Si fonder une famille au Bénin était, jadis, dans l’ignorance puisque relevant de la volonté de Dieu qui envoie, comme bon lui semble, les enfants ; disposer d’une famille aujourd’hui est plus qu’une question de volonté encore plus l’espacement des enfants. Mais cette planification familiale est loin de faire l’unanimité au sein des couples.
La limitation du nombre d’enfants dans les couples est de plus en plus le réflexe de la génération actuelle. Cette génération opte donc pour des méthodes contraceptives afin de ne pas être victime de la conception des enfants non-désirés comme le témoignent souvent leurs parents. Ainsi intervient la contraception qui est « l’ensemble des moyens employés pour provoquer l’infécondité chez la femme ou chez l’homme ».
Hélène, 35 ans, est mère célibataire depuis sept (7) ans avec ses deux enfants, Rodrigue (12 ans) et Céline (11 ans). Après cinq (5) ans de vie conjugale avec le père de ses enfants, Hélène dit avoir quitté son foyer pour incompréhension au sujet de l’espacement des enfants. Lors de mon premier accouchement, raconte Hélène, il y avait eu quelques complications et j’ai eu des agrafes. « Ma vision était d’espacer suffisamment mes enfants, mais je suis tombée enceinte six (6) mois seulement après l’accouchement. Ainsi ont débuté les problèmes de santé tant pour moi que pour mon garçon », se souvient Hélène.
Après la naissance de Céline (deuxième accouchement de Hélène), elle dit avoir opté pour une méthode contraceptive. Mais les échanges avec son mari à ce sujet ont été infructueux puisqu’il s’oppose catégoriquement à toute méthode, fut-elle naturelle ou moderne. Mais Hélène, à l’insu de son mari, a été voir les agents de santé pour l’implant d’une durée de cinq (5) ans. Inquiet après trois (3) ans d’activités s3xuelle sans « résultats », le mari l’interpelle et elle avoua les fats. « Ce fut la goutte d’eau qui a fait déborder le vase et me voici aujourd’hui célibataire », se morfond Hélène.
Mieux connaître les différentes méthodes
Il existe toute une gamme de méthodes contraceptives disponibles dans les centres agréés de planification familiale sur l’ensemble du territoire béninois. Selon Géneviève Basilia Agoumba, responsable de la coordination régionale Ouémè-Plateau de l’Association béninoise pour la planification de la famille (ABPF), il existe des méthodes contraceptives naturelles et modernes.
Au Bénin, en dehors des méthodes contraceptives naturelles, les principaux contraceptifs disponibles sont les contraceptifs oraux (pilules combinées et les pilules progressives), les injectables (Noristerat et Sayana-press), le DIU TC 380A (dispositif intra-utérin), les spermicides (crème et ovule), les préservatifs (masculin et féminin), les implants (Jadelle et implanon). En plus de ces méthodes, il y a la méthode du collier du cycle.
« Nous recevons dans nos centres ABPF tant les hommes que les femmes pour une meilleure planification familiale. Nous les examinons minutieusement afin de leur proposer la méthode qui leur convient », a signifié Géneviève Basilia Agoumba.
Pour elle, tous les centres de santé ne sont pas agréés pour une planification familiale et « il est important de se référer aux services des spécialistes afin de limiter au maximum les effets secondaires de ces méthodes cliniques ».
« Nous recommandons certes toutes les méthodes aux patientes dans nos centres, mais celles les plus utilisées sont les pilules, les préservatifs et les injectables », a affirmé la responsable de coordination ABPF Ouémé-Plateau.
Des barrières socio-religieuses
Judith a connu une ménopause précoce puisqu’elle est intervenue alors qu’elle n’avait que 38 ans. Mère de 4 enfants, elle avait utilisé la méthode d’implant d’une durée de 5 ans à la naissance de son benjamin. Quelques mois seulement après cette implantation, raconte Judith, il y a une perturbation quant au cycle normal de ses menstruations. « Pour mon mari et moi, nous voudrions espacer les enfants à ce stade. Mais deux ans seulement après, je n’ai plus eu mes menstrues. Les agents de santé m’ont enlevé l’implant en me rassurant que je les aurais quelques temps après, mais jamais jusqu’à aujourd’hui (à 49 ans) », semble regretter Judith qui a fait également savoir que son mari a été donc contraint, contre toute attente, à prendre une seconde épouse avec qui il a déjà fait deux enfants. « Tout cela, parce que je ne pouvais plus enfanter. Et c’est ainsi que débuta mon calvaire conjugal », se lamente Judith.
Mais pour Géneviève Basilia Agoumba, le cas de Judith pourrait être dû à bien d’autres facteurs. Toutefois, elle ne rejette pas les effets secondaires de ces méthodes contraceptives. Et pour nombre de Béninois rencontrés, ce sont ces effets secondaires qui retiennent tant les hommes que les femmes en ce qui concerne l’adoption de ces méthodes.
Et pour Jean Houndjo, prophète dans une des églises évangéliques du Bénin, il n’est pas conseillé de recommander ces méthodes aux fidèles de l’église. « Je ne conseille pas les familles de le faire car les conséquences sont énormes. Mais la médecine ne veut pas les reconnaitre. C’est dans la pratique que chacun fait ses expériences. Certaines femmes commencent par grossir exagérément, d’autres ont les règles perturbées et au temps voulu pour avoir des enfants, des problèmes surgissent et s’imposent », a déploré le prophète.
Tout en se référant à la Bible, le prophète Jean Houndjo affirme que les écritures saintes accordent certes une place de choix à la famille et à son harmonie, mais le créateur ne dispose pas des méthodes contraceptives dans « son dictionnaire ». C’est d’ailleurs pour cela, signale le prophète, qu’il est écrit dans Genèse 2 :28 « allez-vous multiplier ».
Abbé Thierry, prêtre catholique officiant sur une paroisse à Porto-Novo, nuance tout de même que « l’église catholique ne préconise que les méthodes naturelles de contraception ». Dans la tradition béninoise, sa majesté le roi Houézèzoun Allochéou, roi d’Affamè, commune de Bonou dans le département de l’Ouémé, signale qu’en dehors des méthodes naturelles, il y a les feuilles et racines qui permettent d’espacer les enfants. « Ces tisanes et décoctions sont toujours efficaces depuis des générations et le seront toujours sans même d’effets néfastes», a-t-il rassuré.
En dehors de ces considérations religieuses, il y a l’attitude pro-nataliste des Béninois. Pour le psychologue Abdon Houéssou, la société a toujours un mauvais regard sur un couple qui peine à faire d’enfants, que la décision soit consensuelle (planification) ou qu’elle soit la cause d’une quelconque maladie, cette société s’en moque et ne souhaite voir que des enfants dans le couple.
« La perception négative par certains hommes des méthodes contraceptives (les stéréotypes) les rend réticents à l’utilisation de ces produits. A cette barrière, s’ajoute le faible pouvoir de décision des femmes dans les ménages, leurs droits étant peu reconnus », a précisé le psychologue Abdon.
Un cadre législatif pourtant existant
Un des objectifs du Bénin est d’augmenter le taux de prévalence contraceptive à 30% d’ici fin 2025 avec plus d’un million d’utilisatrices de 15 ans à 49 ans. C’est d’ailleurs pour cela que l’Etat s’est engagé à rendre plus disponibles et accessibles les produits contraceptifs en minimisant les ruptures de stock et en allouant un budget conséquent chaque année.
Cette même volonté de l’Etat central s’est traduite par la promulgation de la loi N° 2003-04 du 03 mars 2003 relative à la santé sexuelle et à la reproduction en République du Bénin. Suivant l’article 3 de ladite loi, « (….) Tout individu, tout couple a le droit de décider librement et avec discernement, de la taille de sa famille et de procréer au rythme de son choix dans le respect des lois en vigueur, de l’ordre public et des bonnes mœurs. Pour ce faire, tout individu a le droit de choisir la méthode de planification familiale qui lui convient et de disposer des informations nécessaires ».
L’article 6 renchérit « (…..) le droit de déterminer le nombre d’enfants et de fixer l’espacement de leur naissance confère à chaque individu la faculté de choisir parmi toute la gamme de méthodes contraceptives effectives et sans danger celle qui lui convient ».
Malgré donc cette disposition législative, des femmes subissent toujours le diktat de leur mari et le regard « accusateur » de la société à chaque fois qu’elles doivent opter pour une méthode contraceptive. Des méthodes qui ont fait voler en éclat des couples et qui continuent d’ailleurs de l’occasionner. « D’où l’importance de l’éducation s3xuelle et de la reproduction dans le pays », recommande vivement Abdon Houéssou.
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