Bénin – Interdiction de pièces administratives à certains: l’avis du politologue Richard Boni
L’arrêté interministériel sur l’interdiction des actes à certaines personnes recherchées par la justice béninoise continue de faire des vagues. Le politologue Richard Boni Ouorou s’y est également intéressé. Selon lui, cet arrêté n’est ni plus ni moins une porte ouverte à l’insécurité juridique.
Le politologue béninois Richard Boni Ouorou vivant au Canada s’est également prononcé sur l’arrêté interministériel pris par le ministre Sacca Lafia de l’intérieur et son collègue de la justice pour interdire la délivrance des actes à certains concitoyens recherchés par la justice de leur pays. Selon les dispositions de cette décision, tout Béninois est potentiellement susceptible de ne pas se voir délivrer ce que l’on appelle communément des « papiers » c’est à dire acte de naissance, carte nationale d’identité, casier judiciaire, etc., a fait remarquer le politologue. Pour lui, ce qui pourrait passer comme un simple acte administratif aux yeux de certains pose quand-même un problème de violations tant des lois que des principes de droit qu’il pose.
Bénin: la délivrance de plusieurs actes aux personnes recherchées par la justice interdite
De l’analyse qu’il fait de l’arrêté interministériel, le politologue Richard Ouorou Boni estime que le fait que l’arrêté n’indique pas dans son visa la loi à partir de laquelle au nom du principe de la hiérarchie des normes, il tire sa légalité. « Autrement dit, poursuit-il, il aurait fallu que cet arrêté indique la ou les lois qui au Bénin d’une part, déterminent les conditions de délivrance des actes dits « de l’Autorité » et d’autre part, autorisent le gouvernement à la fois à déterminer une catégorie de personnes ne pouvant bénéficier de la délivrance desdits « actes de l’Autorité » et à énumérer ce qu’il entend par là. »
Se fondant sur le fait qu’aucune trace d’une loi ne transparaît dans l’arrêté, Richard Boni Ouorou estime que si l’arrêté n’a mentionné aucune loi, cela signifie simplement qu’aucune loi au Bénin ne limite la délivrance aux citoyens des « actes d’Autorité ». « Il ne saurait en être autrement, car la délivrance des « actes de l’Autorité » est un droit inaliénable. Ainsi, cet arrêté viole allègrement le principe de droit tiré de l’adage juridique latin « Ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus ( Là où la loi ne distingue pas, il n’y a pas lieu de distinguer ) » indique-t-il.
En outre, en établissant une catégorie de personnes ne pouvant bénéficier de la délivrance des « actes de l’Autorité », le régime en place porte gravement atteinte à la fois à un principe fondamental du service public et à une des valeurs de la République : l’égalité des usagers devant le service public et l’accès au service public; rappelle-t-il avant de préciser que ce principe a valeur constitutionnelle en ce qu’elle est la traduction de l’égalité de tous devant la loi consacrée par l’article 26 de la Constitution du 11 décembre 1990.
De surcroît, poursuit le politologue Richard Boni Ouorou, l’article 4 de l’arrêté est une violation patente du principe de la clarté et de l’intelligibilité de la loi en ce qu’elle n’énumère pas de manière stricte ce qu’il entend par « actes de l’Autorité ». C’est au nom de ce principe, indique-t-il qu’est tirée entre autres la célèbre maxime juridique « tout ce qui n’est pas interdit est autorisé ». Ainsi, en estimant que « La liste des actes de l’Autorité déterminés ci-dessus n’est pas limitative », le gouvernement consacre l’arbitraire sans aucune gêne. Il pourra ainsi déterminer à sa guise d’autres actes relevant de cette catégorie selon la tête du « client »; fait-il savoir. « Sur un très large plan, cet arrêté à lui tout seul est une grande porte ouverte à l’insécurité juridique… » conclut-il.
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