Bénin – Abandon de l’hôtel PLM Alédjo : l’Etat mis en cause devant les sept sages

Depuis plusieurs années, l’hôtel PLM Alédjo est laissé dans un état de dégradation très avancé. Malgré la promesse de sa réhabilitation faite par les gouvernements successifs, ce lieu symbolique qui a abrité la Conférence des Forces Vives de la Nation de février 1990 est abandonné.

Pou attirer l’attention des gouvernants sur le fait, le juriste Landry Angélo Adélakoun a saisi la Cour Constitutionnelle pour dire et juger que les Gouvernements successifs depuis 1990 ont méconnu la constitution en abandonnant l’hôtel PLM Alédjo dans cet état. Lire ci-dessous l’intégralité du recours.

A
Monsieur le Président de la Cour
Constitutionnelle du Bénin
Objet : Recours en inconstitutionnalité de la non rénovation de l’hôtel PLM
Alédjo.
Monsieur le Président,
Nous venons respectueusement sur le fondement des articles 3 et 122 de la
Constitution du 11 décembre 1990 et des articles 22 et 24 alinéa1 de la loi n°91-
009 du 04 mars 1991 portant loi organique sur la Cour Constitutionnelle
modifiée par la loi du 31 mai 2001, demander à la Haute Juridiction de constater
que la non rénovation de l’historique hôtel PLM Alédjo est une violation de
notre Loi fondamentale.

 Les faits
Depuis Avril 2016 et plus précisément avec le lancement du séduisant et
consistant Programme d’Action du Gouvernement le 16 janvier 2017, le
Président de la République et son Gouvernement ont affiché leur ferme volonté
de révéler le Bénin surtout dans ces dimensions culturelles et touristiques.
L’Hôtel PLM Alédjo, longtemps ignoré mérite une attention particulière de la
part du Gouvernement du Président Patrice Talon dans son ambition de réaliser
de grands travaux qui donneront à notre pays sa dignité dans le concert des
nations.
Tenue à l’hôtel PLM Alédjo de Cotonou du 19 au 28 février 1990, la
Conférence des Forces Vives de la Nation, a marqué les esprits et redonné
confiance au peuple béninois. Elle a permis la réconciliation nationale et
l’avènement d’une ère de Renouveau Démocratique. Aujourd’hui, tous les esprits s’accordent à reconnaitre le symbole que constitue l’hôtel PLM Alédjo
dans cette historique conférence des forces Vives et dans la marche de notre
nation vers son idéal démocratique. Cet historique lieu qui reste et demeure le
symbole de notre jeune démocratie est dans un état complètement délabré, un
état qui entache notre dignité de terre de la démocratie en Afrique. Cet état de
chose est une honte nationale, tant pour les Béninois vivant sur le territoire
national que pour ceux de la diaspora.

 Les moyens
Notre pays le Bénin a, comme de nombreux Etats, volontairement adhéré à une
communauté de normes et de principes. Au cœur de ces principes et valeurs, est
fixé tel un marbre, le droit à la dignité humaine et les droits culturels.
Déjà dans le préambule de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, il
est rappelé que « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les
membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables
constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le
monde »
Au lendemain de la Conférence des forces Vives de la nation, nous peuple
béninois, avons également réaffirmé dans le préambule de notre Constitution
«notre ferme volonté de défendre et de sauvegarder notre dignité aux yeux
du monde et de retrouver la place et le rôle de pionnier de la démocratie et de la défense des droits de l’Homme qui furent naguère les nôtres».
C’est donc dire que le peuple béninois déjà dans le préambule de la Constitution
de 1990 a montré son attachement à la dignité. Cette dignité ne vient pas
seulement des grandes décisions prises à la Conférence des forces Vives. Elle
vient aussi du caractère symbolique du lieu de la tenue de cette Conférence
qu’est l’hôtel PLM Alédjo de Cotonou. PLM Alédjo est pour le peuple
béninois ce qu’est le Château de Versailles pour le peuple français. C’est
l’emblème de notre démocratie. C’est le symbole de notre passé, notre présent
et notre futur.
Ce lieu historique donc d’un pan de notre dignité aux yeux du monde en tant
qu’Etat de démocratie et de respect des droits de l’Homme, mérite d’être
rénové, valorisé au nom et pour la dignité du vaillant peuple béninois.
Mieux, l’article 10 de notre constitution dispose : « Toute personne a droit à
la culture. L’Etat a le devoir de sauvegarder et de promouvoir les valeurs
nationales de civilisation tant matérielles que spirituelles, ainsi que les
traditions culturelles ». 

Il est clair aujourd’hui que l’hôtel PLM Alédjo, au-delà de son caractère
symbolique et historique, est l’expression de notre culture et de nos valeurs
nationales ; lesquelles culture et valeurs doivent être sauvegardées et promues.
La même Constitution en son article 35 dispose : « Les citoyens chargés d’une
fonction publique ou élus à une fonction politique ont le devoir de
l’accomplir avec conscience, compétence, probité, dévouement et loyauté
dans l’intérêt et le respect du bien commun. »
De la lecture croisée et combinée donc des dispositions susmentionnées, il
ressort que l’Etat a l’obligation de veiller au respect de la dignité humaine,
laquelle dignité passe par l’entretien et la sauvegarde de certaines valeurs
historiques, civilisationnelles. Mieux, les différentes structures de l’Etat en
charge de l’entretien et de la sauvegarde des biens publics, les fonctionnaires en
charge de la promotion du tourisme et de la culture doivent veiller à l’entretien de
cet hôtel. C’est cela le sens du respect du bien public dont parle le Constituant
béninois de 1990. Ne donc pas penser à la rénovation de ce lieu est à la fois une
méconnaissance de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et de
notre Constitution en ses articles 10 et 35.

 La demande
Au regard de tout ce qui précède, nous demandons à la Haute juridiction de :
– Dire et juger que les Gouvernements successifs depuis 1990 ont méconnu
le Préambule et les articles 10 et 35 de la Constitution du 11 décembre
1990
– Enjoindre au Gouvernement actuel de prendre les mesures nécessaires
pour la rénovation du lieu historique qu’est l’hôtel PLM Alédjo.

Landry Angelo K. ADELAKOUN