Bénin – regroupement politique: comment le piège s’est refermé sur Koupaki et Bio Tchane

Suite à la volonté du Président de la République de voir ses soutiens se réunir en deux grands partis en vu des élections législatives prochaines, les Ministres Pascal Koupaki et Bio Tchane ont dû se plier à la volonté du Chef en rejoignant respectivement le Bloc Progressiste et le Bloc Républicain. Un terrible désaveux pour deux personnalités politiques majeures du pays obligés de batailler pour pouvoir positionner leurs soutiens. Comment en sont ils arrivés là? Est ce la fin de leurs ambitions politiques? Décryptage…

Le Cas du Ministre ABT

À la sortie des élections Présidentielles de 2016, le Candidat Abdoulaye Bio Tchane semblait être un des grands vainqueurs de ce scrutin. Bien qu’ayant terminé seulement quatrième avec 8% de voix, le Ministre s’est imposé comme un leader crédible du Nord Bénin, arrivant en tête dans les deux grandes villes du Nordà savoir Djougou et Parakou. Cette nouvelle légitimité lui permettra d’être désigné Ministre d’État et de devenir ainsi la deuxième personnalité de l’État. Dans les coulisses les membres de l’Alliance ABT exprimaient leur satisfaction d’être « au pouvoir », certains rêvant de certains postes prestigieux grâce au parrainage de leur Leader.

Et pourtant, deux ans après, les voilà contraint de former un grand regroupement avec le PRD. Ils n’ont pas pu donner suffisamment de gage au Président Talon que leur Alliance serait capable de ratisser large au niveau national. Ou alors est ce plutôt une prudence prise par le Président Talon qui a préféré tuer dans l’œuf les ambitions Présidentielles de son Ministre?

Peut importe la raison, le sentiment qui domine est que les leaders du mouvement ABT n’ont pas réussi à étendre leur influence au niveau national. Le fait de devoir aujourd’hui s’unir avec le PRD semble être un aveux d’impuissance pour le Ministre d’État qui risque de voir enterré ses ambitions Présidentielles. C’est probablement cette situation qui motive la réticence de certains militants de l’Alliance ABT à rejoindre un grand rassemblement. « On a le sentiment d’avoir été piégé, nous représentions 8% de l’électorat et nous pensions qu’avec le nouveau statut du Président Abt, nous pourrions frapper très fort aux législatives avec des députés dans le Borgou, la Donga, l’Atacora et même à Cotonou.« , nous confie un militant de l’Alliance ABT basé à Parakou. Pour ce dernier, » Au lieu d’avancer, nous reculons et le leadership de notre Président sera contesté par le Président Houngbedji. Notre travail politique ne sera donc pas récompensé à la hauteur de nos espoirs« .

Mais au delà des soucis de leadership, les militants ABT ont également peur de subir les effets négatifs d’une alliance avec le PRD. En effet en 2011, les FCBE ont écrasé ABT car il était soupçonné de faire le jeu du PRD. Le voir s’allier au PRD 7 ans plus tard pourrait faire très mal auprès d’une population qui est allergique au vote PRD. Car même si les FCBE et le PRD ont soutenu le même candidat en 2016, Lionel Zinsou était le choix des FCBE et non celui du PRD. Il est très périlleux pour l’Alliance ABT d’aller demander à ses électeurs de voter pour un parti ayant pour logo l’arc en ciel du PRD. La situation est donc délicate pour le parti du Ministre d’État.

Le cas de Pascal Koupaki

La blague la plus répandue dans les rues de Cotonou est celle de la démission de Koupaki … Koupaki le mécanicien, pas Koupaki Pascal le Ministre… Si cette blague circule, c’est qu’il est étonnant pour les béninois souvent moqueurs de voir que l’ancien Premier Ministre est toujours en poste au Palais. Personne ne comprend réellement le rôle que joue Koupaki au sein du système Talon ni même sa position politique.

Après avoir pourtant fait une excellente campagne présidentielle en 2016 avec 5% des voix recueillis, l’ancien Premier Ministre a sombré dans l’oubli au fil des mois. Il est réapparu il y a quelques semaines pour positionner son mouvement dans le bloc Progressiste soutenant le Président Talon. Dans ce bloc déjà très fourni en leader politique tel que Amoussou Bruno, il est évident que Pik ne pourra rien espérer de plus qu’un positionnement.

Quelle déchéance pour un homme promit à un destin brillant grâce au concept de la « Nouvelle Conscience ». Pascal Irené Koupaki s’est fait « avaler » par la machine Talon avec laquelle il partage le même électorat. Pourquoi soutenir un Ministre sans poste quand on peut soutenir le Président de la République? Cette question a probablement coûté à Koupaki toutes ses ambitions politiques alors qu’il n’a pas réussi à faire émerger des cadres au sein de l’administration Talon.

C’est ainsi que deux personnalités représentant 13% de l’électorat béninois se retrouvent pris au piège dans des regroupements qu’ils ne dirigent pas. Désormais sans partis, sans soutiens majeurs et sans leadership, Abdoulaye Bio Tchane et Pascal Koupaki ont probablement mis un terme à leurs ambitions Présidentielles alors que 2021 était leur dernière chance vu leur âge.