Mathias Hounkpè: « Le Bénin se retrouve…dans une situation de ‘démocratie contrôlée' »

le Bénin, pour appeler les choses par leur nom, se retrouve, de façon délibérée ou non, littéralement dans une situation de « démocratie contrôlée ». Telle est la conclusion à laquelle a abouti le politologue Mathias Hounkpè qui a entamé depuis peu, une réflexion sur la gouvernance et le contexte politique actuels.

La situation que traverse le Bénin depuis quelques années préoccupe le politologue Mathias Hounkpè qui a entamé une réflexion sur la gouvernance actuelle du pays  afin de le situer par rapport aux idéologies politiques bien connues dans le monde. Dans ce second numéro de réflexion intitulé: « Soyons clair sur ce qui se passe au Bénin !« , l’administrateur du programme de gouvernance politique à Osiwa (Open Society Initiative for West Africa) a présenté selon sa lecture, la situation politique actuelle du Pays.  Après les législatives non inclusives qui ont produit une législature contrôlée à 100% par le chef de l’Etat, indique-t-il, le Bénin, pour appeler les choses par leur nom, « se retrouve, de façon délibérée ou non, littéralement dans une situation de « démocratie contrôlée ». Concrètement, ceci signifie que nous, les Béninois, sommes dans une situation où un groupe de citoyens contrôlent les leviers essentiels du pouvoir d’Etat . »

Si les élections législatives ont conduit à la crise, les solutions proposées pour une sortie de crise semblent insatisfaisantes pour le politologue. En effet, dans le but de rechercher des solutions à la crise découlant des législatives non inclusives d’avril 2019, rappelle-t-il, le chef de l’Etat a souhaité la tenue d’un dialogue politique. Mais, a-t-il déploré, seuls, les détenteurs du pouvoir ont décidé de quand organiser le dialogue, de qui inviter au dialogue, littéralement de l’ordre du jour, de la répartition des rôles entre certains acteurs-clés et, surtout, de l’exploitation à faire des recommandations.

Pour Mathias Hounkpè, cette démarche aussi non inclusive de la recherche de solution à la crise politique née des élections non inclusives et l’exploitation faite des recommandations, dont la révision de la Constitution n’est, au fond, pense-t-il , qu’une partie, semble viser essentiellement les préoccupations propres à la coalition au pouvoir. « Comprendre et être conscient de cet état de fait est extrêmement important parce que, pour paraphraser Milton Friedman, dans son livre sur la liberté : « Laissez tout le pouvoir dans les mains d’un même groupe, et la protection des libertés politiques ne dépendra que du bon vouloir de ceux qui sont au pouvoir »; ce que Friedman, du reste, considère comme « une protection très fragile étant donné le caractère corruptible de la politique … » affirme-t-il.

Cette tendance à contrôler tout l’appareil d’Etat, précise-t-il, n’est pas la spécificité du Bénin mais une dynamique qui menace toutes les jeunes démocraties en Afrique. « L’évolution vers le contrôle de la démocratie, voire la capture de l’Etat, est une menace qui plane au-dessus de toutes les démocraties à travers le monde, mais davantage au-dessus de nos jeunes démocraties. Tous les peuples qui ont consenti, et continuent de consentir, des sacrifices importants pour l’avènement de la démocratie doivent en tenir compte et tout faire pour le prévenir. Je pense, notamment, à nos frères du Burkina Faso, de la Guinée, du Soudan, de l’Algérie, de la Tunisie, de l’Egypte, de la République démocratique du Congo etc. » conclut-il.