Burkina Faso: l’église catholique bientôt devant les tribunaux pour avoir incinéré des fétiches

Au Burkina Faso, la manière dont des idoles et fétiches de certains « nouveaux convertis » ont été récemment traités par l’église catholique n’est pas du goût des gardiens de la tradition. Et cette actualité, qui fait le chou gras des réseaux sociaux, risque de se déplacer devant les tribunaux.

Mardi 20 avril 2021, une paroisse de la communauté catholique au Burkina Faso a procédé à la destruction de fétiches et objets qu’elle juge « occultes », de certaines personnes qui se sont converties à la foi catholique. Ces personnes qui ont amené d’elles-mêmes ces objets, ont fait un revirement de 180° par rapport aux pratiques animistes des religions endogènes auxquelles elles appartenaient. Il n’en fallait pas plus pour déclencher une levée de bouclier des panafricanistes, gardiens des traditions endogènes et autres activistes.

Une polémique qui fait le chou gras des réseaux sociaux

Si l’incinération des fétiches des anciens adeptes des religions endogènes n’est ni un acte isolé, ni une nouvelle pratique, le timing actuel et la médiatisation qui en a été faite a créé une grande polémique. En effet, depuis la diffusion des images de la destruction de ces fétiches, beaucoup de voix se sont élevées dans la société burkinabé pour, soit justifier l’acte, soit pour le condamner. En voici quelques unes:

Ceux qui se sont indignés !!!

« L’incinération de « fétiches » par l’église catholique est une profanation, par incinération, du patrimoine culturel, une atteinte à la dignité, qui lui vaut une plainte au Burkina, chose qui dorénavant doit être ainsi partout ailleurs en Afrique. Si autrefois l’église catholique agissait impunément, à présent, il urge de lui opposer des limites, de se défaire de ses dogmes ou les relativiser. Car, autrement, à force, l’Afrique sera totalement dépouillée, vidée de ses cultures et les Africains davantage aliénés. Tout comme la croix de bois, le chapelet ou tout autre gadget religieux, le fétiche est un symbole de foi qui, aussi, vaut son pesant d’or. », a écrit Ange Coulibaly sur sa page Facebook.

« Prochainement, il faudrait que l’église pense à déposer les fétiches dans des musées. La destruction des fétiches est un acte d’intolérance religieuse ,au même titre que la destruction de la bible ou du coran. Pauvre Afrique qui connaît de plus en plus un déni de ses traditions. », a déclaré Abdou Savadogo dans un commentaire Facebook.

« Même si c’est un seul fétiche qui a été brûlé, c’est une atteinte au respect de la religion traditionnelle. Nulle part dans le monde, on ne peut tolérer ces genres d’actes qui sont des germes des guerres religieuses. Aucun peuple ne peut se développer en reniant sa culture. En Chine, il n’y a pas d’Islam ni de christianisme. Il en est de même pour le Japon. Mais lorsque les Chinois et les Japonais meurent, où vont-ils? Dans l’enfer ou le paradis? Leur niveau de développement économique n’est -il pas en partie lié au fait qu’ils ont conservé leur culture et se moquent de la culture occidentale et arabe? », a écrit Traoré Kadjana, alias Koulzé, dans un commentaire Facebook, avant d’ajouter : « Si l’église continue de brûler nos fétiches, ne soyez pas étonnés que les féticheurs emboîtent ses pas un beau jour en brûlant ses édifices et son livre saint. Et ça sera bonne arrivée aux guerres religieuses. »

Ceux qui sont d’avis avec l’acte !!!

« Quelqu’un qui envoie librement son fétiche et autres talismans à détruire, je ne vois aucun problème. », a écrit Aboubacar Sidiki Sanfo.

« La plupart de ceux qui sont allés remettre leurs fétiches pour destruction, les utilisaient pour faire du mal aux autres. », a déclaré Guissou Lamoussa en commentaire Facebook, pour justifier l’acte.

Une plainte d’un collectif d’associations

Suite à la polémique, un collectif d’organisations de la société civile, conduit par le Mouvement « Deux heures pour nous, Deux heures pour Kamita », a déclaré avoir porté plainte contre la Paroisse catholique incriminée. L’association reproche à la communauté catholique, la « profanation par incinération de biens et patrimoine culturels, atteinte à la dignité d’une communauté religieuse (Traditionalistes-Animistes), diffamation d’un groupe religieux et médiatisation d’acte de vandalisme religieux ».

Une réaction à la quelle les internautes n’ont pas manqué de répondre. Pour beaucoup, cette plainte a peu de chance d’aboutir. S’il y a des personnes à blâmer, ce sont les propriétaires de ces fétiches qui les ont apportés de plein gré.

Une mise au point de la paroisse

Pour faire taire la polémique, la paroisse, par la voix du Curé, a apporté des clarifications sur les faits.  » Le reste, ce sont des tisanes, des amulettes, des cadenas magiques, des parures, des bayas, des bracelets, des machettes, des trucs fléchés, des pics à glace… Certains étaient considérés comme des porte-bonheur. Les gens se sont dessaisis de tout cela. Il y avait des statues de la Vierge Marie, des médailles et des croix qui ont été envoûtées et que les gens ont apportées. C’est cet ensemble des choses qu’on a brûlé. Tout au plus, ce qu’on peut appeler fétiche, c’est deux. L’un des fétiches, c’est une famille qui avait peur. Le monsieur est mort. « , a indiqué l’Abbé Joanny Koama, rapporté par l’Agence d’information du Burkina.

« Ce qui est sûr, on n’a pas traité quelqu’un de satanique. On n’a pas insulté une religion. On respecte la culture. Les gens sont venus librement apporter les objets. Puisqu’ils ont peur, certains veulent être sûrs que c’est détruit. Ce n’est pas la première fois qu’on incinère des objets. C’est parce que, là, on la fait publiquement. En fait, il n’y a pas eu de stigmatisation. », a assuré le prêtre qui déclare ne pas voir l’utilité de présenter «des excuses publiques» comme certains l’exigent.

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