Bénin : la Cour constitutionnelle ou l’asile de Joseph Djogbénou contre le pouvoir Talon ?
Le professeur Joseph Djogbénou, actuel garde des Sceaux, ministre de la Justice du Bénin, a été désigné le 14 mai 2018 par l’Assemblée nationale pour siéger, dès juin 2018, à la Cour constitutionnelle. Une désignation qui s’apparente bien à un asile pour l’homme considéré, à tort ou à raison, comme pris au piège par le rouleau compresseur du pouvoir du président Patrice Talon.
Au Bénin, le Professeur Joseph Djogbénou est connu et respecté pour ses grandes connaissances juridiques. Juriste de haut niveau pour les uns, avocat de haut niveau pour les autres, Joseph Djogbénou jouit d’une réputation certaine d’homme de droit et d’acteur de la société civile. Une réputation qui a très vite fait de le propulser dans l’arène politique béninoise. Élu député à Cotonou avril 2015, Joseph Djogbénou entre au gouvernement un (01) an plus tard à l’avènement au pouvoir de l’homme d’affaires Patrice Talon, son ami personnel et client qu’il avait défendu contre l’État béninois dans plusieurs dossiers sulfureux.
[su_heading size= »17″]A lire aussi : « Le Professeur Joseph Djogbénou, ma plus grande déception »[/su_heading]
L’entrée en politique du Professeur Joseph Djogbénou avait suscité beaucoup d’espoir dans l’opinion publique béninoise. Mais hélas. Le pouvoir politique a ses contraintes auxquelles nul ne peut se soustraire. Autrefois ardent défenseur de l’Etat de droit et de la liberté d’expression, Joseph Djogbénou, contre toute attente, avait défendu bec et ongle, en octobre 2016, la mesure (anticonstitutionnelle) du gouvernement Talon portant suspension des activités et manifestations des organisations faîtières des étudiants dans les universités nationales du Bénin.
Un premier faux pas de l’homme de droit en politique qui a semblé ouvrir le boulevard à ce que certains universitaires béninois ont qualifié de déboires politiques du très respecté professeur. Ainsi, Joseph Djogbénou a été nombre de fois coupable de la violation des dispositions de la loi fondamentale béninoise. Son activisme politique au sein du gouvernement, qui n’a eu aucun égard aux plusieurs décisions rendues par la Cour constitutionnelle avait laissé croire à l’opinion publique béninoise que le Professeur Joseph Djogbénou était plutôt au service de son client devenu président que de la République.
La Cour constitutionnelle, une échappatoire !
Parfois accusé d’instrumentaliser la justice béninois au profit du pouvoir Talon et souvent critiqué, vertement, par certains de ses anciens étudiants et collègues universitaires, le Professeur Djogbénou serait devenu la risée du régime Talon. Désigné membre de la future Cour constitutionnelle du Bénin par l’Assemblée nationale et non par le chef de l’Etat conformément aux dispositions de la loi, Joseph Djogbénou semble avoir orchestré, de connivence avec Adrien Houngbédji et certains acteurs de la classe politique béninoise, un coup de force pour sortir du joug du pouvoir de son ami et ancien client.
[su_heading size= »17″]A lire aussi : Bénin : Joseph Djogbénou ou la risée du « Nouveau Départ » ?[/su_heading]
« Les membres de la Cour constitutionnelle sont inamovibles pendant la durée de leur mandat (05 ans – ndlr). Ils ne peuvent être poursuivis ou arrêtés sans l’autorisation de la Cour constitutionnelle et du Bureau de la Cour suprême siégeant en session conjointe, sauf les cas de flagrant délit (…) Les fonctions de membres de la Cour Constitutionnelle sont incompatibles avec la qualité de ministre de la république, l’exercice de tout mandat électif, de tout emploi public, civil ou militaire, et de toute autre activité professionnelle », dispose l’article 115 de la Constitution béninoise.
Joseph Djogbénou va donc devoir quitter ses fonctions du ministre du gouvernement Talon, pour une fonction aux exigences professionnelles certaines, une fonction où l’activisme politique n’a pas droit de cité, une fonction où le pouvoir politique à moins d’influence, une fonction où il sera imperturbable dans l’exercice. Probable président de la prochaine Cour constitutionnelle, Joseph Djogbénou aura-t-il donc 5 années pour se refaire une nouvelle image professionnelle, reconquérir l’estime et le respecter par ses paires, à force de dire le droit conformément aux dispositions de la loi fondamentale béninoise ? On le saura très vite.
3 comments