“Rohingyas”, ce mot que le pape ne doit pas prononcer en Birmanie lundi
L’utilisation de ce terme lui a été déconseillée avant son départ pour Rangoun.
Le voyage s’annonce délicat. Le pape François se rend ce lundi 27 novembre en Birmanie, un pays majoritairement bouddhiste, accusé récemment par les Nations unies d’“épuration ethnique” des musulmans rohingyas vivant dans l’ouest.
Pour son 21e voyage, le pape se rendra également au Bangladesh, autre pays asiatique marqué par de fortes tensions religieuses et sous les projecteurs avec l’exode forcé des Rohingyas. Environ 620.000 d’entre eux ont fui depuis fin août leurs villages de l’État Rakhine, à l’ouest, pour échapper à une campagne de répression de l’armée.
En plus de l’immense messe dans un stade de Rangoun, le souverain pontife âgé de 80 ans va multiplier les rencontres officielles durant lesquelles la crise des Rohingyas devrait être évoquée. Il doit ainsi s’entretenir avec le chef de l’armée, Min Aung Hlaing, qui est accusé par les organisations de défense des droits de l’Homme d’être le principal responsable de la campagne de répression.
“Rohingyas” ou “musulmans de l’État Rahkine”?
Mais le pape ira-t-il jusqu’à prononcer lors de sa visite le mot “Rohingyas”, tabou pour les Birmans? Craignant notamment une réaction des bouddhistes extrémistes, l’archevêque de Rangoun, Charles Bo, premier cardinal du pays, lui a recommandé d’éviter le mot et de parler plutôt des “musulmans de l’État Rahkine”.
Cette terminologie officielle, neutre, est celle que souhaiterait imposer la dirigeante birmane Aung San Suu Kyi pour éviter la guerre sémantique entre l’appellation “Bangladais” (utilisée par la majorité bouddhiste en Birmanie) ou “Rohingyas” (employée par ces musulmans pour se désigner). Le terme de “Bangladais” est lié au fait qu’ils sont considérés en Birmanie comme des immigrés illégaux du Bangladesh voisin, même si nombre d’entre eux sont là depuis des générations.
Quelques jours après le début des violences en août, évoquant ses “frères rohingyas“, le pape avait tenu à leur “exprimer toute sa proximité”. “Et nous tous demandons au Seigneur de les sauver et d’inspirer des hommes et des femmes de bonne volonté pour qu’on les aide à ce que tous leurs droits soient respectés”, avait-il ajouté.
Devant des milliers de fidèles à Rome, en février, il avait déjà évoqué “des gens bons et pacifiques” qui “souffrent depuis des années” et dénoncé le traitement qui leur est réservé: “torturés et tués en raison de leurs traditions et de leur foi”.
L’opinion birmane chauffée à blanc
La semaine dernière, la Birmanie et le Bangladesh ont annoncé un accord sur un retour des réfugiés rohingyas, mais le chef de l’armée s’est déjà dit opposé à leur retour en masse.
L’opinion birmane, portée par un nationalisme bouddhiste et largement antimusulmane, est chauffée à blanc par les remises en cause de la communauté internationale sur la façon dont le gouvernement gère ce conflit. L’aura de la dirigeante birmane et prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi, elle, a été fortement ternie par son manque d’empathie affiché pour les Rohingyas.
François est le premier pape à se rendre en Birmanie. Il accorde une grande importance au développement en Asie du catholicisme, qui ne rassemble que 3% de la population mais connaît une belle croissance (+9% entre 2010 et 2015). Il s’est déjà rendu en Corée du Sud, au Sri Lanka et aux Philippines.
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