Nigeria: nouvelle journée de manifestation contre les violences policières
Des milliers de jeunes Nigérians sont descendus mardi dans les rues pour un nouveau jour de manifestation contre les violences policières dans plusieurs villes du pays, et notamment à Lagos, où ils bloquaient les axes majeurs de la mégalopole économique de 20 millions d’habitants.
Les manifestants, qui ne se revendiquent d’aucune affiliation politique, se sont donné rendez-vous via les réseaux sociaux, et notamment Twitter, pour exiger le démantèlement de la SARS, une unité spécialisée pour les crimes importants (vols, assassinats, parfois kidnappings…) mais accusée d’extorquer la population, d’arrestations illégales, de torture et même de meurtre.
Après une semaine de forte mobilisation, la présidence nigériane a annoncé dimanche la dissolution avec « effet immédiat » de l’unité spéciale, mais cela n’a pas réussi à calmer les esprits ni à rassurer la jeunesse: les manifestations ont repris de plus belle et se sont élargies à des demandes sociales plus générales et à une société plus libre et égalitaire.
Un policier et un civil ont été tués lundi pendant les manifestations à Lagos, a indiqué le gouvernement de l’Etat de Lagos, portant à au moins 5 le nombre de personnes tuées depuis le début du mouvement.
Plusieurs stars de l’afropop, telles que P-Square ou Falz, conduisaient le mouvement mardi à Lekki, un quartier de Lagos, où étaient réunies environ un millier de personnes, bloquant le péage d’une grande autoroute, accès au centre financier de la ville.
« Nous voulons tout reconstruire, ce n’est plus seulement la SARS contre laquelle nous nous battons », a expliqué à l’AFP David Adedeji, 26 ans, qui était dans le rassemblement depuis 8H00. « Nous voulons des routes, des hôpitaux, de l’électricité, cela prendra du temps mais c’est un premier pas. »
« Colère »
« (Le président) Buhari a ramené le Nigeria 60 ans en arrière », s’indignait DX2, un chanteur nigérian qui participe au mouvement. « Ce n’est plus de SARS dont il s’agit, il y a beaucoup de colère dans le pays ». D’autres marches étaient organisées mardi dans les quartiers d’Ikeja, où environ un millier de manifestants ont envahi l’axe Lagos-Ibadan, voie d’accès principale de la ville vers le nord. Des mouvements sporadiques ont également émergé dans les quartiers populaires d’Ikorodu et de Festac.
Lundi soir, des dizaines de milliers de voitures ont été bloquées de nombreuses heures dans des embouteillages monstres, aggravés par des travaux dans la mégalopole. « Hier soir, c’était vraiment compliqué », a raconté à l’AFP Seyi Anne Moses. « J’ai été bloquée pendant plus de 5 heures dans les bouchons pour rentrer du travail, pour un trajet de 45 minutes. » Comme la grande majorité des Lagosiens, cette mère de famille n’a pas pu se rendre au travail mardi.
Nouvelle récession
D’autres marches se sont déroulées dans les Etats d’Ondo, Oyo (sud-ouest), dans l’Etat du Delta (sud) et à Abuja, la capitale fédérale. Dans la grande ville du Sud de Port Harcourt, réputée pour sa grande criminalité, plusieurs centaines de jeunes ont marché jusqu’à la résidence du gouverneur, qui avait pourtant interdit tout rassemblement dans l’Etat de Rivers.
« Nous sommes très têtus », confie Ebi Wali, jeune manifestant. « Nous demandons la libération immédiate de tous les manifestants arrêtés, et que les victimes des violences policières reçoivent justice et que les familles des défunts reçoivent des compensations. »
« La dissolution de la SARS n’est qu’un premier pas dans notre engagement à réformer la police en profondeur », a assuré lundi le président Muhammadu Buhari. Il a ordonné la concertation d’un panel composé de membres de la société civile et du chef de la police, visant à « restaurer la confiance » avec le public, et a ordonné « l’arrêt de toute violence contre les manifestants », peut-on lire dans un communiqué publié par la présidence à l’issue de la rencontre.
La question des « violences policières est un sujet qui touche toutes les religions, tous les groupes ethniques, et toutes les strates sociales, à l’exception des hommes politiques », note Confidence MacHarry, jeune chercheur pour le groupe de surveillance SBM Intelligence à Lagos.
« Mais le mécontentement de la population se nourrit aussi de la situation économique du pays », explique-t-il à l’AFP. « La semaine dernière, le président a annoncé que nous rentrerions probablement à nouveau en récession (après celle de 2016-2017), le chômage a fortement augmenté… ce sont des déclencheurs », estime-t-il.
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