Cuba : un vent nouveau à la Havane ?

Après avoir succédé à son frère ainé à la tête de l’exécutif cubain en 2006, Raul Castro, 86 ans, passera le flambeau ce jeudi 19 avril, à son  dauphin, Miguel Diaz-Canel, 57 ans. C’est donc une nouvelle génération qui prendra désormais  les rênes de l’ile Caribéenne après six décennies de pouvoir sans partage de la fratrie Castro.  

Depuis la révolution de 1959, la fratrie des Castro a pris  le pouvoir à Cuba, aux côtés de l’URSS, ce pays deviendra un acteur majeur et un ami des « Pays du tiers monde » au cours de la Guerre froide. L’effondrement de l’Union Soviétique en 1991 et le blocus imposé par les Etats-Unis,  pendant plus d’un demi-siècle, n’auront nullement émoussé leur ardeur  à combattre le bloc Capitaliste. Fidel n’est plus, Raul est moribond, le temps est-il venu de passer la main ?

 

Retour sur l’histoire d’un régime fondé sur « la fratrie »

En janvier 1959, « le Mouvement du 26 juillet » dirigé par Fidel Castro et ses compagnons renverse le régime de Fulgencio Batista, soutenu par les Etats-Unis et accusé d’autoritarisme. C’est ainsi que débute l’histoire d’un long règne de près de Six décennies. Fidel Castro, son frère le lieutenant Raul, et le docteur Ernesto Guevara (dit le « Che ») ont donné à la révolution, officiellement nationaliste au départ, une orientation marxiste-léniniste au début des années 1960, se rapprochant ainsi du bloc Soviétique. Fidel Castro comprend très vite que la seule force organisée à Cuba est le Parti communiste dont son frère Raul est membre. Il resserre ses relations avec ce parti, qui deviendra le pilier central du régime révolutionnaire durant tout le règne. Multipliant les provocations envers les Etats-Unis, Cuba dès avril  1961 installe des missiles Soviétiques, créant la crise des missiles de Cuba en octobre 1962. Progressivement le régime révolutionnaire va s’investir dans les mouvements de lutte pour l’indépendance dans les pays tiers-mondistes notamment en Angola, au Congo-Kinshasa, en Guinée-Bissau, au Mozambique et ailleurs dans le monde. Frappé par les sanctions américaines et le démantèlement de l’Union Soviétique, les Castro auront tenu le pouvoir pendant longtemps. Malade et fatigué, Fidel laisse le pouvoir à son frère Raul en 2006. Sous le poids de l’âge, Raul, 86 ans, n’aura exercé le pouvoir que 12 ans. Il passera le témoin Jeudi 19 avril permettant à une nouvelle génération de diriger le pays.

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Une génération née après la révolution va enfin prendre le pouvoir

« Nous avons parcouru un long, long, long et difficile chemin (…) pour que nos enfants, ceux d’aujourd’hui et ceux de demain, soient heureux« , déclarait en mars le cadet des Castro, qui avait succédé en 2006 à son frère Fidel, alors affaibli et finalement décédé en 2016.

Convoquée mercredi et jeudi pour une plénière historique, l’Assemblée nationale va élire un nouveau président du Conseil d’Etat, le principal organe de l’exécutif cubain, et fera basculer le pays dans une nouvelle ère. Si les autorités ne l’ont pas formellement confirmé, c’est le premier vice-président et numéro deux du gouvernement, Miguel Diaz-Canel, 57 ans, qui semble avoir été choisi et préparé pour devenir le nouveau visage de Cuba, a rapporté l’AFP.

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Apparatchik modèle, ce civil aux cheveux poivre et sel a gravi discrètement les échelons du pouvoir avant d’être intronisé bras droit du président à la surprise générale en 2013, le posant en dauphin naturel des Castro.

 « Il y aura une part de renouveau, mais aussi de continuité », prévenait récemment un des cadres du régime, le ministre des Affaires étrangères Bruno Rodriguez, rappelant que Raul Castro accompagnera son successeur en gardant la main sur le puissant Parti communiste de Cuba (PCC). 

Raul  Castro s’en va, mais restera toujours dans l’ombre du pouvoir« 

Le président sortant ne quittera la tête du parti unique qu’au prochain congrès prévu pour 2021, l’année de ses 90 ans, de quoi assurer une transition maîtrisée face aux nombreux défis qui se présentent.

L’héritier des Castro sera surtout chargé de poursuivre l’indispensable « actualisation » d’un modèle économique obsolète à un moment où Cuba est confronté à l’affaiblissement de son allié vénézuélien, à l’embargo américain qui pèse toujours sur son développement et au coup d’arrêt imposé par le républicain Donald Trump au rapprochement engagé fin 2014 entre Cuba et les Etats-Unis.

En mars, les électeurs avaient été appelés à élire l’Assemblée dont sera issu le nouveau président, mais les 605 candidats pour autant de sièges avaient été préalablement désignés par les assemblées provinciales et les organisations « de masse« .

 

Serrer les rangs 

D’ailleurs, comme pour souligner l’absence de « révolution dans la révolution« , les autorités n’ont pas prévu de cérémonie en grande pompe pour ce vote de l’Assemblée, et les visas accordés aux journalistes venus de l’étranger ont été limités à quatre jours, a rapporté l’AFP.  « Nous poursuivrons le chemin de la révolution, la marche triomphale de la révolution continuera », assurait M. Diaz-Canel voici un mois au moment de voter aux législatives.

Pour la première fois depuis six décennies, le président ne viendra pas de la famille Castro, ne fera pas partie de la génération « historique » de 1959, ne portera pas l’uniforme militaire et ne sera pas premier secrétaire du PCC.  Mais il pourra combler ce déficit de légitimité grâce à Raul Castro, qui devrait serrer les rangs de la vieille garde des généraux « historiques« , perçus pour la plupart comme rétifs aux réformes les plus ambitieuses.

Leur niveau de responsabilité au sein du nouveau Conseil d’Etat et du gouvernement donnera une indication sur la volonté réformatrice du régime, comme sur la marge de manœuvre du nouveau président. Signe que le régime ne laisse rien au hasard, la journée de jeudi, 19 avril, correspond au 57e anniversaire de la victoire de la baie des Cochons (« Playa Giron« ), considérée à Cuba comme « la première défaite de l’impérialisme yankee en Amérique latine » en 1961.