« Propos sortis de leur contexte », la nouvelle expression qui « révèle » le Bénin

Pour ne pas assumer leurs propos, après les avoir tenus haut et fort, ceci devant même micros et caméras, certaines autorités béninoises ont découvert une « expression fétiche ». Un moyen pour renier la « vérité » cachée au fond de leur cœur, mais dévoilée par leur langue à leur insu.

au Bénin, des personnalités politiques révèlent la nation par un talon de fuite de responsabilité face aux conséquences de leurs dires. Des autorités de l’ère de la rupture ont trouvé une expression très simple pour cacher la révélation de l’expression de leur cœur. Il s’agit de l’expression fétiche « propos sortis de leur contexte », qui est un moyen pour ne pas assumer sa parole, devenue entre-temps une « bombe ».

Du Procureur au Directeur en passant par le Député !

Pour avoir relayé les propos du procureur lors d’une conférence organisée par Canal France international, le journaliste Ignace Sossou croupit en prison depuis le 24 décembre 2019. Le magistrat n’a pas démenti ses propos, mais il estime qu’ils ont été sortis de leur contexte. L’agence française CFI, chef d’orchestre de la condamnation du confrère, a également adressé une lettre au ministre béninois de la Justice pour s’excuser. « Ces phrases tronquées et sorties de leur contexte ne reflétaient pas la teneur des échanges tenus lors des débats », a déclaré le directeur Afrique de CFI.

En janvier dernier, le député Nazaire Sado avait condamné la cellule de communication de la mairie de Bohicon pour avoir sorti ses propos de leur contexte. L’élu du peuple avait estimé que ses propos avaient été déformés ou subi une manipulation. Et la réaction du service communication de la mairie ne s’était pas faite attendre. « Le service de la Communication de la Mairie de Bohicon s’étonne de cette réaction du député. Il rassure l’opinion publique que dans le documentaire en question, les propos du député n’ont fait l’objet d’aucune manipulation et n’ont guère été sortis de leur contexte », avait répondu l’équipe de Luc Atrokpo.

Mercredi 22 avril 2020, c’est le tour du Directeur général de la société générale des marchés autonomes (Sogéma), Armand Gansè, qui est incriminé pour des propos désobligeants, d’une extrême gravité, tenus contre une ethnie du pays. Le prétendant à la Mairie de Bohicon, comme ses prédécesseurs talentueux, a estimé que ses propos sont sortis de leur contexte. A l’en croire, cette vidéo dans laquelle il a tenu ces propos, date d’une période antérieure à la période électorale actuelle. « Il n’y a pas d’homme parfait; et c’est de nos imperfections des temps passés, que surfent les adversaires du moment », va-t-il reconnaître.

Et si nos autorités assumaient leurs propos !

Cela parait anodin, mais ces actes sont révélateurs d’un profond mal-être de ces autorités publiques qui expriment leur état d’âme à un moment donné, mais ne sont plus capable d’en assumer toute la responsabilité. C’est également révélateur du climat socio-politique dans le pays où les autorités politico-administratives font des déclarations, uniquement pour assouvir leur intérêt partisan, tout en mettant en péril la cohésion nationale. D’autres par contre, remettent en cause leurs dires du passé, pourtant « une vérité indéniable », tout simplement parce qu’ils ont changé de bord politique.

Cette expression fétiche « propos sortis de leur contexte » est malheureusement devenue, au Bénin, une panacée pour « sauver les meubles ». Des personnalités qui dirigent, ou aspirent diriger, qui se révèlent par un talon de fuite de responsabilité face aux conséquences de leurs dires, de leur « bombe ». Et si l’autorité ne maîtrise pas tous les contours de sa pensée, pourquoi ne pas garder sa langue en bribe ?

Comme le dit un proverbes fon, « E nɔ da hun bɔ gbe tɔn nɔ vɛ se a » qui peut se traduire par [On ne peut inviter un tam-tam, et sa voix sera pénible à entendre].