Bénin: voici le mémorandum remis par Candide Azannaï à l’émissaire de l’ONU, Mohamed Chambas

En mission d’information au Bénin dans le cadre de l’élection présidentielle de 2021, le Représentant spécial du Secrétaire Général des Nations Unies en Afrique de l’Ouest et du sahel, Mohamed Ibn Chambas a rencontré ce mardi les acteurs politiques.

Au cours des échanges, l’honorable Guy Dossou Mitokpè au nom de son parti politique, Restaurer l’Espoir a laissé à l’émissaire de l’ONU, un mémorandum.

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Ce mémorandum vise à faire toucher du doigt au Représentant spécial du Secrétaire Général des Nations Unies en Afrique de l’Ouest et du sahel, l’évolution de la situation politique dans le pays. Lire ci-dessous le contenu du mémorandum.

Mémorandum du parti Restaurer l’Espoir

Son Excellence Monsieur Mohammed Ibn CHAMBAS, Représentant spécial du Secrétaire Général des Nations Unies en Afrique de l’Ouest.

Référence : 039/JK/AFD/CR/COORD.SNU-2021 COTONOU, 03 février 2021

Cotonou, le 09 février 2021

Excellence Monsieur le Représentant spécial du Secrétaire Général des Nations Unies en Afrique de l’Ouest, l’organisation des élections présidentielles au Bénin le 11 avril 2021, dans un chaos dictatorial orchestré par le pouvoir dit de la rupture, est une situation inédite depuis l’historique Conférence Nationale des Forces Vives de la Nation de février 1990.

Il s’agit purement et simplement d’un coup de force visant à parachever un coup d’Etat de type nouveau enclenché par le Président Patrice TALON sous le malicieux prétexte de réformes dites du système partisan et du système électoral dans un contexte politique où tous les pouvoirs politiques et toutes les institutions sont à sa solde.

Pour mieux comprendre une telle situation, il serait important de remonter, à l’organisation exclusive et sanglante des parodies électorales des législatives du 28 avril 2019

(I), au simulacre des communales antidémocratiques le 17 mai 2020

(II) et à la confiscation du pouvoir présidentielle par le coup de trop projeté pour le 11 avril 2021 et ignominieusement dénommé « élection présidentielle d’avril 2021 » dont le vainqueur est connu avant même l’ouverture des candidatures

(III).I. Les élections législatives exclusives et entachées de sang du 28 avril 2019 :

Les élections législatives du 28 avril 2019 ont été les premiers assauts du pouvoir dictatorial et sanguinaire dit de la rupture contre notre démocratie. Pour s’en convaincre, déjà le 11 avril 2019, le Chef de l’Etat, Monsieur Patrice TALON, a assumé la responsabilité de l’organisation dans notre pays, des élections législatives non inclusives, en dépit des appels à la raison tant des acteurs politiques et religieux au plan national que de la Communauté internationale.

Malgré le vote des lois incongrues et inapplicables votées par sa majorité parlementaire qui ont conduit à l’impasse électorale et par conséquent à une crise politique dommageable à la paix et aux répercussions à tout point de vue imprévisibles, le Président de la République, Monsieur Patrice TALON, a tout de même exigé et conduit dans une mare de sang, les élections législatives d’avril 2019.

Cette posture du Chef de l’État prouve qu’il a engagé, en toute connaissance de cause, son leadership dans la voie de la confiscation du pouvoir législatif et de la remise en cause totale de la démocratie et de l’État de droit après avoir détruire les libertés, les droits politiques, sociaux, économiques aux moyens d’une inflation législative sans précédent dans l’histoire du Renouveau Démocratique depuis la chute du mur de BERLIN.

À l’arrivée, l’exclusion de tous les partis de l’Opposition politique de prendre part aux élections législatives d’avril 2019, l’interdiction qui leurs est faite de se rassembler et malgré l’imposition d’un Etat de lois, véritable déni de l’Etat de droit, les deux (02) partis siamois (UP et BR) du Président de la République ont été rejetés par l’ensemble du Peuple béninois.

Les résultats desdites élections ont été tout simplement à la hauteur des affronts à notre démocratie. Le camouflet était tout simplement ”volens nolens” retentissant. Le peuple béninois s’est en réalité abstenu à plus de 90% aux élections législatives du 28 avril 2019.

(Contrairement aux affiches officielles incapables de franchir la barre des 27 %). Face à ce revers historique infligé par le Peuple Souverain, le pouvoir de la rupture aux abois, désillusionné, n’a eu d’autres alternatives que le passage en force.

Le recours à l’usage des armes létales, le 1er et le 02 mai 2019, pour reprendre les propos du Gouvernement, à travers les aveux lugubres du ministre de l’Intérieur, illustre à quel point le pouvoir dit de la rupture s’est radicalisé.

La déclaration du chef de l’Etat intervenue plus de 20 jours après les violences et les tueries du 1er et du 02 mai 2019, n’est pas allée dans le sens de la paix, loin de là, elle est plutôt allée dans le sens de l’encouragement des criminels responsables des tueries d’innocentes populations civiles.

Il va de soi que ce coup d’Etat déclenché par la parodie électorale du 28 avril 2019 et le recours à la force excessive contre les populations civiles sont prémédités, et visaient à la confiscation du pouvoir législatif par l’octroi de tous les 83 sièges que compte le Parlement béninois aux seuls membres des deux partis UP et BR instigués par le Président TALON.

La «8ème législature » est une assemblée monochrome caractéristique des parlements de type dictatorial. Une telle Assemblée Nationale inadmissible en régime de démocratie, une fois imposée dans le sang et par recours disproportionné à la force et à l’utilisation des armes à feu, le Président Patrice TALON s’en est servi pour engager :• le tripatouillage unilatéral et sectaire de la Constitution du 11 décembre 1990 opéré nuitamment (dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 2019). la mise à mort du modèle démocratique béninois ; et le basculement de notre pays dans un régime dictatorial de type despotique.

Le basculement dans un déni de l’Etat de droit. Nul ne peut contester cette évidence factuelle que la République du Bénin, par le fait et sous la seule responsabilité de Patrice TALON, a cessé d’être un régime de Démocratie et que le pouvoir dit de la rupture s’est mué en un pouvoir personnel extrêmement radicalisé.

Face une telle forfaiture la Résistance Nationale démocratique et pacifique exige :

  • la réhabilitation de la mémoire des victimes innocentes des répressions sanglantes et des tueries du 1er et du 2 mai 2019 ;
  • la justice à toutes les victimes innocentes ;
  • des sanctions exemplaires aux auteurs et aux commanditaires de tels actes de barbaries quels qu’ils soient, conformément aux principes, lois et textes en la matière tant au niveau national qu’international.

Ces faits qui ne peuvent restés impunis dans une démocratie appellent que le Président de la République, Monsieur Patrice TALON puisse répondre personnellement et éclairer impérativement le Peuple béninois et l’ensemble de la Communauté internationale sur la base des dispositions générales en lien avec les questions d’éthique liées au recours à la force et à l’utilisation des armes à feu.

Les événements du 1er et du 02 mai 2019 sont d’une gravité telle qu’ils ne peuvent pas être mis sous boisseau. Il faut absolument que les responsabilités soient situées face à ce holdup électoral et à la confiscation du pouvoir législatif.

À l’origine, les responsables de ce chaos dictatorial sont les planificateurs de la doctrine de compétition sans concurrence (Patrice TALON) en matière électorale dans un régime pourtant de démocratie, de l’État de droit, du pluralisme fondé sur un système républicain où le « consensus » est élevé au rang de principe à valeur constitutionnelle.

On en déduit aisément que les responsables sont ceux qui ont orchestré le complot du certificat de conformité, ont exclu tous les partis politiques de l’Opposition et ont disqualifié tous les partis politiques et toutes les forces politiques hostiles au retour à la pensée unique ; ils sont simplement à l’origine de l’organisation d’une parodie électorale sur la base de lois pourtant reconnues comme inapplicables, incongrues et inopérantes.

Au premier rang de cette catégorie de responsabilité, il y a l’instigateur de l’impasse électorale et de la crise politique qui ébranlent notre pays et qui n’est personne d’autre que celui qui a déclaré le 11 avril 2019 qu’il assume la confiscation du pouvoir législatif par l’imposition d’une parodie électorale qui exclut toute l’Opposition politique.

Celui – là se connaît et tout le monde le connaît : c’est le Président de la République Patrice TALON. Au-delà des élections législatives du 28 avril 2019, le Gouvernement de la rupture a étendu son pouvoir dictatorial, s’arrachant quasiment plutôt par désignations toutes les communes à l’issue de pseudos – élections communales du 17 mai 2020.

II. Les élections municipales exclusives du 17 mai 2020 :

Dans un contexte généralisé de la pandémie de la Covid-19, le Gouvernement s’est royalement offert la plupart des soixante-dix-sept communes de notre pays avec ses deux partis politiques siamois (UP et BR, tous deux instigués par le même Patrice TALON et un parti politique allié – FCBE qui peine visiblement à être reconnu et accepté par l’opinion publique comme une force politique de l’Opposition.

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On en déduit que le 17 mai 2020, il n’y a jamais eu d’élections communales mais que les commis du régime ont été purement et simplement installés par le pouvoir dictatorial.

Aucune élection démocratique, libre, transparente et concurrentielle n’a conduit à leurs accessions à la tête des municipalités. Il a été procédé à la modification de la loi électorale en plein processus électoral pour procéder à des nominations en lieux places des élections en flagrante violation de la Constitution.

III. Les élections présidentielles de façade du 11 avril 2021 :

Le but malsain et inavoué de toutes les manœuvres orchestrées par le Président Patrice TALON depuis le 06 avril 2016 est la confiscation de toute possibilité d’alternance au pouvoir en avril 2021 comme il est prescrit dans la Constitution sur laquelle pourtant, il a prêté serment le 06 avril 2016.

Le mandat du Président Patrice TALON s’achève le 5 avril 2021 à 24 heures. Aucune élection présidentielle n’est prescrite nulle part en République du Bénin au mois d’avril (mois de prestation de serment, de début et de fin de mandat présidentiel depuis 1990) et dans aucun texte avant les coups de force successifs des lois liberticides, de l’instauration d’une gouvernance par la terreur avec des forces armées et des forces de sécurité publique, avec l’instrumentalisation de l’administration surtout judiciaire et fiscale, des institutions républicaines, l’exclusion politique, la confiscation du pouvoir législatif, le tripatouillage nuitamment de la Constitution, les contraintes à l’exil, les disparitions forcées, le climat actuel de terreur.

C’est suite à tout ce qui précède que le Président TALON a prolongé unilatéralement son mandat au-delà du délai constitutionnel du 05 avril 2021 afin de pouvoir s’offrir seul et en dehors de toute compétition électorale démocratique les destinées d’une réélection à l’arrachée.

Le Bénin est dans une impasse politique avec la mort de la démocratie et de l’Etat de droit ; tous les signaux sont au rouge. Les conditions législatives imposées par un parlement illégitime, illégal et de sang pour prendre part aux élections présidentielles ne sont nullement la résultante des décisions de l’historique Conférence Nationale de février 1990.

Le quitus fiscal, la caution électorale, le parrainage par les seuls « députés » et les seuls « maires » du Président TALON sont autant de conditions qui éloignent le peuple du choix de ses dirigeants.

Conclusion :

Au regard de tout ce qui précède, après avoir mis sous ordre les quatre-vingt-trois (83) « députés de la 8ème législature » et après s’être octroyé les soixante-dix-sept (77) communes, il est clair que l’organisation de la prochaine élection présidentielle est par conséquent nulle et non avenue.

Le déni de démocratie entretenu et soutenu par le régime en place nous conduit progressivement et irréversiblement dans une impasse totale de crises renouvelées, de violences généralisées et de pertes en vie humaines certaines, dans un contexte de coup d’Etat permanent avec le concours marchandé de quelques officiers militaires et paramilitaires félons qui salissent et nuisent à l’honorabilité et au caractère sacré de l’engagement de stricte neutralité prise par l’Armée à l’issue de la Conférence Nationale de février 1990.

Plus grave, l’exercice illégal, illégitime et frauduleux du pouvoir présidentiel au delà du 5 Avril est un acte de parjure purement et simplement rejeté par la résistance nationale .

Toute chose qui montre qu’il est urgent d’agir au plus tôt pour empêcher que les élans dictatoriaux de ce régime aux abois ne tuent encore les Béninois.

En choisissant d’organiser les élections présidentielles après la fin de son mandat, le Président Patrice TALON sait qu’à partir du 06 avril 2021, il sera tenu personnellement responsable de toutes les conséquences qui pourront résulter de cette forfaiture de trop.

Le problème aujourd’hui au Bénin n’est pas l’organisation des parodies électorales projetées hors mandat par un régime dictatorial et un pouvoir despotique et déviant pour une frauduleuse date, c’est-à-dire le 11 avril 2021. Le problème est le régime dictatorial lui-même.

Et la solution doit viser à mettre hors d’état de nuire le régime dictatorial imposé par une gouvernance par les armes, qui tire à balles réelles sur les populations sur fond de manipulation et de pensée unique.

C’est ce pouvoir dit de la rupture qu’il faut absolument et sans délai désarmé.

Recommandations :

La cause de la Résistance Nationale demeure :

  • les lois liberticides,
  • l’exclusion,
  • la confiscation du pouvoir législatif,
  • les tueries,
  • le coup d’Etat constitutionnel.

L’objectif de la Résistance Nationale demeure :

  • La Réhabilitation de la mémoire des victimes innocentes,
  • Le Rétablissement de la Liberté et de l’Etat de droit,
  • La Restauration de la Démocratie,
  • La Sauvegarde des Acquis de la Conférence Nationale.
  • La Réconciliation de la Nation.
  • Le retour au pays des exilés politiques.

Nos regrets :

Le monde entier sait parfaitement ce qui se passe au Bénin. La Communauté internationale est parfaitement au courant de comment la première démocratie issue pacifiquement de la première Conférence Nationale en Afrique au Sud du Sahara a été braquée et actuellement mise à rudes épreuves par le pouvoir despotique dit de la rupture.

Tout le monde connaît le fauteur de trouble. Tout le monde l’a vu à l’œuvre. Tout le monde sait que c’est Patrice TALON.

Personne n’est gênée de continuer à coopérer avec un tel président dans un tel contexte de coup d’Etat permanent.

Nos interrogations :

En 2019, cette même Communauté internationale, avec les mêmes envoyés spéciaux n’avaient pas pu empêcher l’exclusion, la répression sanglante et mortelle, la confiscation du pouvoir législatif… alors qu’ils avaient été tous, très tôt prévenus.

Que peuvent aujourd’hui cette même Communauté internationale et ses mêmes envoyés spéciaux alors qu’actuellement nous sommes dans un coup d’Etat permanent ?

La situation politique au Bénin est vraiment catastrophique et pour la Résistance Nationale, le plus urgent est que nous décidons à prendre à bras le corps le problème le plus important à savoir désarmer le pouvoir despotique dit de la rupture et rétablir la Démocratie.

Nous devons éviter de nous distraire par les manœuvres du dictateur et par les approches classiques de certaines missions (dites internationales) de bons offices qui peinent à aborder le fonds des problèmes.

Cotonou, le 09 février 2021.

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