[Opinion] « On est journaliste ou on ne l’est pas »

Il n’est pas recevable d’être nommé communicant au service d’une personne physique ou morale ostensiblement hostile aux libertés, et d’imaginer qu’il est légitime d’enterrer le journaliste que l’on est, au point de se mettre à promouvoir le « mal journalisme », la mal gouvernance, ainsi que tous les maux qu’on dénonçait encore il y a peu, attendant de ressusciter le journaliste quand on cessera d’être communicant.

J’ai écouté ce matin sur Radio France Internationale, l’émérite journaliste Wilfried Léandre Houngbedji, devenu en 2016 Directeur de la Communication de la présidence de la République, et accessoirement suppléant du porte-parole du gouvernement dans la pratique. Je l’ai écouté nier la réalité et soutenir le f***, comme d’habitude. Mais c’est ainsi que fonctionne le journalisme.

Rfi a diffusé mardi une interview de l’ancien président de la Cour Constitutionnelle, Maître Robert Dossou, avocat des opposants Reckya Madougou et Joël Aïvo, jetés en prison, en dépit du bon sens et des règles de droit. Les déclarations de M. Houngbédji, sur la même station de radio et dans le même format, sont une réplique aux propos de Robert Dossou.

Ainsi fonctionne le journalisme, écrivais-je. Ainsi le prescrit la déontologie du métier. Lorsqu’un organe de presse rapporte des faits controversés ou traite un sujet à polémique, il se doit d’être vrai. Être vrai ici signifie donner la parole à tous les protagonistes, en les faisant réagir de sa propre initiative ou en donnant favorablement suite à une éventuelle demande de droit de réponse qui viendrait de l’un ou de l’autre protagoniste. Si celui-ci est introuvable ou n’est pas disposé à parler, l’organe de presse le précise et se tient prêt à lui ouvrir ses antennes ou ses colonnes à tout moment, au cas où il changerait d’avis ou se manifesterait. 

Je veux rappeler à M. Houngbédji que l’affaissement du journalisme au Bénin, l’avilissement des médias publics, l’absence d’équilibre dans le traitement de l’information, tous ces défauts qui l’indignaient avant 2016, ont empiré sous le régime de Patrice Talon dont il se voudrait le Joseph Goebbels.

Maître Robert Dossou n’aurait pas pu dire sur l’Office de Radiodiffusion et Télévision du Bénin ni dans le journal La Nation, ce qu’il a dit sur RFI. Pendant ce temps, lui Wilfried Leandre Houngbédji, a le loisir de passer exercer la propagande chez l’Ortb et dans la presse nationale en général, contre les opposants et contre l’ensemble des voix critiques vis-à-vis de son maître à penser. Il ne craint pas d’être contredit.

Ne soyez pas surpris que son entretien sur RFI se retrouve dans la plupart des journaux et sur les organes publics de presse. Ce ne serait pas la première fois qu’ils diffuseraient un droit de réponse du gouvernement sans avoir jamais diffusé l’élément déclencheur du droit de réponse. Presqu’au quotidien, ils relaient, font circuler des sons de cloche du pouvoir exécutif et de ses soutiens (souvent à propos de controverses) sans jamais requérir la version de la partie adverse. Ils opposent même une fin de non-recevoir à toute initiative de réplique.

Peu importent leur degré de crédibilité, les soupçons de partialité et tout le dénigrement lancé contre eux parce qu’ils ne font pas la volonté du prince, les médias internationaux restent une source salvatrice pour les Béninois qui ont soif d’informations sur leur pays et qui veulent l’étancher.

Ils ne peuvent compter que sur les médias internationaux, ou alors recourir aux réseaux sociaux avec leurs corollaires dangereux. La presse nationale (excepté deux ou trois organes qui osent la diversité) a totalement renié son essence et renoncé à son rôle.

Il vaudrait mieux, pour l’honneur de M. Houngbédji, qu’il ne redevienne pas journaliste.

Déo Gratias KINDOHO

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