Bénin: des hommes victimes de violences conjugales brisent le tabou

Au Bénin, comme pour le cas des femmes, des hommes sont aussi victimes de violences conjugales. Mais abandonnés à leur sort, le phénomène persiste sans aucune issue pour eux; car, contrairement aux femmes, le code des personnes et de la famille ne protège pas les hommes.

Il arrive que des femmes soient violentes avec les hommes, et les conséquences de leur souffrance face à cette violence sont tout aussi terribles. En témoignent Gilles, Rolland et Marc (trois prénoms d’emprunt) qui, malgré le caractère tabou et humiliant de ce fait social, ont pris leur courage à deux mains pour se mettre à nu.

Des hommes victimes de violences conjugales brisent le tabou

Entre la trentaine et la quarantaine, Gilles, Rolland et Marc sont chacun dans une relation toxique depuis le début de leur mariage. Le problème est que des années plus tard, ils n’ont toujours pas réussi à se reconstruire.

Entre honte, culpabilité et difficulté à obtenir justice ou à ramener leur épouse à de meilleurs sentiments, c’est encore très gênant pour eux de raconter ce qu’ils n’ont jamais osé raconter à personne, même pas à leurs proches.

Gilles est un jeune Béninois qui vivait avec son épouse et leur enfant, jusqu’à un passé récent où la goutte d’eau a fait déborder le vase.

Selon les témoignages du sieur Gilles, c’est lui qui fait les travaux domestiques; car, dit-il, lorsque son épouse se lève, elle se contente de lui lister ce qu’elle doit faire en journée avant d’aller au son service.

« Si je ne le fais pas, le soir, elle me gronde, me crie dessus, me donne des coups de poing comme si j’étais son enfant. Ma femme ne fait rien dans la maison à part me donner des ordres ou me porter main devant les enfants. C’est moi qui essuie les carreaux et je lave les bols, je prépare, elle vient juste pour manger et me donner des ordres sur ce qu’il faut faire par la suite. Le soir, si elle vient et ne trouve pas de nourriture, c’est encore grave. Elle va m’insulter, insulter mes parents et me battre; or, l’argent de la nourriture est déjà avec elle »

D’après le témoignage de Gilles, en plus des violences qu’exerce sa femme sur lui, elle ne respecte pas sa belle-famille qui a décidé de ne plus venir dans la maison qu’ils habitent.

Elle va m’humilier, me bastonner devant tout le monde, mes enfants, les voisins et même les passants. Plus personne ne vient chez moi actuellement.

Comme Gilles, Roland est également victime de violences conjugales. Selon lui, actuellement, il vit dans la même maison avec sa femme qui ne lui adresse plus la parole, parce qu’il est sans emploi. Cette situation a engendré beaucoup de disputes.

« Ma femme s’en prend à moi publiquement. J’ai honte de sortir parce que les voisins me traitent d’homme faible. Mais, voyez-vous, ce n’était pas ainsi avant. Tout a commencé par des violences verbales quand j’ai perdu mon boulot et qu’elle devrait se charger de tout faire dans la maison. Je suis devenu l’homme à tout faire. Ce n’est qu’après qu’elle a commencé par me porter la main.

Egalement victime de violence conjugale et torture de la part de sa femme, le sieur Marc raconte avoir été renvoyé de sa propre maison par cette dernière.

La femme de Marc est une revendeuse et n’a pas le temps de s’occuper des travaux domestiques. Et c’est pourquoi, elle a exigé à Marc de vite rentrer pour s’en occuper et veiller à l’étude des enfants. Si Marc ne vient pas vite, à son retour, il se fait punir par sa femme qui lui a exigé de rentrer du service au plus tard à 17h, pas plus.

« Si je ne viens pas à 17h 30 au plus, elle m’accueille au portail avec des coups de pied ou de poing et de jet d’objets en présence des enfants, des passants et des voisins. Je ne vaux plus rien dans le quartier. Quand je sors de ma maison, je baisse la tête parce que les gens rient de moi. Je ne sais pas encore quoi faire mais je pense lui laisser la maison et partir »

Aucune protection juridique pour des hommes victimes de violences conjugales

Au Bénin, les hommes qui sont frappés ou qui subissent de la violence physique de la part de leur femmes, ne sont pas protégés par la loi, car le législateur n’a rien prévu dans ces cas e figure.

En effet, l’article 26 de la Constitution béninoise indique que l’Etat assure à tous l’égalité devant la loi sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion, d’opinion politique ou de position sociale. L’homme et la femme sont égaux en droit. L’Etat protège la famille et particulièrement la mère et l’enfant. Il veille sur les handicapés et les personnes âgées.

Mais malheureusement, cette égalité semble ne pas être valable en matière de violences conjugales. Le seul recours qu’a l’homme est de demander le divorce comme l’indique le code des personnes et de la famille, qui prévoit en son article 234 que le divorce peut être prononcé pour mauvais traitement, violences, excès, sévisses ou injures graves, rendant l’existence en commun impossible.

A ce titre, si c’est l’homme qui est victime, il peut invoquer ces différents codes pour demander le divorce. Or, de son côté, la femme est très bien protégée par la société civile, la représentation nationale, le Ministère de la Famille et le Gouvernement, sans oublier les partenaires au développement qui travaillent pour la cause de la femme au Bénin.

Mieux, la Loi n° 2011-26 du 09 janvier 2012 portant prévention et répression des violences faites aux femmes, a pu redonner de l’espoir aux femmes.

La femme protégée contre toutes formes de violences

La loi n° 2011-26 du 09 janvier 2012 portant prévention et répression des violences faites aux femmes a pour objet de lutter contre toutes formes de violences à l’égard des femmes et des filles en République du Bénin.

A travers ses volets pénal, civil et social, elle vise à donner une réponse pluridisciplinaire aux violences faites aux femmes et aux filles.

L’article 2 explique que les violences à l’égard des femmes sont définies, aux termes de ladite loi, comme tous actes de violences dirigés contre le sexe féminin et causant ou pouvant causer aux femmes, un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée.

Des violences physiques ou morales, sexuelles et psychologiques

A noter que les atteintes concernent les violences physiques ou morales, sexuelles et psychologiques exercées au sein de la famille, telles que les coups, le viol conjugal, les agressions et atteintes sexuelles, les mutilations génitales féminines telles que prévues par la loi 2003-03 du 03 mars 2003, portant répression de la pratique des mutilations génitales féminines en République du Bénin, les mariages forcés ou arrangés, les crimes d’« honneur» et autres
pratiques traditionnelles préjudiciables aux femmes.

Les violences physiques ou morales, sexuelles et psychologiques exercées au sein de la collectivité, y compris le viol, les agressions et atteintes sexuelles, le harcèlement sexuel tel que prévu par la loi 2006-19 du 05 septembre 2006, portant répression du harcèlement sexuel et protection des victimes en République du Bénin et l’intimidation au travail, dans les établissements d’enseignement et autres lieux, le proxénétisme, la traite, la prostitution forcée.

Au titre de ladite loi, sont également considérées comme des violences faites aux femmes, le fait, pour un agent médical, paramédical, de ne pas apporter à une femme au cours d’un accouchement, toute la diligence
requise, ou de s’abstenir d’accomplir son devoir professionnel.

Si la femme est autant protégée, n’est-il pas opportun de penser à protéger les hommes qui sont désormais, même si c’est très rare, victimes de violences de la part des femmes?

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