Bavure meurtrière de Barkhane: la France se défend, les autorités maliennes choisissent l’omerta
Dimanche 3 janvier, lors d’un mariage dans le centre du Mali, des dizaines de personnes ont été tuées dans une frappe aérienne. Pendant que l’armée française dit que ses avions ont éliminé des djihadistes, les villageois rapportent la mort de plusieurs civils. Les autorités maliennes choisissent l’omerta.
A quand la vérité sur ce qui s’est passé dimanche près de Douentza, dans le centre du Mali en pleine tourmente sécuritaire ? Dimanche 3 janvier, dans le centre du Mali, de nombreux civils ont été tués par ce que les témoins décrivent comme une frappe aérienne par un appareil non identifié lors d’un mariage. Mardi 5 janvier, l’armée française assure avoir frappé des dizaines de djihadistes, tandis que des villageois et une association locale parlaient de civils atteints.
« il n’y avait pas de mariage »
Sans citer nommément Bounti, l’armée française a dit avoir procédé à une seule frappe dimanche, « à l’ouest d’Hombori dans la région de Férendi » et au nord de la route nationale 16, donc dans un périmètre de quelques kilomètres autour de Bounti.
« Le comportement des individus, leur équipement et le recoupement du renseignement excluent autre chose qu’un rassemblement jihadiste comme Barkhane en frappe régulièrement », a précisé l’état-major à l’AFP. « Il ne peut y avoir de doute et d’ambiguïté: il n’y avait pas de mariage », a assuré un responsable militaire français. « L’opération n’a pas mobilisé d’hélicoptère », a-t-il insisté.
Des villageois sur place livrent une autre version
Selon les villageois, ceux sont des Peuls qui se sont réunis pour célébrer un mariage dans le village de Bounti. Une vingtaine de civils ont été tués, dont des femmes et des enfants, indiquent les habitants. Leurs corps, très vite enterrés, « ne sont pas identifiables, ce sont des restes de corps, des morceaux de corps humains éparpillés », a affirmé l’un d’eux.
Egalement, les villageois ont relaté une frappe d’hélicoptère en plein jour semant la panique dans une foule assemblée selon eux pour des noces. Cela « a été le sauve-qui-peut. Je me suis retrouvé en brousse mais j’ai perdu deux frères », a dit Ahmadou Ghana. « L’hélicoptère volait très bas, au point qu’on croyait qu’il allait survoler le village », a abondé un autre villageois, Mady Dicko.
L’armée française parle de cibles jihadistes et d’avions, les villageois de victimes civiles et d’hélicoptère. De son côté, Médecins sans frontières a annoncé, le 6 janvier, avoir pris en charge huit personnes qui « présentent des blessures par balles et des lésions dues à des explosions », à la suite du bombardement de Bounti.
Le silence des autorités maliennes
Depuis dimanche, « nous n’avons vu aucun représentant des autorités. Alors, ce matin, on a creusé une fosse pour mettre les corps, qui sont restés là depuis dimanche sans que personne n’y touche », a dit Mady Dicko. « Nous aimerions que les autorités viennent au moins nous dire à qui appartient l’hélicoptère, qui a tué nos parents ».
Sollicitées à maintes reprises, les autorités maliennes dominées par les militaires depuis le putsch du 18 août sont restées silencieuses. La force des Nations unies (Minusma) a affirmé qu’elle n’était « pas impliquée dans les évènements survenus récemment dans la zone de Bounti ». « La division des droits de l’Homme de la Minusma a initié une enquête », a indiqué un porte-parole.
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