Sébastien Ajavon: « J’ai choisi d’aller du côté de Talon parce que je ne le connaissais pas assez…»
L’opérateur économique Sébastien Ajavon était, ce jeudi 18 octobre 2018, l’invité Afrique de la Radio France Internationale (RFI). Au menu, les raisons de son absence à la convocation de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme(Criet) pour ce jour à Porto-Novo dans l’affaire dite de 18 kg de Cocaïne. Il est également revenu sur les motifs de son soutien à l’actuel Président de la République, Patrice Talon en 2016.
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Monsieur Sébastien Ajavon, est-ce que vous allez répondre ce jeudi matin à la convocation de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) ?
Je vous remercie de m’avoir donné cette opportunité pour expliquer au peuple béninois et à la Communauté Internationale les raisons pour lesquelles je ne me rendrai pas en personne à l’audience de la Criet.
Pour quelles raisons ?
Je suis totalement innocent. Des faits qui me sont reprochés dans le cadre de l’affaire d’une prétendue saisie de 18 kg de cocaïne puisqu’il semble que ce soit pour ces faits que je suis à nouveau renvoyé devant la justice. Il s’agit d’un coup monté. Les scellés du container ont été brisés et remplacés à l’insu de la Société Comon SA avant la prétendue découverte de cocaïne. La Société Comon SA pour laquelle j’étais le dirigeant n’a eu aucune maîtrise du container. Je n’ai eu aucun accès au paquet saisi ni aux analyses pratiquées. Nous avons les preuves, les huissiers sont allés, les numéros décelés ne correspondaient pas du tout aux scellés qu’ils ont utilisé après pour refermer le container. Et ça, ça été prouvé et filmé. Donc, c’est comme ça que nous avons été relaxés par le Tribunal. En plus, j’ai donc été logiquement mis hors de cause, et moi et mes collaborateurs par le tribunal, le 04 novembre 2016. A la suite de cette décision, j’ai voulu faire la lumière sur l’origine des accusations dont j’ai été victime mais cela m’a été refusé par le gouvernement et le parquet. Alors, je constate que plus le soutien du peuple béninois en ma faveur grandit, plus les accusations et procédures se multiplient et s’aggravent à mon encontre.
Sébastien Ajavon, vous dites que c’est un coup monté mais est-ce que vous niez que la Gendarmerie maritime le 28 octobre 2016 a saisi sur le Port de Cotonou 18kg d’héroïne pure dans un container en provenance du Brésil et à destination de votre société Comon SA ?
Je n’ai jamais vu la marchandise dont il est question. La société Comon ne l’a jamais vu puisque les scellés des containers ont été brisés en l’absence de tout membre de la société. On a été présentés au Tribunal après une garde à vue de 8 jours et le tribunal nous a relaxés. Il n’y a pas eu d’appel puisque nous avons les attestations de non appel. De plus pour nous, c’est le moment de rechercher ceux qui ont mis cette poudre là, on ne sait pas si c’est de la poudre, on ne sait pas ce que c’est. Ceux qui l’ont mis dans un container, il faudrait qu’on puisse les rechercher.
Quand vous dites que les scellés ont été brisés en l’absence de tout membre de votre société, voulez-vous dire que la gendarmerie maritime a été complice d’une machination ?
Bien-sûr ! Après notre relaxe et après l’absence d’appel, nous avions demandé au tribunal qui a brisé les scellés? qui sait qu’il a mis le produit dedans? mais le gouvernement a bloqué la procédure.
Vous dites que vous avez été déjà jugés mais le Ministre béninois de la justice réplique qu’à partir du moment où le Ministère public a fait appel, le dossier n’est pas clos.
Il répondra un jour de ce qu’il a dit. Aujourd’hui, il est Ministre de la justice mais il est un citoyen ordinaire. Il sera jugé pour ses propos. Nous, nous avons les attestations de non appel. Ça veut dire qu’il n’y a jamais eu d’appel à l’endroit où on devait faire l’appel. S’ils sortent un autre appel maintenant, vous comprenez comment la justice est entrain de se passer au Bénin. Et puis si on dit que c’est le parquet général qui fait un appel, il faut bien que le parquet puisse enrôler. Ils ont mis presque deux ans, ils ne l’ont jamais enrôlé.
Alors vous ne reconnaissez pas la Criet, la compétence pour vous juger en appel mais le Président de cette Cour affirme que la loi portant création de la Criet stipule que les dossiers en cours relatifs notamment à la drogue doivent lui être transmis ?
C’est une cour d’exception. Une cour d’exception au Bénin, ça veut dire que nous n’avons plus de démocratie. On ne peut pas aller se présenter devant une Cour d’exception qui est aux ordres. C’est pas possible.
Donc pour vous, c’est une machination politique ?
C’est vraiment une machination politique.
En octobre 2016, vous n’étiez pas encore dans l’opposition puisque 6 mois plutôt, vous étiez arrivé 3ème au premier tour de la présidentielle. Et qu’au deuxième tour, vous aviez appelé à voter pour le futur vainqueur, Patrice Talon.
Exact. Vous savez comment ça se passe dans les pays africains. Si on devait parler de voix non validées, j’étais bien en avance sur les deux premiers candidats qui étaient là. Mais j’ai accepté, j’ai accompagné le Président Patrice Talon pour aider ma Nation. Mais puisque la Cour constitutionnelle avait décidé de me mettre en 3ème position avec 23% pendant qu’on donnait 24% à Monsieur Talon, il fallait que je puisse aller d’un côté. J’ai choisi d’aller du côté de Monsieur Talon parce que je ne le connaissais pas assez. Je ne savais pas qu’il pouvait se permettre de faire ce qu’il est entrain de faire aujourd’hui. Entre deux maux, il fallait choisir le moindre. Et c’est ce que j’ai fait. Mais je me suis trompé peut-être parce qu’aucun des deux ne m’avait devancé hein.
Vous regrettez d’avoir appelé à voter Talon ou quoi ?
J’aurais voulu être moi-même le Président et on aurait vu dans deux ans et demi déjà ce que j’aurais pu faire pour ce pays.
Simplement si vous étiez un allié politique du nouveau Président, pourquoi auriez-vous été la victime d’une machination politique ?
Eux, ils savaient bien que j’étais en avance. J’étais la personne à abattre. J’étais beaucoup plus populaire que tous les deux. Donc il fallait éliminer Sébastien Ajavon parce que c’est celui-là qui pouvait faire mieux que tous les candidats qu’il pourra avoir en face. Donc il fallait l’éliminer et même essayer de le liquider physiquement. A partir de ce moment, ils ont commencé par embrigader, embastiller la justice parce que ce qui faisait que j’étais resté à Cotonou jusqu’à ces derniers jours avant de faire mon voyage, c’est parce qu’ils n’arrivaient pas à embastiller la justice mais aujourd’hui, le Conseil Supérieur de la Magistrature est sous la tutelle du Chef de l’Etat, du gouvernement. Le Chef de l’Etat est dedans, son Ministre de la justice, son Ministre des finances, son Ministre du travail et ils nomment encore d’autres membres dedans pour phagocyter les magistrats. Ça veut dire que le gouvernement est majoritaire dans un Conseil Supérieur de la Magistrature.
Le Directeur de communication de la présidence dit que ce n’est pas parce vous avez décidé d’entrer en politique qu’il faut trouver de l’acharnement à la moindre action contre votre personne même les plus objectives.
Mais vous avez bien entendu ce Directeur de la communication qui dit qu’il n’y avait pas d’attestation de non appel et que c’était un faux. Et ça aussi, il répondra un jour de ça. On n’est pas dans un Etat d’exception pour avoir une cour d’exception. Les juges aujourd’hui ont peur de prendre une décision. Quand vous avez un problème avec le gouvernement, les juges disent, on ne veut pas prendre au risque d’être radiés. Nous en sommes là aujourd’hui.
Est-ce que le fait d’être un homme politique et d’être arrivé 3ème en 2016 vous dispense de toute enquête judiciaire ?
Pas du tout puisque nous nous étions présentés devant plusieurs tribunaux déjà, plusieurs juges pour des affaires montées. A partir du moment où nous savons que la justice est libre, nous ne craignons rien. Mais aujourd’hui, nous sommes face à une justice qui est embastillée. Le Conseil Supérieur de la Magistrature qui est l’organe de discipline des juges est dirigé par le chef de l’Etat.
Que répondez-vous à ceux qui disent que vous ne rentrez pas à Cotonou parce que vous avez peur d’affronter la justice de votre pays ?
Tout le monde sait que je n’ai jamais eu peur d’affronter la justice de votre pays tant qu’elle serait indépendante. A partir du moment où vous avez une justice embastillée, qu’est-ce que vous voulez aller dire là ? C’est une justice aux ordres et je ne peux pas mettre ma vie personnelle en danger. Et je souhaiterais qu’on laisse la justice indépendante.
Et si vous ne rentrez pas, ne craignez-vous pas un mandat d’arrêt international et une demande d’extradition à votre endroit?
Pas du tout puisque la loi m’autorise à me faire représenter par mes avocats et puis nous allons faire ce qu’il faut avec les avocats pour que la Communauté Internationale, les Institutions Internationales soient saisies des dérapages et de la dictature qui prévaut en ce moment au Bénin.
Serez-vous candidat en 2021 ?
L’heure qui suit ne nous appartient pas. On ne sait même pas si on pourra. Il y a tellement de dossiers qui sortent. 2021, c’est encore loin. Que Dieu nous prête vie. Dans tous les cas, nous avons fait une grave erreur d’avoir pris Monsieur Patrice Talon comme Président de la République. Je pense que le peuple avisera.
Transcris par BéninWebTV
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