Bénin : un citoyen situe la responsabilité de Nicephore Soglo dans le retard du développement du pays
Le Bénin, le pays de Béhanzin et de Kaba peine toujours à décoller. Les acteurs politiques dans leur gouvernance nombriliste et l’absence d’une réelle volonté de développement serait à la base de la situation. Pour le concitoyen Gérard Zannou, le tout premier président de l’ère du renouveau démocratique dispose d’une large responsabilité dans la situation actuelle. Lire ci-dessous la lettre ouverte adressée au président Soglo.
Lettre ouverte au président Nicephore Soglo :
Cotonou, le 28 mars 2018
Gérard ZANNOU
Administrateur civil à la retraite.
Monsieur le Président de la République,
Je prends la liberté de faire partager, par l’opinion publique, mes observations sur votre déclaration du 5 décembre 2017, dont la légèreté, sur la forme et le fond, révulse tout élève de Léopold Sédar SENGHOR, « mon maître à penser » et à agir, meilleur compagnon de la négritude du vôtre, Aimé CESAIRE.
Pour ne rien éluder et pour tout élucider, les parties saillantes de la déclaration seront rappelées en gras avant d’être assorties des observations.
1- » Le Président du patronat béninois (M. Sébastien AJAVON) avait commis, un an plus tôt, l’imprudence d’accorder ses voix pour assurer l’élection du candidat TALON. S’il avait fait le choix inverse, le Président du Bénin s’appellerait Lionel ZINSOU qui prétendait que » l ‘Afrique appartient à l’Europe. »
Au lendemain de la présidentielle de 2016, Patrice TALON a reconnu votre part déterminante dans sa victoire électorale en vous déclarant, à domicile, selon les propos que je tiens de votre épouse : » Vous avez effectué 90 % du travail. » Ces mots de TALON peuvent être traduits de trois manières.
La première est que vous avez contribué à 90 % à l’élection à la magistrature suprême du candidat Patrice TALON.
La deuxième est que l’échec de Lionel ZINSOU est dû à hauteur de 90 % à votre personne.
La troisième, une déduction des deux premières, attribue la victoire de TALON au Président Nicéphore Dieudonné SOGLO, et non à M. Sébastien AJAVON qui a été invité par vos soins, avec toute la classe politicienne, les philistins et les électeurs analphabètes, à ne pas porter leur choix sur Lionel ZINSOU, pourtant véritable mine de multi- compétences convoitée et recherchée hors des frontières béninoises.
Avec le recul, je ne me console pas de n’avoir pas saisi la Cour constitutionnelle pour lui demander de déclarer contraire à la Constitution du 11 décembre 1990, votre démarche consistant à battre campagne contre un candidat. En effet, l’article 42 de la loi n° 2013 – 06 portant code électoral en République du Bénin dispose : » La campagne électorale est l’ensemble des opérations de propagande précédant une élection et visant à amener les électeurs à soutenir les candidats en compétition. » L’article 66 de la même loi interdit de » tenir des propos visant à ternir l’image des candidats. » En violation de ces dispositions légales, votre campagne virile n’a soutenu ouvertement aucun candidat et s’est limitée à vitupérer contre Lionel ZINSOU en agitant le spectre de la Françafrique.
En tenant ce discours que vous regretterez le 5 décembre 2017, vous n’avez jamais expliqué en quoi Lionel ZINSOU est l’incarnation de la Françafrique. J’y reviendrai. Tout au plus, vous vous êtes fondé sur sa » prétention » selon laquelle » l’Afrique appartient à l’Europe » pour enfourcher le cheval de bataille contre sa candidature.
Cette » prétention » est pourtant connue et reconnue comme une réalité incontestable par les esprits clairvoyants. Le panafricaniste Kwame NKRUMAH a démontré, à l’appui de statistiques vérifiables, que le continent africain regorge de ressources du sol et du sous-sol qui sont exportées vers l’Europe pour contribuer à la croissance de celle- ci :
» Si les nombreuses richesses de l’Afrique étaient utilisées à son développement, elles la placeraient parmi les continents évolués. Mais ces richesses ont été utilisées au profit d’intérêts étrangers et le sont encore aujourd’hui. En 1957, l’Afrique a fourni à la Grande
-Bretagne les proportions de matières premières industrielles suivantes :
– minerai d’étain. ……………………………..19 % ;
– minerai de fer………………………………… 29 % ;
– manganèse. ………………………………….. 80 % ;
– cuivre. ……………………………………………46 % ;
– bauxite. ………………………………………….47 % ;
– minerai de chrome…………………………..50 % ;
– amiante……………………………………………66 % ;
– cobalt………………………………………………82 % ;
– antimoine…………………………………………91 % .
Les importations françaises en provenance de l’Afrique représentent :
– coton……………………………………………….32 % ;
– minerai de fer…………………………………..36 % ;
– zinc………………………………………………….51 % ;
– plomb……………………………………………… 85 % ;
– phosphates……………………………………..100 %.
A l’Allemagne, l’Afrique a fourni :
– cuivre…………………………………………………8 % ;
– minerai de fer. …………………………………..10 % ;
– minerai de plomb. ……………………………..12 % ;
– minerai de manganèse. ……………………..20 % ;
– minerai de chrome. ……………………………22 % ;
– phosphorite……………………………………….71 %.
» Et pourtant, l’on ne trouve, dans aucune des nouvelles nations africaines, une seule industrie fondée sur l’une de ces ressources naturelles.
» Bien qu’elle possède cinquante – trois des minerais et métaux industriels les plus importants, l’Afrique reste à la traîne des autres continents en ce qui concerne le développement industriel (Kwame NKRUMAH : LE NEO-COLONIALISME, dernier stade de l’impérialisme PRESENCE AFRICAINE, pages 20 et 21).
Ce n’est pas tout. Dans » L’AFRIQUE DOIT S’UNIR « , NKRUMAH poursuit : « …l »Afrique est arrivée à produire, au point de vue agricole, les pourcentages suivants :
» 66 % du cacao ; 58 % du sisal ; 65 % de l’huile de palme ; 26 % des arachides ; 14 % du café et 11 % de l’huile d’olive. Elle produit aussi des quantités importantes d’avoine, de laine, de coton, de maïs, de thé, de caoutchouc, de tabac, de blé, de pyrèthre, de girofle et de riz. »
Les chiffres foisonnent pour attester que » l ‘ Afrique appartient à l’Europe « , que les immenses ressources africaines du sol et du sous-sol sont exploitées par les Européens.
» L’Afrique appartient à l’Europe « est donc une simple lecture des réalités économiques remontant à la période coloniale et qui sont perpétuées après l’accession des pays africains à l’indépendance.
2 – » Et voilà le Président AJAVON brutalement mis aux arrêts et jeté en prison pour une sombre affaire de trafic de cocaïne. «
» …le Président AJAVON jeté en prison… » est une pure contre-vérité qui honore peu.
3 – » C’est moi qui vous avais dit, à la veille de ces élections, que la Françafrique ne nous laissait le choix qu’entre la peste et le choléra ce qui risquait de faire le lit de Boko Haram. Fallait-il alors s’abstenir ? Je bats ma coulpe et je fais repentance. «
La peine est réelle d’observer que vous n’avez jamais fait comprendre ce que revêt ou signifie la Françafrique en général, et pour le Bénin en particulier. » L’Afrique appartient à l’Europe » est une illustration de la Françafrique en ceci que le vieux continent entretient avec les Africains des rapports de domination fondés sur » l’oppression politique, l’exploitation économique et l’aliénation culturelle « , pour reprendre Mathieu KEREKOU au discours – programme du 30 novembre 1972. Un auteur a donné une définition plus élargie : » La Françafrique, c’est l’ensemble des relations personnelles, des mécanismes politiques, économiques, militaires et culturels qui permettent à la France de piller en toute tranquillité ses anciennes colonies africaines ainsi qu’un certain nombre d’autres pays africains. «
Cette définition holistique sous – entend que la Françafrique est d’abord une affaire d’intérêts de la France en Afrique. Le général Charles de GAULLE l’a d’ailleurs déclaré, sans circonlocution diplomatique: » La France n’a pas d’amis. Elle n’a que des intérêts. » Rapportée au Bénin, pays aux ressources limitées et inexploitées, la Françafrique est dénuée de sens. Sur tous les plans, le Bénin ne représente pas un enjeu, même minime, pour l’Hexagone. La France et les Français peuvent vivre sans le Bénin, l’inverse étant difficile – je ne dis pas impossible.
4 – » J’ai perdu mon pari. «
Nelson MANDELA disait : » Je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j’apprends. » Or, son admirateur Nicéphore Dieudonné SOGLO est toujours perdant dans ses combats politiques !
5 – » Je bats ma coulpe et je fais repentance «
Détaché de la déclaration écrite, vous avez été clair : » On peut se tromper. Je me suis trompé. Je demande pardon au peuple. Je ne sais pas que le petit allait me honnir. Je demande pardon. »
L’échiquier politique n’est pas une chapelle confessionnelle où les fidèles sont invités à confesser leurs péchés pour bénéficier du pardon. Les scènes s’y déroulant sont automatiquement enregistrées par l’histoire qui ne s’embarrasse pas de sentimentalisme. En ayant été l’artisan principal de la victoire électorale de Patrice TALON, vous êtes pleinement comptable de sa gouvernance qui martyrise quotidiennement le peuple. Au surplus, les commentaires qui ont suivi votre déclaration sur les réseaux sociaux vous ont signifié que vous n’êtes pas politiquement digne d’absolution.
6 – » Depuis, se substituant au peuple et au mépris des textes sur la démocratie locale, une véritable chasse aux sorcières est livrée aux élus locaux par le gouvernement, au moment où l’explosion urbaine est un phénomène planétaire (quelle inconscience !) Les victimes sont les communes de Parakou, Djidja, Allada, Porto -Novo, Ouidah et Cotonou. Et le mouvement continue. Le maire de Cotonou, qui a eu plus de chance que celui de Dakar, vit désormais en exil après avoir subi pas moins de quatre audits en un an. Quel acharnement ! Sa maison fut perquisitionnée. Voulait-on peut – être y mettre de la cocaïne? Qui sait?
» Car des chars avaient bouclé son quartier et il ne manquait plus que des hélicoptères de combat. «
Tout éventuel procès de l’accession au pouvoir de Patrice TALON devant le tribunal de l’histoire ne peut épargner Nicéphore Dieudonné SOGLO. La situation difficile que vit Léhady SOGLO, à qui je renouvelle mon soutien moral, s’explique par trois éléments.
D’abord par le revanchisme de Patrice TALON qui est résolu à neutraliser ses adversaires politiques, particulièrement ceux qui n’ont pas intégré le camp de la » Rupture « .
Ensuite, Léhady SOGLO est victime de la conspiration interne à la Renaissance du Bénin. En effet, les mécontents de la gestion politique de la RB et de celle financière de la mairie de Cotonou ont prêté flanc à des forces exogènes pour déchoir le Président de ce parti politique et le Maire de Cotonou.
S’agissant de la gestion politique de la RB, Léhady a hérité du caractère clanique et familial que ses parents ont imprimé au Parti. Déjà, avec ceux – ci, il y avait de sérieux remous inaudibles en raison du charisme du couple. Avec leur départ de la tête de la RB, les langues se sont déliées au point de se rallier aux adversaires politiques pour renverser l’héritier sans grand mérite.
Léopold Sédar SENGHOR donnait des leçons de démocratie ignorées à la RB, depuis sa création jusqu’à la chute de Léhady : » Quand je parle de mes idées, de mon programme ou de mon action, il s’agit, plus précisément, de mon parti. En 35 ans de vie politique ( 1945 – 1980 ), je n’ai jamais pris une grande décision sans me référer aux instances du parti et, auparavant, à l’avis des plus responsables de ce parti. Il y a mieux. Presque toujours, en ouvrant une campagne électorale, encore que je l’ai préparée, je ne m’enracine dans mes arguments qu’au bout de plusieurs jours, après avoir d’abord écouté les arguments des responsables des sections du parti. » SENGHOR poursuit son cours de démocratie : » …à l’intérieur (d’un) parti, il faut appliquer rigoureusement deux principes essentiels : la démocratie dans les discussions et les décisions, la discipline une fois dégagée la majorité. » Ici et là, résident le secret de la longévité politique de SENGHOR et la solidité de l’Etat qu’il laissa après sa démission exemplaire le 1er janvier 1981. Il convient de faire observer que le Sénégal, tel que façonné par Léopold Sédar SENGHOR, est l’unique pays francophone d’Afrique à n’avoir pas connu de coup d’Etat depuis 1960 en plus d’être le berceau de la démocratie sur notre continent. En ce qui concerne la gestion financière, si tous ceux qui en détiennent des preuves irréfutables se dépouillent de tout scrupule pour faire des révélations, Léhady SOGLO serait peu défendable.
Enfin, votre responsabilité personnelle est à déplorer dans les malheurs politiques qui accablent Léhady. Si l’on excepte votre oncle, le général Christophe SOGLO qui vous a nommé dans son gouvernement en décembre 1965 pour un an et une semaine et, le Président Boni YAYI dans une moindre mesure, vous êtes le seul Chef d’Etat du Bénin à impliquer directement son fils dans la politique en assurant mécaniquement sa promotion aussi bien à la Présidence de la République qu’à la Mairie de Cotonou. Même des hommes politiques béninois en vue (Bruno AMOUSSOU, Abdoulaye BIO-TCHANE, Antoine Kolawolé IDJI, Albert TEVOEDJRE, Séverin ADJOVI,….) se sont gardés de tomber dans les mailles de cette faiblesse. Le népotisme, invariablement préjudiciable à la progéniture qui finit par être empêtrée dans des ennuis politiques et judiciaires, est le fait des hommes d’Etat qui se soucient peu de l’image qu’ils laissent à la postérité : Jean-Bedel BOKASSA, Omar BONGO, Gnassingbé EYADEMA, Obiang Mbasogo NGUEMA, Abdoulaye WADE, Mouammar KADHAFI, François DUVALIER …..Par contre, ceux qui ont le sens de l’histoire sont exempts de cette pratique népotiste : Léopold Sédar SENGHOR, Abdou DIOUF, Félix HOUPHOUET-BOIGNY, Nelson MANDELA, Charles de GAULLE. ….
Ceci étant, le sang et la famille ne doivent pas être des impedimenta à l’évolution politique et sociale de l’homme ; mais, cette évolution doit être le fruit du mérite personnel, justifié par la compétence et le dynamisme dans l’action.
7 – » C’est l’ambassadeur Guy AZAIS qui a transmis un véritable ultimatum à Pierre OSHO le Directeur de Cabinet de KEREKOU, le gouverneur à peau noire. Car ce transfuge de la Françafrique, (nous le savons depuis ‘ Affaire KOVACS ) s’était réfugié pendant plus de 17 ans dans le camp soviétique. Il convoqua sans délai, une réunion de toutes les Forces Vives de la nation. C’est cette réunion que le génie béninois transforma en peut plus continuer à étouffer la vérité. «
Vous avez bien fait de rétablir » la vérité » historique en exposant que l’idée de la Conférence Nationale est une trouvaille de la France de François MITTERAND qui s’était inspiré des États généraux du Peuple français tenus en avril 1789, grand forum auquel les Africains ont envoyé leurs doléances.
Par contre, ce qui relève de l’expression du génie béninois est le caractère souverain imprimé à la Conférence Nationale par l’ingéniosité de ses participants
L’offense et l’injure au Président Mathieu KEREKOU sont si manifestes qu’il se retournerait dans sa tombe en lisant que vous le traitez de » gouverneur à peau noire » et de » transfuge de la Françafrique depuis l’Affaire KOVACS « . Le gouverneur est le mot par lequel la France désignait ses représentants dans ses colonies à travers le monde. Le Bénin n’étant plus une colonie depuis la loi-cadre, KEREKOU n’en a jamais été un gouverneur. Et la France a connu un seul gouverneur à peau noire en la personne de Félix EBOUE. Celui-ci fut gouverneur en Guadeloupe, au Tchad et gouverneur général de l’Afrique Equatoriale Française ……
J’ai reproché au colonel Janvier ASSOGBA, pupille d’un voisin et ami à mon père, et avec qui j’ai eu deux rencontres d’information, de faire de la rétention sur les antennes des radios et les plateaux de télévision chaque fois qu’il était invité à éclairer ses concitoyens sur les dessous du coup d’Etat du 26 octobre 1972 qu’on ne peut déconnecter de l’Affaire KOVACS.
Affaire KOVACS, de quoi s’agit-il ?
L’homme d’affaires franco – hongrois Louis KOVACS avait des créances d’un montant élevé sur l’Etat dahoméen à qui il vendait des fournitures de bureau. Face aux engagements non tenus du Ministre des Finances Pascal Chabi KAO dont toutes les exigences financières et matérielles détaillées par Janvier YAHOUEDEHOU dans » Les vraies couleurs du caméléon » étaient satisfaites par KOVACS, ce dernier, indigné, s’en ouvrit à Bertin BORNA qu’il avait connu plus tôt dans ce genre d’affaires lorsqu’il occupait ce maroquin de Ministre des Finances.
BORNA le rassura : – M. KOVACS, ne vous inquiétez pas. Je vais demander à un cousin bien placé dans la hiérarchie militaire de mettre un terme au Conseil Présidentiel. Après quoi, vous serez immédiatement et totalement payé.
Saisi donc par BORNA, Mathieu KEREKOU donna son accord de principe pour le coup d’Etat et se mit à demander les moyens financiers pour son exécution. Très confiant, KOVACS n’hésitait pas à débourser tout ce que KEREKOU lui demandait par le biais de BORNA. Il y avait que, par sa position purement administrative de Chef d’Etat-Major Général Adjoint des Forces Armées Dahoméennes, le chef de bataillon Mathieu KEREKOU ne disposait d’aucun pouvoir sur le camp de Ouidah commandé par le capitaine Janvier ASSOGBA qui relevait directement de Paul Emile de SOUZA, chef des militaires.
Connaissant ASSOGBA à qui il avait passé service au camp de Ouidah, KEREKOU fit le déplacement vers lui, conduit par son ami, le professeur René ZINSOU – père de Lionel. Avec l’habileté et l’intelligence qu’on lui connaît, il se fit comprendre en des termes sibyllins par ASSOGBA. Suite à la seconde rencontre ASSOGBA – KEREKOU où les détails opérationnels furent esquissés, le Conseil Présidentiel a été dissout et Mathieu KEREKOU proclama la Révolution le 26 octobre 1972.
Après la chute du Triumvirat, l’Etat dahoméen restait devoir à KOVACS. Las de patienter, ce dernier rencontra le ministre des Finances Janvier ASSOGBA pour lui exprimer son amertume :
– C’est moi qui ai financé le coup d’Etat du 26 octobre 1972 pour rentrer en possession de ce que votre Etat me doit depuis des années.
La surprise de Janvier ASSOGBA fut totale :
– Vous avez financé quoi ?
Pour conforter sa réponse, KOVACS exhiba et déposa au ministre ASSOGBA toutes les preuves.Convaincu de ce que KEREKOU avait demandé et reçu des millions de nos francs pour l’exécution du coup d’Etat, ASSOGBA, très révolté, prit les dispositions nécessaires pour le déchoir. Dans sa démarche, il fut arrêté le 21 janvier 1975 et privé de liberté pendant près de 10 ans. Louis KOVACS n’est jamais entré dans ses fonds avant de trépasser.
Où est la Françafrique dans l’Affaire KOVACS ?
La France était d’autant plus étrangère à l’Affaire KOVACS et au coup d’Etat du 26 octobre 1972 que Justin Tometin AHOMADEGBE – que je fréquentais et qui me tenait en haute estime pour l’esprit de dignité que nous partagions, ma curiosité intellectuelle et ma fidélité en amitié -, Président en exercice du Conseil Présidentiel, se réjouissait fortement de l’imminente visite d’Etat à Cotonou du Président Georges POMPIDOU, avec , à la clé, une substantielle aide budgétaire !
En définitive, vos familiers, qui supportent votre prolixité sans vous apporter la contradiction que vous abhorrez, savent que la » Françafrique » est une histoire entre Jacques CHIRAC et Nicéphore Dieudonné SOGLO. Or CHIRAC ne symbolise pas la France et SOGLO n’incarne pas le Bénin, encore moins l’Afrique.
La contre- vérité est tout aussi révoltante lorsque KEREKOU est peint comme » transfuge de la Françafrique qui s’était réfugié pendant plus de 17 ans dans le camp soviétique « . A la question que lui a posée François KOUYAMI de savoir où a – t -il appris le marxisme – léninisme, Martin Dohou AZONHIHO, dont le zèle sans égal à défendre la Révolution effarouchait, a répondu :
– Je dois manger.
Plus sérieusement, les militaires qui se sont emparés du gouvernail du pays le 26 octobre 1972 n’avaient pas reçu une formation en politique et en marxisme -léninisme. A preuve, le Chef de bataillon Mathieu KEREKOU, avait lu, sans conviction et d’une voix tremblotante, la proclamation du 26 octobre 1972, rédigée par des pékins et qui sera reprise pour paraître ferme aux oreilles de la postérité. Cette proclamation et les discours prononcés à l’occasion des Trois Glorieuses étaient préparés par des intellectuels qui, admiratifs de Karl MARX, Friedrich ENGELS et de Vladimir Illitch Oulianov dit LENINE depuis les bancs universitaires, ont vite récupéré la Révolution du 26 octobre 1972 pour donner corps à leurs rêves politiques de jeunes étudiants.
Or dans » Sur les relations sociales en Russie « , Friedrich ENGELS, co-concepteur du communisme, expose, en 1871 : » La Révolution à laquelle prétend le socialisme moderne est la victoire du prolétariat sur la bourgeoisie; et cela exige non seulement un prolétariat qui fasse la révolution, mais aussi, une bourgeoisie aux mains de laquelle les forces productives de la société se soient développées jusqu’au point qui permet la destruction des différentes classes…
» C’est seulement au – delà d’un certain niveau de développement des forces productives, niveau certainement très élevé, qu’il est possible que la production soit suffisamment abondante pour que l’abolition des classes puisse être un progrès et engendre une situation durable sans provoquer la stagnation ou même la régression des relations de production. …. Et celui qui prétend que la révolution sera facile là où il n’y a ni bourgeoisie, ni prolétariat ne fait que démontrer qu’il a encore à apprendre l’ABC du socialisme. »
La clarté de ces phrases d’ENGELS dispense d’exprimer une évidence : le Bénin, pays rural, sans prolétariat, sans bourgeoisie, ne peut servir de terrain d’expérimentation du socialisme et du marxisme, même consolidé par le léninisme, pas plus que la Russie, étendue pour devenir l’URSS et ses pays satellites du bloc de l’Est où le système, mécaniquement échafaudé, s’est effondré comme un château de cartes. Et pourtant, MARX et ENGELS avaient prévenu : » Notre doctrine n’est pas un guide pour l’action. »
C’est la raison pour laquelle le socialiste Léopold Sédar SENGHOR, toujours vigilant, ne se lassait d’inviter les » colonisés de l’esprit, toujours dépendants et débiteurs, jamais prêteurs, jamais producteurs de civilisation à une relecture de MARX et d’ENGELS. »
8 – » Mon regret de n’avoir pas pu, malgré mes efforts, mettre sur pied une Commission Vérité et Réconciliation pour parfaire notre Conférence Nationale à l’exemple de l’Afrique du Sud de Nelson MANDELA. Car il n’y a pas de paix sans justice, il n’y a pas de pardon sans confession. Nous devons à tous ces combattants un minimum de reconnaissance. … »
» Colonisés de l’esprit » que nous sommes, nous affectionnons le mimétisme. Pourquoi une Conférence Vérité et Réconciliation au Bénin, dont les réalités historiques ne sont pas celles de l’Afrique du Sud ? La souveraineté de la Conférence Nationale a fait déballer la Vérité et sceller la Réconciliation. Symbole fort de cette Réconciliation : chaudes et franches accolades entre Mathieu KEREKOU et Bertin BORNA, les deux concepteurs de la Révolution du 26 octobre 1972 qui a conduit le pays à la faillite en 1990 et retrouvailles des deux en privé. Vous avez fait l’effort hautement louable d’indemniser toutes les victimes. Ce qui restait à faire ne pouvait pas l’être : faire revenir à la vie tous ceux qui ont péri.
9 – » Passons à présent, à la bombe qui a explosé en Libye , à notre longue marche vers la terre promise… » Car l’horreur est là : massif, incroyable, monstrueux, un génocide voilé : la traite arabe qui n’a jamais cessé est enfin mise à nue (sic). Il faut la faire connaître et la combattre sans pitié et sans concession. Nos peuples attendent avec impatience, la réaction et les propositions concrètes appuyées d’un calendrier précis de la part des gouvernements, des partis politiques, des syndicats, de la société civile et surtout celles des intellectuels. ….. »
Le Sénégalais Cheikh Anta DIOP et l’Allemand Gunter BRAUER ont scientifiquement prouvé, sans avoir été sérieusement contredits, que » L’Afrique est le berceau de l’humanité et de la civilisation, des sciences et des religions. » En effet, » L’homme anatomiquement moderne s’est développé, il y a un peu plus de 100 000 ans en Afrique subsaharienne, à partir d’une lignée évolutive facile à suivre.
Cet homme moderne s’est répandu dans le Nord et au Proche-Orient. En l’état actuel des connaissances scientifiques, on doit bien reconnaître que le continent africain a vu naître les premiers hommes, les premières grandes civilisations, les premières sciences ainsi que les premières religions allant du polythéisme au monothéisme. «
Pourquoi les premiers hommes sur la Planète Terre, les Africains, sont-ils, aujourd’hui, les derniers en matière de développement, minés par la pauvreté et la misère au point où les plus jeunes finissent à se livrer à l’esclavage ou à la migration risquée pour survivre ?
La raison interpelle les dirigeants africains, ceux d’hier (les rois) et ceux d’aujourd’hui( les Chefs d’Etat passés et actuels ) qui n’ont souvent pas fait preuve de leadership d’ambition et de service. Pour me limiter à notre pays avant la colonisation, seul le roi GUEZO s’est illustré en développant le palmier à huile. Après la parenthèse de la colonisation, aucun Chef d’Etat n’a répondu aux légitimes attentes des populations en matière de bien – être et de mieux – être. Face aux ressources humaines, matérielles et immatérielles, nos leaders ont invariablement manqué d’imagination pour en faire des sources de richesses et, partant, de développement. Le paradoxe est saisissant d’observer le chômage au Bénin qui requiert la mobilisation au travail de ses filles et fils pour produire en quantité et en qualité.
J’insiste pour souligner que le Bénin n’a aucune raison de figurer dans la caravane des pays pauvres. Une simple illustration : la supérette » ALIMENTS SAINS « , que vous avez visitée à Ganhi à la demande de Madame Rosine V. SOGLO, est un passage obligé pour tout Béninois et tout expatrié devant se rendre à l’étranger. Ceux-ci s’y approvisionnent en produits du cru, qu’ils ne trouvent pas en dehors du Bénin. Il faut en déduire que si le gouvernement recherche et trouve des débouchés pour l’exportation de ces produits, les jeunes vont se ruer vers la production, se désengageant ainsi de l’oisiveté et du chômage. Je précise l’illustration : nos artisans produisent du savon dont la qualité n’a rien à envier au savon importé. L’interdiction de toute importation du savon tout en prenant les mesures de compensations fiscales ou douanières serait de nature à relancer la production de ce bien pour la consommation locale et l’exportation, augmentant ainsi le nombre des artisans, réduisant ainsi le chômage, fondant ainsi les jeunes à rechercher l’eldorado au Bénin et non à l’étranger. Cet exemple sur le savon peut s’étendre à d’autres produits, notamment les huiles comestibles, les céréales avec interdiction de l’importation du blé qui n’est pas un nutriment, les jus de fruits, les eaux minérales, les poissons, la volaille, du boom chinois réside en ceci que le Parti Communiste Chinois est d’abord préoccupé par la situation sociale des Chinois qui sont culturellement moulés pour » produire et consommer local « , simple slogan chez nous.
10 – » Pardonnez-moi de terminer mes propos par un problème personnel…….Je veux exprimer ici, ma honte et mon indignation devant les tracasseries inacceptables, les mesquineries qui déshonorent leurs auteurs dont ma famille et moi sommes l’objet. Tout le pays est au courant. Civilisation ou barbarie ?’’
L’esprit cartésien comprend difficilement qu’un homme se prévale de ses propres lubies pour se plaindre. Les tourments risquent de durer puisque la » PLATE-FORME TALON 10 ANS » est déjà en marche ! Il y a que le Bénin, qui sait étonner le monde, étonnera une fois de plus. Il y a que le génie béninois gît et vagît encore en chaque Béninois.
Avant la déclaration du 5 décembre 2017 et face à l’échéance du 28 février 2016 devant consacrer le premier tour de l’élection présidentielle, vous avez initié, le mardi 5 janvier 2016, une réunion de personnalités politiques pour s’opposer à la candidature de Monsieur Lionel ZINSOU au motif principal que celle-ci est imposée par la France qui s’engageait ainsi à recoloniser notre pays.
Cette prise de position appelle les remarques suivantes :
1 – la preuve reste à apporter sur la paternité française de la candidature de Lionel ZINSOU à l’élection présidentielle de 2016. Citoyen béninois, Monsieur ZINSOU a constitué son dossier de candidature qui a été jugé recevable par la Cour constitutionnelle;
2 – le fait pour Monsieur Lionel ZINSOU d’avoir une double nationalité béninoise et française et d’avoir longtemps séjourné en France ne peut expliquer que sa candidature a été imposée par l ‘ Élysée.
En effet, bien qu’ayant été dans les mêmes conditions que Monsieur ZINSOU par rapport à la double nationalité et au séjour français doublé d’un séjour américain pour servir dans les institutions de Bretton Woods, vous avez fait l’objet d’un consensus à la Conférence Nationale de février 1990 pour être désigné Premier ministre du gouvernement de transition avant d’être élu Président de la République en 1991. A l’époque, aucune raison relative à votre nationalité française et à votre long séjour en France et aux États-Unis n’a été évoquée pour soutenir que vous étiez un candidat imposé par les Français ou les Américains. Mieux, la candidature de votre challenger, Maître Adrien HOUNGBEDJI au poste de Premier Ministre n’a pas prospéré face aux manœuvres de la Françafrique pour l’imposer aux délégués à la Conférence Nationale ;
3 – après la décolonisation intervenue en 1958 et 1960 dans les pays francophones de l’Afrique de l’Ouest, aucun cas de recolonisation n’a été enregistré. La recolonisation, que l’humanité n’a jamais connue, relève d’une vue de l’esprit.
Au demeurant, il est regrettable que l’analphabétisme de 56,9 % du peuple – véritable goulot d’étranglement de l’esprit humain -, le carriérisme des agents de l’Etat, l’inculture des intellectuels et l’opportunisme des politiciens vous servent de terreau pour cultiver et diffuser des sophismes et contre-vérités.
Il y a un temps pour tout.
Il y a un temps pour agir.
Il y a un temps pour se reposer.
Il y a un temps pour parler.
Il y a un temps pour se taire, le silence étant parfois la meilleure éloquence.
Mieux, reconnaissons avec Mercure LECARRE que « Le silence est le plus haut degré de la sagesse. »
Je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, en l’expression déférente de ma haute considération.
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