Bénin – Coronavirus: le Pr Noudjènoumè adresse une lettre d’interpellation à Talon
La gestion de la pandémie de coronavirus n’est pas qu’une question du gouvernement, c’est un mal qui menace les béninois de toutes les couches sociales. Et c’est ce qui justifie la levée de boucliers de toute part pour interpeller le gouvernement et lui demander d’aller plus loin dans ses mesures. C’est dans ce cadre que le Pr Philippe Noudjèniumè adresse, au chef de l’Etat, une lettre d’interpellation face au menace qui guette le pays.
Face aux mesures gouvernementales de prévention contre la propagation du coronavirus, des mesures jugées insuffisantes par bon nombre de citoyens, le premier secrétaire exécutif national du parti communiste du Bénin, le professeur Philippe Noudjènoumè, interpelle le président de la République par une note. Dans sa lettre d’interpellation, l’universitaire s’insurge contre les mesures prises par le gouvernement dans le cadre de la prévention contre le covid-19.
Pour cet acteur politique de l’opposition, il n’est pas concevable de se particulariser et s’abonner à des mesures légères face à une pandémie qui fait trembler même les puissances de ce monde. Dans sa lettre en date du lundi 23 mars 2020, le professeur de droit constitutionnel ne s’explique pas pourquoi, avec les menaces actuelles, les écoles soient toujours ouvertes et les portes d’entrée dans le pays mises à dispositions de personnes venant de pays à risque. Lire ci-dessous l’intégralité de la lettre.
Lettre de Philippe Noudjènoumè Au Président Patrice Talon
Professeur Philippe NOUDJENOUME
Cotonou, le 23 mars 2020
Au Président Patrice Talon
Chef d’Etat, Chef de Gouvernement
Cotonou
Objet : INTERPELLATION
Monsieur le Président de la République
Je ne comprends pas !
Je m’adresse à vous en tant qu’Autorité Suprême, en Charge aujourd’hui de la destinée des femmes et des hommes de ce pays, le Bénin, notre chère Patrie. Je m’adresse à vous, en tant qu’homme tout court que je suis, en tant que citoyen menacé par un péril imminent. Devant le péril menaçant la vie des hommes, le principe qui me guide ainsi que toutes les Organisations que je représente, est l’union de tout le peuple devant le péril ; car la crise comme celle de « Coronavirus » n’est pas, dans ses ravages, une affaire de lutte de classes ; c’est-à-dire qu’elle frappe indistinctement riches comme pauvres.
Face à une telle menace sur la vie des hommes, ce qu’il faut, c’est la «solidarité et l’union de tous face au péril ». C’est par rapport à ces considérations que je m’adresse à vous.
Je m’adresse à vous pour dire que je ne comprends pas !
Que devant un mal universel qui sème la terreur dans le monde entier, et qui fait vaciller même les Etats les plus puissants de la planète, une « guerre sanitaire » appelée Coronavirus ou covid-19
Que tous les Etats du monde prennent des mesures d’urgence dont la moindre est l’interdiction de rassemblement des hommes, fermeture des écoles, lycées et universités, la fermeture des frontières et autres…
Que notre Gouvernement adopte des attitudes pour le moins curieuses et particularistes face au péril commun.
Plus précisément, je m’adresse à vous pour deux choses.
La première : Je ne comprends pas le refus de votre Gouvernement à ne pas fermer les établissements scolaires, universitaires et culturels comme le demandent tous les parents d’élèves, les élèves et étudiants eux-mêmes, les professeurs et les directeurs d’établissements ; alors que tous les pays voisins (Togo, Ghana, Burkina Faso, Niger etc.) ont fermé par précaution toutes les institutions scolaires et universitaires.
Et la réponse de votre Ministre de la Santé frise le ridicule et ne l’honore pas lui-même en tant que médecin ainsi que le Gouvernement qu’il représente. Je le cite « Lorsqu’on regarde bien, la propagation de ce virus part des personnes adultes et ce qu’il faut faire au niveau de nos écoles, c’est de nous assurer que nos enfants puissent effectivement respecter ces règles d’hygiène, notamment le lavage systématique des mains à l’eau et au savon ». Vous l’avez sûrement écouté vous-même, ce genre de propos qui fait entendre que les enfants eux seraient immunisés contre une contamination et contre une transmission de cette maladie. Alors que l’un des cas détectés hier à Madagascar était âgé de 19 ans !
Monsieur le Président de la République,
Je ne comprends pas et pas du tout lorsque des responsables d’établissements catholiques face à la pression des parents d’élèves et par esprit de responsabilité, ont décidé de fermer leurs établissements pour la sécurité, la prévention des risques pour leurs apprenants ainsi que leurs familles, trois de vos ministres (ceux des trois Ordres d’enseignements) ont rejeté leur décision par lettre signée des trois ministres en date du 20 mars 2020. Vous le savez bien car cela ne peut se faire sans vos instructions.
En fait, dans la question de la décision des responsables des institutions scolaires et universitaires catholiques, nous faisons face à deux responsabilités, celle de la Direction Nationale de l’Enseignement catholique avec l’onction de légitimité des parents d’élèves, et celle du Gouvernement. Qu’est-ce qui vous autorise à rejeter l’assomption par les Dirigeants de l’Enseignement Catholique, de leur responsabilité, et à lui substituer la vôtre ?
Quelle raison d’Etat autorise votre Gouvernement à vous boucher les oreilles face à la demande pressante de toute la population de fermer, par précaution, les établissements d’enseignement, lieux de rassemblements, de promiscuité et de propagation par excellence de virus ? Je ne comprends pas.
La deuxième : Quelle raison explique que vous mainteniez notre pays ouvert à tous vents (frontières terrestres, les aéroports, etc.) alors que les pays voisins ferment les leurs ? Quelles raisons expliquent que des avions en provenance des pays les plus atteints par le Virus covid-19 atterrissent librement dans nos aéroports ? Avec de tels comportements, peut-on nous fier désormais aux chiffres que votre Gouvernement avance comme personnes détectées positives au Coronavirus ?
Telles sont, Monsieur le Président de la République, les préoccupations urgentes de la population qui me poussent à m’adresser à vous dans une situation grave où le principe de précaution doit être la règle, la négligence l’exception. Car il va de la vie de millions d’hommes et de femmes dans un pays de surcroît à infrastructures sanitaires rachitiques et dont vous avez la charge de la sécurité.
Puissiez-vous ne pas devoir répondre demain de vos responsabilités en cas de ce que vous savez, responsabilités qui s’assimileront tout simplement à des crimes contre l’humanité.
Recevez mes salutations distinguées.
Professeur Philippe NOUDJENOUME
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