Bénin – Assemblée nationale: les députés s’embrouillent autour de deux budgets

Réunis ce jeudi 20 septembre 2018 au Palais des gouverneurs à Porto-Novo pour la troisième fois, les députés de la 7e législature n’ont pu voter leur budget au titre de 2019. Entre les 27 milliards de FCFA prévus par les questeurs pour ce budget de transition, et les observations du ministre des finances, les honorables n’ont pu trouver un terrain d’ententeUne situation qui suscite la colère de certains députés du BMP et contraint Me Adrien Houngbédji à ajourner son adoption.

« On va suspendre la séance. Je ne sais pas quel budget on va voter maintenant. Il y a le budget présenté par le 1er questeur. Il y a les observations de la commission des finances et il y a toutes les interventions de ce matin…. Je vais reporter la séance.. « . C’est ainsi que la première personnalité de l’Assemblée nationale du Bénin a fini par régler l’imbroglio autour du vote du budget de l’institution.

Tout est parti du projet de budget de l’Assemblée nationale exercice 2019 présenté à la plénière par le premier questeur, Valentin Aditi Houdé. Ce projet est d’un montant de 27 987 186 403 F Cfa contre 14 056 442 591 F Cfa pour les prévisions budgétaires de l’année 2018 en cours d’exécution, soit une hausse de 99,11%. Valentin Aditi Houdé a donné, avec force détail, les grandes masses de ce projet de budget dont la hausse se justifie surtout par les dépenses non récurrentes liées à l’année de transition que constitue 2019 qui sera marquée, le 15 mai prochain, par la fin de la septième législature et l’installation d’une autre.
A la suite de la présentation faite par le premier questeur qui a élaboré ce projet de budget avec les autres membres du bureau de l’Assemblée nationale et l’appui de certains cadres techniques de l’institution parlementaire, le président Adrien Houngbédji a invité, conformément à la procédure parlementaire, le president de la Commission chargée des finances, Raphaël Akotègnon à donner son avis sur le document présenté.

Mais paradoxalement, Raphaël Akotègnon n’est pas allé par quatre chemins pour désapprouver le projet de budget présenté. Il a trouvé exagéré le montant qui passe du simple au double et hors de toutes les normes en matière de finances publiques. L’élu du Bloc de la majorité parlementaire (Bmp) auquel appartient également le premier questeur, a partagé avec la plénière la position de sa commission qui a étudié le budget. Il a expliqué que l’avant-projet de projet qui a été soumis, dans un premier temps, à l’appréciation des membres de sa commission portait sur un montant de 30 995 906 403 F Cfa.

D’où la commission a-t-elle recommandé aux questeurs la réduction de façon substantielle de ce projet de budget. Cependant, le projet est passé de 30 995 906 403 F Cfa à 27 987 186 403 F Cfa. La commission, n’étant pas d’accord avec ce montant, a invité la plénière à faire des amendements pour réduire de façon substantielle ce budget.

La situation a suscité un débat houleux au Parlement où le premier questeur s’est retrouvé pratiquement seul contre tous ses collègues qui ont trouvé exagéré ce projet de budget de 27 987 186 403 F Cfa, fût-il de transition. Les intervenants, dont Barthélemy Kassa, Edmond Zinsou, Bonaventure Natondé Aké et autres, appellent au respect de la lettre de cadrage du ministère de l’Economie et des Finances qui recommande l’austérité budgétaire en 2019. Les questions, de prime de sevrage des députés qui ne seront pas réélus, les frais d’installation des députés de la 8e législature et autres charges non récurrentes, ne peuvent, selon eux, justifier cette hausse vertigineuse, expliquent-ils. « En tant que représentants du peuple, nous devrons également apprendre à serrer les ceintures avant de l’exiger des populations », observe Edmond Zinsou qui a été soutenu par son collègue Orden Alladatin.

Selon ce dernier, le Parlement ne peut pas vivre en vase clos sans tenir compte du contexte social et économique du pays. Et à Bonaventure Natondé Aké d’enfoncer le clou. Il assène que l’autonomie financière et de gestion dont jouit l’Assemblée nationale n’est pas synonyme d’indépendance financière où l’institution peut se lever et élaborer le budget selon ses caprices. Bonaventure Natondé Aké invite au dialogue et à une certaine complicité entre l’Assemblée nationale et le gouvernement pour retenir un budget consensuel.

Face à cette situation qui perturbe leur intérêt, des voix se sont levées même dans le camp de la majorité parlementaire abonné à faire passer tout dossier venant du gouvernement pour déplorer cette insulte à l’institution parlementaire.

Il importe de rappeler que cette situation s’était déjà produite l’année passée où le gouvernement au mépris des dispositions constitutionnelles à réaliser en lieu et place des parlementaires leur budget qu’il leur a soumis et qu’ils ont voté presque à l’unanimité.

Faut-il le rappeler, la procédure en la matière, c’est à la commission des finances de l’assemblée nationale qu’il revient d’élaborer le budget de l’institution. Une fois ce budget élaboré, il l’adresse au gouvernement qui l’intègre dans le projet de budget général. Cette procédure est foulée depuis un moment aux pieds et le gouvernement sans même attendre le projet de budget de l’assemblée nationale adopte le budget général de l’Etat; ce qui signifie en terme claire qu’il fait le budget de l’assemblée nationale sans même se référer aux parlementaires. Une situation qui conforte ceux qui pensent que l’assemblée nationale sous Me Adrien Houngbédji est vassalisée.

Seulement, cette fois-ci, certains députés du bloc de la majorité parlementaire sont fatigués de continuer à boire le calice. Il ont haussé le ton exigeant le respect de l’institution de contre pouvoir. La Colère est partie du vice président Eric Houndété qui déplore le niveau de décrépitude avancée dans lequel l’institution parlementaire est poussé pour des raisons inavoués. » La démocratie de notre pays a besoin d’être protégée à travers le respect de l’Assemblée Nationale. Il faut arrêter ce cinéma…Notre Assemblée a coulé. Notre Assemblée a perdu la face. Le contrôle parlementaire est en chute libre«  déplore t-il.

Le premier questeur Valentin Houdé a également laissé libre cours à sa colère. « Si je suis de la mouvance, je ne dois pas défendre aveuglément ce qui n’est pas à défendre » s’insurge t-il, taclant ainsi ses collègues députés mouvanciers qui acceptent subir un budget que « leur impose le gouvernement de la rupture » alors qu’il s’agit du budget de l’institution qu’ils représentent. Il demande au gouvernement d’arrêter de demander au peuple de serrer la ceinture.  « Je le dis. Si ça va me coûter quelque chose, que ça me coûte », ajoute-t-il.

Face aux débats et l’indignation de certains députés comme le secrétaire exécutif du parti des forces cauris pour un Bénin émergent –FCBE), Valentin Djènontin affirme qu’il ne les accompagnera pas cette fois-ci dans cette manœuvre. Pour lui, c’est là une preuve palpable que l’assemblée nationale est vassalisée.

Face à la situation confuse, le Me Adrien Houngbédji n’a eu d’autre formule que de suspendre la séance et d’ajourner le vote du budget de l’assemblée nationale.

2 comments

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Mahu-whenmi Emile

Aujourd’hui les masques sont tombés. C’est pitoyable ce cinéma auquel se livrent les députés du BMP. C’est bien fait pour eux. N’est-ce pas eux qui voté comme une lettre à la poste les loi liberticide du régime pour faire souffrir le peuple qu’il disent représenter. Cette législature est tombée très bas. C’est normal que le régime en place marche sur l’institution parlementaire qui est sacrée. Ce ras-le-bol est venu trop tard car la colère contre eux ne faiblira pas.
Quelles que soient ce qu’ils mettront en place comme stratégies avec les 2 blocs pour aller aux élections législatives, Patrice TALON n’aura pas la majorité de députés pour faire réviser la constitution. ICI C’EST LE BENIN

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Kpotongbe

Que la lumière soit faite sur ce dossier afin que nous comprenions ce qui se passe réellement. On soutient tous le gouvernement pour son audace, sa rigueur, et la lutte contre la corruption dans laquelle il s’est engagé mais pas une raison pour marcher sur cette assemblé et les faire voté des trucs histoire de trompé leurs vigilance.