Bénin : les promesses médias de Patrice Talon, 4 ans après

Micro radio

Le candidat Patrice Talon s’engageait, dans son projet de société, à réformer le secteur médias du Bénin pour plus de dynamisme et de productivité. Investi en avril 2016 après sa brillante élection, le Président Patrice Talon peine, à quelques mois de la fin son mandat quinquennal, à réaliser ses promesses et la presse s’enlise davantage chaque jour.

« Une fois élu Président de la République, je procéderai à l’amendement, dans le cadre des réformes politiques, de la loi organique de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC) de sorte à y réduire l’influence politique et à limiter son pouvoir exorbitant ». Ainsi l’avait clairement formulé, dans son projet de société, le candidat Patrice Talon en 2016.

Aussi, lit-on, dans le même projet de société concernant les médias, qu’il va « assurer la liberté et l’accès libre et équitable de tous aux organes publics de presse, procéder à la libéralisation effective des fréquences radio et télévision et défiscaliser des activités de presse » entre autre.

La HAAC, une institution toujours politisée

En mai 2016, le tout nouveau Président de la République, Patrice Talon a mis en place une commission en charge des réformes constitutionnelle et institutionnelles. Présidée par Joseph Djogbénou, actuel président de la Cour constitutionnelle, la commission avait abondé dans le même sens que le candidat Talon. Mais à l’arrivée, les recommandations contenues dans le rapport de la commission concernant la HAAC n’ont pas été prises en charge lors de la révision de la constitution en novembre 2019.

Dans cette Constitution révisée, l’article 56 précise que le président de la HAAC est toujours désigné par le Président de la République. Alors que la promesse du candidat était que l’institution devrait être dirigée par les professionnels des médias pour plus de professionnalisme dans le traitement et le suivi de l’information dans le pays.

Suivant les dispositions de la loi organique de la HAAC, six (6) places sont réservées aux hommes politiques qui devraient désigner leurs représentants.

Les trois (3) autres places reviennent aux professionnels des médias qui les élisent en leur sein. Et c’est cette disposition qui dérange et que le candidat Talon avait presque « juré » de changer. Mais hélas.

Cette configuration de l’institution la rend plus politique. La voix des trois professionnels élus du domaine se noie si facilement dans le flot des représentants des politiques désignés. « J’apporterai un souffle nouveau un dynamisme nouveau si vous m’accordez vos suffrages. Les choses changeront et doivent changer sous notre mandature. Nous y engageons », avait fièrement promis le candidat Franck Kpochemè, précédemment président de l’Union des professionnels des médias du Bénin (UPMB). Mais une fois élu conseiller à la HAAC, sa voix est, depuis, inaudible et les récentes décisions prouvent, une fois encore, que le pouvoir politique y règne toujours en maître.

Dans une étude méthodologique coordonnée par WANEP-Bénin, cette Organisation de la société civile conclut que cette promesse du désormais Président Talon pourrait ne pas être réalisée avant son quinquennat qu’il en veut unique.

La liberté de presse, la grande dégringolade

Le journaliste d’investigation exerçant au sein de l’organe en ligne Bénin Web Tv a été accusé, jugé et condamné à 12 mois de prison dont 6 mois fermes et 6 en sursis et une amende de 500 mille francs CFA par la justice béninoise. Son péché, c’est d’avoir fait trois tweets avec des extraits des propos du procureur de la République.

Casimir Kpéidjo, journaliste et directeur de publication du quotidien « Nouvelle économie » a été gardé à vue pendant quelques jours. Relâché, il continue de trainer devant le juge de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) en attente du jugement. Un conditionnement de sa liberté d’exercer puisque constamment hanté par cette affaire qui, suivant son avocat, n’en est rien puisqu’entrant dans l’exercice de sa profession.

La radio Soleil FM n’émet plus depuis décembre 2019 pour faute de non renouvellement de sa fréquence par la HAAC. Une décision qui intervient après plus de 2 ans de brouille de la fréquence de cette même radio dans certaines zones de la partie méridionale du Bénin. Les employés sont collectivement licenciés et sont privés de leur profession.

Aussi, devrions-nous rappeler la suspension de parution du quotidien « La nouvelle tribune », l’interdiction de diffusion sur le sol béninois de la fréquence de la télévision Sikka TV, le retrait de la carte de presse du journaliste Benoît Mètonou, directeur de publication du quotidien « Point média », le difficile accès des acteurs politiques de l’opposition aux chaînes de service public pour ne citer que ces cas.

Selon le rapport du Reporter sans frontière (RSF), le Bénin passe de 83ème, rang mondial en 2015 à 113ème en 2020. « Cette descente aux enfers prouve que la presse se meurt au Bénin », a déploré Bonaventure Boko, observateur politique et consommateur des services médias.

Une dégringolade qui ne devrait pas être le cas puisque le candidat Patrice Talon, devenu Président de la République avait promis « d’assurer convenablement la liberté de presse dans le pays ».

Cette promesse qui devrait permettre aux professionnels des médias de travailler sereinement, loin des menaces, intimidations, assignation de même que des descentes des forces de sécurité ou des agents de renseignement dans des organes de presse n’a pu se tenir et la situation ne fait que s’aggraver.

Dans le document intitulé « des promesses du candidat aux actes du Président » réalisé par la plateforme électorale des Organisations de la société civile (OSC) du Bénin et coordonné par WANEP-Bénin, il y est écrit qu’à quelques mois « de la fin du mandat du Président Patrice Talon, il est difficile de dire que les promesses du candidat vont connaître une fin heureuse dans le secteur des médias ».

2 comments

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Claude

Déjà que Beninwebtv ne fait pas bien son travail. Vous avez eu un trou de mémoire dans votre analyse. Dans sa première proposition de révision que vous aviez tous combattu. Il y avait quoi pour la presse?

Secondo, la révision de 2019 n’était pas dans le meme contexte et il n’avait pas tiré le droit de son côté. Maintenant, vous lui faites ce procès ?

L presse béninoise ne fait pas preuve de lucidité mais écoute plus son ventre.

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George

Nous avons une presse amateur au bénin se comportant comme des rats d’égout, à leur enrichissement individuel. Très peu , voir pas de journalisme d’investigation, objectif pour éclairer la population mais les embrouiller politiquement