Bénin: pourquoi l’article 242 du code électoral suscite crainte et polémique

Au nombre des 392 articles repartis en 7 livres, l’article 242 du code électoral suscite craintes et polémiques aussi bien dans le rang de l’opinion que dans les états-majors des partis politiques.  Des démarches menées à l’endroit du législateur pour obtenir plus de clarté ont été vaines. Même l’opposition n’a pas été satisfaite après  sa rencontre avec le Président de la Cour constitutionnelle, tellement l’article 242 contient des nœuds que le citoyen lambda ne peut déceler.

En effet, l’article 242 du code électoral stipule que : l’attribution des sièges aux différentes listes en présences s’effectue selon le système du quotient électoral. Le nombre de suffrages valablement exprimés est divisé par le nombre de sièges à pourvoir pour obtenir le quotient électoral de la circonscription électorale. Le nombre de voix obtenues par chaque liste est divisé par ce quotient électoral et le résultat donne le nombre de sièges à attribuer à la liste. Les sièges restants sont attribués selon la règle de la plus forte moyenne.

Seules les listes, ayant recueilli au moins 10% des suffrages valablement exprimés au plan national, se voient attribuer des sièges sans que le nombre de listes éligibles ne soit inférieur à quatre (04).Toutefois, si le nombre de listes en compétition est inférieur à quatre (04), toutes les listes sont éligibles à l’attribution de sièges. Un article assez complexe qui contraint à faire recours aux spécialistes des questions électorales ou de droit surtout que le législateur esquive le sujet. Voici les explications détaillées du Juriste Landry Angelo ADELAKOUN

 Les implications de l’apparition du principe de 10%

Il ressort de la question des 10% des suffrages valablement exprimés au plan national pour l’attribution des sièges un principe (A) et en même temps des pondérations au principe (B).

A- Les implications du principe

Après avoir rappelé le mode de calcul du quotient électoral, le législateur béninois de 2018 a tenu à préciser que « seules les listes, ayant recueilli au moins 10% des suffrages valablement exprimés au plan national, se voient attribuer des sièges sans que le nombre de listes éligibles ne soit inférieur à quatre (04) ». De la lecture de cet alinéa, il ressort quelques conclusions.

La première conclusion, c’est que pour espérer se voir attribuer un siège dans une quelconque circonscription électorale désormais, il faudra préalablement que la liste ait obtenu au moins 10% des suffrages valablement exprimés au plan national. C’est cela le sens de « éligibles » utilisé par le législateur. Ainsi, sont « éligibles » les listes qui ont ces 10%. Une liste qui n’a pas pu avoir ce pourcentage n’est donc pas éligible.

La deuxième conclusion, c’est que le législateur béninois vient préciser implicitement le minimum de partis politiques qui devront se retrouver à l’Assemblée nationale. Au minimum, il y aura donc (4) partis politiques à l’Assemblée. Il peut en avoir plus, mais le législateur a sûrement, en raison de l’application des 10%, anticipé sur les risques d’une Assemblée nationale à parti unique au cas où les conditions seraient remplies pour l’application du principe.

La troisième conclusion, c’est que ce principe des 10% n’est applicable que lorsqu’au moins quatre (04) partis politiques ont pu obtenir chacun 10% des suffrages au plan national.

Si par exemple un parti politique avec son score dans une circonscription arrivait à prendre tous les sièges dans une circonscription électorale en considération de l’article 356 de l’ancien code, ce parti ne pourra les prendre réellement aujourd’hui  en application de cette disposition que s’il fait partie des quatre (04) partis politiques au moins qui ont pu chacun obtenir 10%. Les sièges ainsi perdus reviendront de droit au parti d’en face qui n’a pas pu faire un bon score dans la circonscription, mais dont le parti a pu obtenir les 10%. Autrement dit, avant d’aller dans chaque circonscription, il sera d’abord vérifié les 10% de suffrages exprimés valablement au plan national. Ce principe qui peut est source de frustrations souffre de quelques pondérations.

B- Les pondérations au principe

La deuxième conséquence tirée du principe de 10% de suffrages exprimés au plan national est confirmée dans le bémol que le législateur  en apporté dans le même alinéa afin de permettre une Assemblée nationale où quatre (4) partis politiques au moins pourront cohabiter. En posant la règle de quatre(04) listes au moins, le législateur a laissé transparaître sa volonté. C’est sûrement pour cela que pour se faire plus clair, il a ajouté que « toutefois, si le nombre de listes en compétition est inférieur à quatre (04), toutes les listes sont éligibles à l’attribution de sièges.». Les listes en « compétition » dont il s’agit sont celles qui ont pu obtenir 10% de suffrages exprimés. Il ne s’agit pas de toutes les listes qui prennent part à l’élection. Il s’agit plutôt des listes qui sont en « compétition » pour l’attribution des sièges. Or, pour être en compétition pour l’attribution des sièges, il faut avoir 10% de suffrages valablement exprimés.

A partir du moment où l’esprit de cette disposition est bien compris, il est évident que dans le cas où seuls trois (03) listes ont pu obtenir chacune 10%, le principe ne pourra pas être appliqué, mais ces listes seront retenues et une autre liste sera repêchée en fonction de son rang d’arrivée au plan national. La même méthode sera observée quand ce sera une ou deux listes qui ont pu chacune avoir 10%. Cette stratégie s’inscrit dans le cadre de la volonté implicite du législateur d’avoir au moins quatre partis politiques à l’Assemblée nationale. C’est seulement au cas où aucune liste n’a les 10%, toutes les listes ayant pris part à l’élection seront éligibles à l’attribution des sièges comme c’était le cas sous la loi n° 2013-06 portant code électoral en République du Bénin.

En somme, le législateur béninois de 2018, a, sur cette disposition manqué de précision et de clarté, choses qui doivent, selon Portalis caractériser toute action législative. Dans le même sens que Portalis, Victor Hugo mettait déjà en garde le législateur quand il invitait déjà le législateur en votant la loi à ne pas perdre de vue ce que le juge pourrait en faire. En agissant tel qu’il l’a fait, le législateur béninois a créé un flou. Or, il est malheureusement établi que le flou de la loi profite aux loups. Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup. La CENA a sûrement sa compréhension. Il est à espérer que sa compréhension rencontre celle-ci qui doit être également celle du juge du contentieux des élections présidentielles et législatives : le juge constitutionnel. Le juge est le dernier à avoir le pouvoir d’interprétation après le Parlement et les différentes institutions ou organismes de l’Etat.

1 commentaire

comments user
Amelagbe

Le flou de la loi electoral est cree a dessein par des ruses enrages dont le seul but est de verrouiller toutes les institutions de l’etat…
Quand on sait qui sera le juge charge d’arbitrer les inévitables conflits genres par une loi floue a dessein, on comprend la portée du complot contre la démocratie qui se trame… et se met en place