considéraient l’alliance transatlantique comme un élément essentiel dans la stratégie américaine, Donald Trump y voit comme un bloc à abattre sur le plan économique. Le soutien au BREXIT et aux partis de droite souvent europhobe s’inscrivent dans cette logique d’affaiblissement d’un concurrent qu’est l’Union Européenne.

En conséquence des représailles et des menaces économiques, Trump a fini à unifier un bloc contre les Etats-Unis. En effet, L’Union Européenne et la Chine ont conclus un accord historique sur les investissements dans les secteurs stratégiques, isolant ainsi de plus en plus l’Amérique. Même les Allemands, qui étaient parmi les plus proaméricains des Européens, doutent désormais de la fiabilité de leur allié [3]

L’accord sur le nucléaire iranien

Le 8 mai 2018, en sortant du JCPOA (Joint comprehensive Plan of Action) ou accord sur le nucléaire iranien, Donald Trump a porté un coup dur à ses partenaires européens, chinois et russes. Dès sa campagne électorale, il n’avait pas hésité à qualifier l’accord « horrible » et « d’erreur historique ».

Suivant la ligne dure édictée par ses alliés arabes et israéliens, Trump n’a pas hésité à mettre fin un accord multilatéral consensuel si durement acquis durant 12 années de négociations ardues. L’accord avait mobilisé les diplomates, les physiciens et les plus fins stratèges de l’Amérique et de l’Europe d’où son utilité pour mettre fin au régime de prolifération nucléaire. .

Pourtant, les conclusions de L’AIEA et des services de renseignements occidentaux, l’accord marchait à merveille, l’Iran respectait à la lettre les limites fixées par l’accord de Vienne, allant même jusqu’à se débarrasser de 98 % de son stock d’uranium enrichi.

En remettant les sanctions les plus dures sur les secteurs stratégiques de l’économie iranienne et en promettant de punir quiconque fera du commerce avec la République islamique en Dollar, l’administration Trump a utilisé l’extraterritorialité des lois américain comme épée Damoclès pour exclure les entreprises européennes du marché iranien.

Par peur de se voir interdire le marché américain, les multinationales français, allemands et italiens ont abandonnés des contrats juteux dans le domaine de l’aéronautique, des énergies et de l’automobile, ouvrant ainsi la voie aux chinois, russes et indiens.

A travers ces menaces, l’administration américaine avait un double objectif : assécher le marché iranien et imposer l’Europe à quitter l’accord sur le nucléaire pour se joindre à la politique de pression maximale.

La mise en place de l’INSTEX (Instrument In support of Trade Exchanges) par l’Union Européenne c’est-à-dire un Règlement du type “ blocking statute” pour protéger les entreprises européennes des effets extraterritoriaux des sanctions américaines n’a pas été aussi efficace comme on l’attendait. En dehors de l’exportation de produits alimentaire, l’INTEX ne permet pas aux pays européens du pétrole, première source de revenu de l’Iran ; ce qui menace sa viabilité à long terme.

De ce fait, la violation de l’accord sur le nucléaire apparaissait de plus en plus comme une évidence, vu la perte des dividendes économiques promises. La relance du programme nucléaire, avec le redémarrage de l’enrichissement à 20% et l’installation de 1000 centrifuges de dernière génération dans le central sous-terrain de Fordow, signe « la mort cérébrale du deal » .

L’après Trump, quelle leçon pour l’Europe ?

Les quatre années de Donald Trump ont montré la dépendance de l’Europe envers l’oncle Sam. Madeleine Albright, la Secrétaire d’Etat de Bill Clinton signifiait que le multilatéralisme n’était en rien un objectif, mais plutôt une option parmi d’autre [4].

A l’heure où certaines voix s’élèvent pour remettre en cause la crédibilité de l’alliance transatlantique, l’Europe se doit de réussir deux objectifs stratégiques pour consolider son indépendance.

En premier lieu, l’utilisation de l’Alliance Atlantique comme outil de pression devrait pousser le vieux continent à accélérer son projet de « défense européenne ». En effet, l’autonomie stratégique de l’Europe pourrait le permettre de se libérer du joug américain, de construire une industrie de défense solide et de se projeter partout dans le monde pour défendre les intérêts « européens ».

A l’heure où la Russie de Poutine monte en puissance sur le plan militaire et la Chine de Xi jimping devient de plus en plus menaçante, le projet de défense européenne s’impose plus que jamais comme un impératif stratégique. La future force « Takuba » qui sera déployée au Sahel permettra de poser les premiers jalons d’une armée européenne.

En second lieu, l’échec de l’accord sur le nucléaire iranien causé en partie par la réticence de certains membres à commercer avec Téhéran devrait pousser l’UE à mettre en place des dispositions législatives et juridiques pour contrer l’extraterritorialité des sanctions américaines.

Avec geopolitico.info, 2021 __________________

[1] 3″Let’s say Montenegro, which joined last year … why should my son go to Montenegro to defend it from attack ? » Carlson asked Trump. »I understand what you’re saying — I’ve asked the same question, » Trump said. « Montenegro is a tiny

[2] Olivier Passet « Pourquoi Trump veut – il disloquer l’Europe », Capital.fr, 7 juillet 2019

[3] Voir sondage réalisé pour la Körber Stiftung – The Berlin pulse – German foreign policy in times of Covid-19, mai 2020

. [4] Boniface. P « Géopolitique », ed Eyrolles, 2020, 207p.

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