Patrice Talon ou l’intrus qui ne connaissait pas le goût du pouvoir ?

« Je ferai de mon mandat unique une exigence morale » avait déclaré Patrice Talon, mercredi 6 avril 2016 à Porto-Novo, dans un court discours d’investiture. Que s’est-il passé de 2016 à 2021 ? L’homme d’affaires, fraichement vainqueur de l’élection présidentielle était-il si ignorant des délices que procure le pouvoir ?

« Je ferai de mon mandat unique une exigence morale en exerçant le pouvoir d’Etat avec dignité et simplicité. Je m’acquitterai de mes devoirs de Président de la République avec humilité, abnégation et sacrifice pour le bien-être de tous », avait déclaré, mercredi 6 avril 2016 à Porto-Novo, l’homme d’affaires Patrice Talon, fraichement vainqueur de l’élection présidentielle au Bénin avec plus de 65% des voix.

« Je m’emploierai à faire de ce mandat un instrument de rupture et de transition devant aboutir à la mise en place des grandes réformes politiques et institutionnelles que nous avons tous appelées de nos vœux «  a-t-il poursuivi lors de cette cérémonie solennelle de prestation de serment.

Moins de 2 ans après ce discours, le Chef de la rupture prenait déjà de distance par rapport à son engagement. Samedi 7 octobre 2017 à Paris, lors d’une rencontre avec la diaspora béninoise vivant en France, le président annonçait les couleurs sur l’idée d’un rétropédalage présidentiel sur le mandat unique.

 «Il n’y a aucune raison que je continue de proclamer haut et fort que je ne serais pas candidat à un 2e mandat», lance le président en réponse à une question de l’assistance à savoir « un seul mandat sera-t-il suffisant pour mettre en place toutes ces actions dont vous nous parlez depuis deux heures et demie ? ».

Que s’est-il passé de 2016 à 2021 ?

Après plus de quatre années d’exercice du pouvoir présidentiel, le président Patrice Talon rétropédale sur le mandat unique. « Ce que les Béninois défendent avec acharnement, ce n’est plus seulement deux choses ; c’est maintenant trois choses : démocratie, nos libertés et la bonne gouvernance. Pour ma part, je resterai dans l’action permettant de renforcer la bonne gouvernance. Je serai candidat à cause de ça”, a-t-il déclaré, samedi 16 janvier 2021.

Une décision sans surprise qui démontre que, l’idée de donner l’exemple sur un mandat présidentiel unique « pour faire le job » ne semble plus être la priorité de Patrice Talon, depuis très longtemps. Si l’ex-président Yayi Boni, après des années d’exercice du pouvoir a déclaré qu’« en réalité, l’intrus ne connaissait pas la maison », Patrice Talon semble être dans la même posture. A la différence que « le roi du coton » est « l’intrus qui ne connaissait pas le goût du pouvoir ».

Si ignorant des délices que procure le pouvoir ?

Si pour certains, ce rétropédalage est une violation pure et simple de la parole du chef qui devrait être sacrée, pour d’autres, c’est juste une continuité après l’échec de la réforme constitutionnelle. Mais, au delà de ces deux hypothèses, la décision du « roi du coton » est également évocatrice du goût qu’à le pouvoir, en Afrique comme ailleurs. Même si Patrice Talon maitrisait les arcanes du pouvoir, l’hommes d’affaires n’en connaissait réellement pas les délices que ce dernier pouvait procurer.

Si le président américain sortant Donald Trump, qui a tant de fois exprimé sa frustration dans l’exercice du pouvoir, a été incapable de reconnaitre sa défaite pour céder sa place, il est évident que seuls ceux qui se hissent à ce niveau comprennent ce qui s’y trouve.

Bien que Patrice Talon ait été un président atypique et imprévisible, l’homme ne s’est pas démarqué du cliché traditionnel des autres chefs d’Etats africains qui ont toujours pensé qu’ils sont les seuls capables de pouvoir « bien finir » ce qu’ils ont entamé.

Une mentalité qui révèle le fait que les présidents ont le temps de prendre goût au pouvoir et à la protection qu’il lui assure. Comme le dit en Fongbé, un proverbe du Bénin, « Nyaɖe nyi gan, bɔ xɔntɔn tɔn n’alɔ ɔ, b’ɛ ɖɔ : Xoxo tɔn vo, din tɔn vo ». ( Un homme est devenu chef et son ami lui tend la main, et il dit : Jadis est différent, maintenant aussi est différent [ traduction en francais]) ou encore, Autres temps, autres mœurs.

Et Patrice Talon n’aura pas fait exception à la règle, malgré qu’il ait déclaré que « la quête d’un second mandat est un facteur de mauvaise gouvernance ».

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