Avortement clandestin à Madagacar: l’association Nifin’Akanga diffuse un documentaire

L’association Nifin’Akanga (nom d’une plante abortive utilisée à Madagascar) a projeté le vendredi 5 février dernier un film documentaire à l’Institut français de Madagascar à la suite des investigations faites sur le terrain. C’est un élément sur les pratiques de l’avortement à Madagascar.

Déjà trois ans que le mouvement Nifin’Akanga lutte pour « la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse sur la Grande Ile ». Dans l’optique de faire bouger les lignes, le groupe a sillonné pendant le tournage du documentaire, trois différentes régions de la Grande Ile et a pu recueillir quinze récits de femmes ayant eu recours à l’avortement clandestin.

Le film met en relief la réalité malheureuse de ces femmes qui font recours à l’avortement; ce sujet autour duquel le tabou est bien entretenu.

Mbolatiana Raveloarimisa, l’une des fondatrices du mouvement Nifin’Akanga, partage avec Laetitia Bezain, la correspondante de RFI à Antananarivo, son constat après les recherches. « Le mot qui revient toujours dans les récits dans le film, c’est « peur » : peur de la société, peur de mourir, peur de la loi, peur d’être mal vu et finalement, c’est cette peur qui est en train de miner les gens et qui fait que l’hypocrisie collective grandit de jour en jour ». Elle poursuit : « Mais cette peur ouvre aussi la porte à la clandestinité; donc à toutes ces pratiques horribles. Les pratiques qui peuvent tuer les femmes, les pratiques qui coûtent horriblement chères en vie et en économie pour certaines femmes. Donc mis à part ceux qui le font vraiment d’une manière professionnelle et consciente, il y a aussi plein de gens qui charcutent les femmes, qui sont en train de faire mourir les femmes et sans état d’âme parce qu’elles ont peur et il y a des gens qui profitent de ça ».

Selon le mouvement Nifin’Akanga, la loi malgache qui sanctionne l’avortement va à l’encontre des règles de la société.

« Pendant nos enquêtes sur le terrain, on a constaté que quelles que soient les raisons, quelles que soient les contraintes, si une femme est décidée à avorter, il n’y a rien qui est capable de la démotiver. Lorsqu’une femme est enceinte et qu’elle décide d’avorter, en 30 minutes à Madagascar, de nos jours, on peut trouver une solution, mais forcément cette solution n’est pas la bonne. Il y a toujours quelqu’un qui connaît quelqu’un qui a déjà pratiqué l’avortement. Rapidement, on te conseille une matrone ou un tradi-praticien du quartier ou un médecin indépendant qui a décidé de ne faire que ça », a expliqué le docteur Fanzy Mefire, responsable des études au sein de l’association.

Pour toucher un public plus large, les propos de ces femmes interviewées « qui ont dû avorter au péril de leur vie », puisqu’il n’y a pas de loi pour les protéger, sont aussi diffusés sous forme de théâtre radiophonique sur dix stations de la Grande Ile. 

Selon les données du ministère malgache de la Santé, 75 000 avortements sont pratiqués chaque année dans le pays. Et ils représentent la deuxième cause de décès maternels, bien que la loi l’ait proscrit.