Covid-19 au Bénin : les détenus, les grands oubliés

Le décongestionnement des maisons d’arrêts et de détention est une évidence en ce moment où la crise sanitaire fait ravage. Alors que plusieurs pays du continent ont dépeuplé les prisons en raison de la propagation de la pandémie du coronavirus 2019, le Bénin fait figure d’exception et attend malheureusement la première contamination pour parer au plus pressé.

Les mesures et dispositions du gouvernement béninois à l’effet de stabiliser la propagation de la pandémie actuelle n’ébranlent guère la menace. Le Covid-19 progresse et prend des proportions inquiétantes sous le regard impuissant des dirigeants. Officiellement, 35 cas d’infections au Covid-19 ont été enregistrés à la date du 10 avril.

Au regard de la propagation à nulle autre pareille du virus mortel sur la planète, la Haut-Commissaire aux droits de l’Homme des Nations Unies, Michelle Bachelet a appelé mercredi 25 mars à la libération urgente de détenus à travers le monde pour éviter que le virus ne fasse des « ravages » dans les prisons. La Haut-Commissaire exhorte « les gouvernements et les autorités compétentes à travailler rapidement pour réduire le nombre de personnes en détention », en libérant par exemple « les détenus les plus âgés et ceux malades, ainsi que les délinquants présentant un risque faible ».

Un appel pressant qui n’est pas tombé dans les oreilles de sourd. Plusieurs pays du continent ont gracié des détenus en vue d’éviter une situation catastrophique dans les prisons. Le Sénégal a mis en liberté environ 2 000 prisonniers, le Maroc, 5 654 détenus, le Niger 1 540, la Côte d’Ivoire près de 2 000. En République Démocratique du Congo, près de 1 200 prisonniers ont été libérés du Centre pénitentiaire de Kinshasa à Makala, en Ethiopie 4 000 prisonniers ont recouvré la liberté par crainte d’une éventuelle contamination au coronavirus. Le Nigéria, l’Algérie et bien d’autres pays ne sont pas restés lettre morte. Sous nos cieux, les tenants du pouvoir observent et caressent le mal dans le sens du poil en dehors de l’interdiction des visites aux détenus.

 Manque de sens d’anticipation

Au Bénin, les mesures sont prises au gré de l’évolution de la pandémie sur le territoire national. Il a fallu qu’un élève de 18 ans soit testé positif au coronavirus pour que le gouvernement décide de mettre les apprenants en congés anticipés pour la fête de Pâques. Il avait ignoré ou feigne d’ignorer que par les enfants, le covid-19 peut devenir un cheval de Troie dans les familles et dans la société.

L’autre chose, c’est près de deux mois plus tard, après le premier cas confirmé au Bénin, que le gouvernement a fait obligation aux populations du port de masque de protection à partir du mercredi 08 avril dernier. Et justement parce que le pays a enregistré son premier décès le 05 avril. Sans quoi, on serait toujours en train de circuler en observant que les gestes barrières et autres dispositions dont l’efficacité est constamment remise en cause par des observateurs sanitaires et autres spécialistes.

Parfois, on est tenté de dire que le gouvernement ne prend pas encore la pleine mesure de la menace. Sinon, qu’est-ce qui bloque la libération des prisonniers suivant des critères judicieusement définis ? Le Niger par exemple a gracié 1 540 détenus pour désengorger les maisons d’arrêt en tenant  compte de plusieurs critères, tels que l’âge, la durée de la peine ou l’état de santé. La décision présidentielle a même fait libérer un opposant historique au pouvoir, Hama Amadou. Le gouvernement ghanéen quant à lui a accordé une amnistie à 808 détenus, pour la plupart condamnés pour la première fois.

Le Bénin devra également y penser pour sauver la vie de ses enfants puisqu’il est quasi-impossible dans les prisons de respecter les mesures édictées. Il y va de l’intérêt général.