Bénin: et si les professionnels de la santé résistaient aux reformes en cours dans le secteur ?
L’ultimatum lancé par le gouvernement aux médecins et professionnels de la santé à l’issu du conseil des ministres du 29 juillet passé est entrain de tirer vers sa fin. Ledit ultimatum est relatif à la reforme du secteur de la santé interdisant dorénavant d ‘exercer au Bénin à la fois comme agent de santé dans le public et dans le privé à compter du 1er septembre 2018. Qu’est ce qu’une reforme? Quelle est l’utilité de la reforme annoncée par le gouvernement? La reforme va t’elle passer ou s’achemine t’on vers un bras de fer entre le gouvernement et le secteur de la santé?
La réforme peut être entendue comme une amélioration des conditions déjà existantes. Elle suppose bien souvent des changements opérés au niveau des politiques, des lois et bien entendu des pratiques. Ainsi, si l’assainissement du secteur de la santé envisagé par le gouvernement aboutissait, cela pourrait conduire à des changements considérables au niveau des pratiques dans la profession médicale.
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En effet, contrairement aux pratiques qui avaient cours en ce qui concerne l’exercice en clientèle privée de la profession médicale, les agents de santé seront désormais contraints de choisir entre les hôpitaux publics et leurs cabinets. La possibilité d’exercer en clientèle privée et en même temps exercer comme agent permanent de l’État ou contractuel sera révolue. C’est bien ce qui émane du conseil des ministres en date du mercredi 25 Juillet relayé dans les organes de presse. En attendant la date du 30 août où l’ultimatum viendra à son terme, déjà depuis quelques jours au Bénin, il n’y a plus d’autorisation pour l’exercice en clientèle privée des professions médicales et paramédicales. L’État a sursoit jusqu’à nouvel ordre, la délivrance de permission d’ouvrir des cabinets privées de santé
Cette réforme en cours au Bénin a pour support philosophale et comme baromètre, assainir ce domaine sensible de la santé pour empêcher les mauvaises pratiques dans le secteur, le dynamiser pour qu’il réponde mieux aux besoins des populations.
Ainsi, ces réformes sont apportées par l’État dans le but d’éradiquer les problèmes sociaux urgents tels que le faible taux d’accès au service de la santé des pauvres du fait de la privatisation du secteur par des professionnels indélicats qui par la corruption détournent les soins du publics où ils exercent et perçoivent indûment vers leurs cabinets seulement accessible aux personnes nanties.
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En dehors de l’accès limité aux soins que cette situation générait et que la reforme corrigera, il y a les problèmes de manque à gagner pour l’État, naturellement dû au fait que les agents de santé qui ont leur cabinet privée s’absentent sporadiquement de leur poste au service public pour consulter en privée. A vrai dire, cet état de fait qui jusqu’à ce jour semble n’avoir préoccupé ni les régimes politiques et gouvernements passés, ni les organisation non gouvernementale (ONG) et associations de défense des droits des consommateurs a pourtant été toujours décrié mais à l’ombre et seulement quand un individu est confronté aux conséquences de ce mercantilisme médical en étant victime de cette pratique de la santé aux enchères, la santé aux plus offrants.
C’est dire donc que cette réforme, si elle n’échoue pas, peut et doit apporter des changements positifs en matière d’offre de soin, de qualité, d’égalité en terme d’accès au soin de santé au sein de la société béninoise. Cette mesure nouvelle permettra aussi d’éviter les détournements des matériaux de santé et des recettes du public et donnera la possibilité de renflouer les caisses de l ‘État.
Mais, et si les professionnels de la santé résistaient à la reforme?
Il ne s’agit pas de donner carte blanche à l’État au sujet de cette reforme en ne regardant que ses cotés positifs. Encore, faut il que l’État soit prêt à payer le prix de cette reforme. Mais en quoi faisant?
En effet, aucune reforme dans aucun pays du monde ne passe jamais comme une lettre à la poste. Puisque les vieilles pratiques ont trop perduré dans le temps, pour les changer, il faut également du temps mais aussi et surtout du tact, de la patience, de l’endurance. Même si les professionnels de la santé parvenaient à faire profil bas et à adhérer à cette reforme qui, il est vrai rehausse la noblesse du métier et remet à l’honneur le célèbre serment d’hypocrites, pardon d’Hippocrate, il n’en demeure pas moins vrai que vu qu’elle les prive de gain, ils trouveront des subterfuges, d’autres astuces plus subtiles pour récupérer ce que l’État leur retire et qui leur permettait d’arrondir leur fin du mois.
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Comme le dit Machiavel dans son ouvrage le Prince, « les hommes oublient plus vite la mort de leur père que la perte de leurs biens. » Ainsi, ce que les agents de santé du public perdront en renonçant à la casquette du privée, ils chercheront à le récupérer à travers des pratiques qui consisteront à coup sûr à transférer leur cabinet privé dans leur lieu de travail au public ne serait ce que stratégiquement. Cette reforme ou assainissement du monde de la santé en cours au Bénin, court alors le risque d’être inefficace voire aggravant pour la situation sanitaire, si les mesures d’accompagnement gouvernemental ne sont pas conséquentes et incisives.
Il faut alors redouter à l’avenir que certaines prestations des agents de santé du public se fassent sans trace c’est à dire sans facture. Considérant donc toutes les fraudes qui empoisonnaient ce secteur telles que les fausses ordonnances, les pratiques illicites de l’avortement, les analyses bio médicales fantaisistes tutti quanti dont le seul but est de faire fortune et qui ont la peau dure, une aggravation s’annonce pour ne pas dire qu’un nouveau printemps de corruption dans le secteur médical s’annonce au Bénin avec cette reforme anti-arrondissement des fins de mois des agents de la santé publique.
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Heureusement pour le gouvernement et malheureusement pour les agents de santé, car comme à dessein, avant l’étape de la reforme, le régime Talon a tôt fait de retirer le droit de grèves aux professionnels de la santé, sinon, ces derniers pourraient également s’évertuer à coup sûr à rendre la monnaie au gouvernement en revendiquant jusqu’au dernier centime, tous les droits attachés à leurs fonctions qui, ne nous leurrons pas, ne sont satisfaits que dans rares de nos pays africains fautes de ressources suffisantes ou problème de la mauvaise gouvernance politique.
A preuve, le nombre de médecins africains qui, attiré par les bons traitements pécuniaires s’en vont exercer en occident dépasse le nombre de médecins africains qui restent pour officier sur le continent. En cause donc, les mauvais traitements salariaux et mauvaises conditions de travail en Afrique.
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