Accueillis en héros au Mali, les soldats français désormais indésirables dans tout le Sahel

Salués comme des héros en 2013 après leur intervention au Mali pour repousser les forces rebelles et djihadistes qui avançaient dans le pays à la suite d’un coup sanglant qui a mis à nu l’ancienne colonie enclavée, les français sont devenus indésirables.

La France a perdu 13 soldats dans un accident de deux de ses hélicoptères déployés dans le Sahel dans le cadre de l’opération Barkhane. Les deux appareils seraient entrés en collision alors qu’ils volaient à basse altitude pour soutenir des commandos luttant contre des djihadistes au Mali vers la frontière du Niger. Il s’agit là de l’une des pires pertes en vies humaines dans l’armée française depuis plus de trois décennies. Ceci met en lumière le fait inconfortable que sa mission dans cette ancienne colonie est un fouillis.

Lorsque la France est intervenue en 2013 pour empêcher une alliance lâche de séparatistes de l’ethnie touareg et de combattants islamistes de se déplacer du sud vers la capitale, ses troupes ont été accueillies par une foule en liesse. Les restaurants et les bars ont même arboré le drapeau national français. Maintenant, les manifestants le brûlent. La mort des soldats est accueillie avec joie chez certains et indifférence chez d’autres. Les sentiments des populations en ce qui concerne cette présence française commencent à changer et, il faut le dire, ce n’est pas bon signe. Lors de récentes manifestations, beaucoup ont porté des affiches sur lesquelles on pouvait lire: « Sortez, France. Nous ne voulons pas vous voir ici ».

Sentiment grandissant et persistant

Selon Stars And Stripes, le sentiment parmi la population qui a enduré des années de conflit sans fin revient à dire que la France compte des milliers de soldats au Mali, mais que la violence des activistes d’Al-Qaida et de l’État islamique se développe et se propage au-delà des frontières. Les troupes françaises travaillent aux côtés des Nations Unies, qui ont décrit leur mission de maintien de la paix au Mali, forte de 15 000 hommes, comme l’opération la plus meurtrière au monde.

L’artiste malien Salif Keita, l’un des musiciens les plus aimés du pays a publié ce mois-ci sur sa page Facebook une vidéo dans laquelle il demande au président Ibrahim Boubacar Keita d’arrêter de « se soumettre au petit Emmanuel Macron – il n’est qu’un gamin ». Assis à ce qui semble être une table de cuisine et s’exprimant en bambara, Keita ajoute que la France finance les djihadistes, ennemis du Mali. Bloomberg indique que l’influence que la France exerce encore en Afrique de l’Ouest, 60 ans après l’indépendance de la plupart des pays, est source de suspicion et de théories du complot.

Les autres régions du Sahel et l’Europe

Cité par Bloomberg, Christian Bouquet, chercheur français en géopolitique et spécialiste de l’Afrique à l’université Montaigne de Bordeaux déclare que « ce sentiment contre la présence militaire française n’est pas seulement mesurable au Mali, mais également au Niger et au Burkina Faso (…) Ce n’est pas surprenant mais difficile à aborder ». La France a tellement fait preuve de donneur de leçon, de manque de respect et de cynisme envers les pays africains que, au-delà de ceux du Sahel, les autres peuples africains voient toujours de mauvais œil les actions françaises sur le continent.  Avec leur implantation dans la région, les djihadistes disposent d’une plate-forme de lancement pour attaquer dans toute la région, même contre les Occidentaux.

Il est donc possible de croire qu’en réalité, loin d’être là pour aider les maliens et les autres pays sahéliens, la France est juste en mission pour mettre tout en œuvre afin de contenir les terroristes au Sahel ou dans une zone bien précise pour que l’Europe soit en sécurité. Le Premier ministre français Edouard Philippe a déclaré que la France « mène un combat brutal, un combat contre des hommes, des gangs qui tentent de déstabiliser les Etats, puis de nous déstabiliser ». Dans une telle probabilité, on peut donner de ce part, une explication au fait que le terrorisme a augmenté et continue de croitre depuis l’avènement de Barkhane au Sahel. Les attaques de plus en plus nombreuses et mortelles des troupes locales par les djihadistes suscitent chez les africains un sentiment de laissé aller de la part des forces françaises. Si malgré leur présence le terrorisme ne diminue pas mais gagne plutôt en intensité, les africains préféreraient qu’ils partent.

Le dirigeant français a appelé les partenaires de l’Union européenne à faire plus pour aider à empêcher cela en soutenant des armées locales faibles, mais le bourbier dans lequel la France se trouve à présent montre à quel point il sera difficile de les convaincre. Même ses propres législateurs se demandent si la France ne devrait pas simplement se retirer. Quelques heures après l’annonce de l’accident mortel d’hélicoptère, un législateur français d’extrême gauche a posé la même question, rapporte Bloomberg.

Des moyens colossaux pour rien que la peur

La France dépense 690 millions d’euros (761 millions de dollars) par an sur l’opération anti-insurrectionnelle connue sous le nom de Barkhane, qui couvre le Sahel, selon les dernières informations publiques rapportées par Bloomberg. Les Français ont utilisé des drones, des hélicoptères, des chars et des véhicules blindés, des troupes spéciales ainsi que 4500 soldats. Cette campagne est de loin la plus importante à l’étranger et, avec les morts survenues cette semaine, elle a coûté la vie à plus de 30 soldats français.

L’armée du Mali a subi de lourdes pertes en combattants les djihadistes. Cependant il faut noter que leurs bases ont souvent été les cibles d’attaques frontales et directes de la part des insurgés qui repartent toujours laissant derrière eux de dizaines de morts. Les ravages ont forcé 168 515 personnes à fuir leur foyer au cours du premier semestre de cette année seulement, selon l’ONU. « Nous sommes épuisés », a déclaré au Parlement ce mois-ci le ministre de la Défense, Ibrahima Dahirou Dembele, général de l’armée. « Vous avez raison d’avoir peur. Même moi, le ministre de la Défense, j’ai peur. Vraiment, nous avons des problèmes ». Ceci montre l’exaspération des maliens. Cependant, sir Barkhane part, la région sera déstabilisée.