« Le consensus national n’existe plus dans le droit positif béninois », Me Ibrahim Salami
Le dernier arrêt rendu le vendredi 27 Novembre 2020 par la cour africaine des droits de l’homme et des peuples, manque à l’analyse de Me Ibrahim Salami de juridicité.
Le gouvernement du président Patrice Talon ne s’est pas encore prononcé sur la décision de la cadhp demandant l’annulation de la révision de la constitution. Mais au niveau des professionnels du droit, le débat se fait déjà. Après le bâtonnier Jacques Migan qui s’est prononcé sur la question en début de semaine, l’agrégé de droit Ibrahim Salami a donné également sa lecture de cette décision.
A Lire aussi: Bénin ; Insécurité zéro en fin d’année à Porto-Novo: l’opération “Le cobra royal” lancée
Dans un entretien accordé à BENIN MONDE INFOS, l’universitaire a relevé les faiblesses de la décision rendue par les juges de la cour d’Arusha. A croire ce professionnel du droit, à travers sa décision, la cour africaine des droits de l’homme et des peuples a surestimé sa capacité d’analyse des normes internes en relation avec les normes internationales.
Pour soutenir sa position, Ibrahim salami s’est basé sur les trois points de la décision de la cadhp. La cour a en effet dans un premier temps estimé que la révision de la constitution opérée le 1er Novembre 2019 a été faite en dehors de tout consensus.
Sur cet argumentaire, Ibrahim Salami estime que le consensus n’existe plus dans le droit positif béninois. A le croire, au plan national, le consensus ne se retrouve dans aucun écrit encore moins dans la constitution.
C’est la cour constitutionnelle, poursuit-il qui a érigé le consensus national en principe constitutionnel. Etant donné que c’est un principe jurisprudentiel, on peut s’attendre à ce que le juge constitutionnel n’en fasse plus cas, précise-t-il. Et c’est justement ce qui est constaté aujourd’hui, fait-il remarquer. La cour Joseph Djogbénou ne fait plus cas de ce principe.
« Ca veut dire que le consensus national n’existe plus dans le droit positif national puisque le juge ne l’invoque plus » affirme-t-il
Me Ibrahim Salami
En renvoyant le Bénin à ce consensus, indique le professeur de droit, la cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) a « surestimé sa capacité d’analyse des normes internes en relations avec les normes communautaires« , a indiqué le professionnel du droit.
Pour le professeur Salami Ibrahim, on ne peut pas renvoyer le constituant béninois devant un principe qui n’existe plus. Selon lui, à toujours vouloir faire consensus autour de tout, on finira par arriver à des blocages alors qu’en démocratie c’est la loi de la majorité qui importe.
L’argument de la vulgarisation des textes…
L’autre argument avancé par la cour africaine des droits de l’homme et des peuples pour soutenir sa décision est que la révision a été faite en procédure d’urgence, sans vulgarisation du contenu du nouveau document. Bien que le professeur Ibrahim salami estime que l’analyse de la cour est juste, il estime néanmoins qu’aucune loi ne fait obligation de cette procédure.
A croire l’agrégé de droit, cet argument de la cour africaine des droits de l’homme et des peuples manque aussi de juridicité. « Rien n’oblige le pouvoir constituant qui veut réviser de faire le tour du pays pour aller expliquer son texte » fait-il savoir Me Ibrahim Salami
On est sur le terrain de la légitimité, oui les populations doivent être informées mais cela n’est pas une obligation au sens constitutionnel du terme, indique-t-il.
Par rapport au dernier argument de la cadhp à savoir la menace sur la paix, le professeur Ibrahim Salami estime que la cour africaine a raison et invite les autorités béninoises à en tenir compte. Il précise néanmoins que même si on n’en tient pas compte, on aurait pas violé la loi.
« La cour africaine a une perception un peu de la société civile du droit » constate-t-il.
Me Salami
En conclusion, le juriste estime que cette décision de la cour ne fait tomber la constitution querellée car la cadhp n’a pas vocation d’abroger la constitution d’un Etat. Il reviendra donc au gouvernement de saisir le parlement pour y apporter de correction.
2 comments