Bénin: le point de la plaidoirie des avocats de la partie civile défendant l’Etat

Le procès relatif au dossier de collecte illégale de fonds et de placement a repris ce Lundi 4 Février 2019 par la plaidoirie des avocats. Successivement, les avocats de la partie civile, défendant l’Etat,  l’avocat de la partie civile défendant les victimes et les avocats des accusés. Lire-ci-dessous l’intervention des avocats de l’Etat.

Plaidoirie de Maître Marie-José GNONHOUÉ:

« Monsieur le président, Messieurs les membres de la Cour, aujourd’hui est un grand jour puisqu’il m’est accordé l’insigne honneur de prendre en premier la parole. Il est difficile à boire au fleuve de l’oubli c’est pourquoi je nous invite à avoir une pensée spéciale aux victimes. Avec tout ce que j’ai entendu et vu, le cœur fendu parce que, Monsieur Guy AKPLOGAN de son retour de la côte-d’ivoire s’est retrouvé avec ses amis fidèles de l’église du christianisme céleste pour mettre en place pour créer Icc services. Ils ont recouru à une technique de communication très efficace qui consiste à informer de bouches à oreilles ce qui leur a permis d’avoir beaucoup de clients.

Monsieur le président, il faut constater que Guy AKPLOGAN a été constant depuis le début du procès jusqu’à la fin des débats en disant qu’il a dans un moment donné procédé à un placement en ligne appelé E-Gold et après il a investi dans plusieurs d’autres activités à savoir l’imagerie, l’agriculture, etc. La question à poser est de savoir si ces investissements ont permis de payer les intérêts des déposants. Une mission diligentée par les institutions de contrôle des activités liées aux micro-finances n’ont pas pu les avoir dans un premier temps. C’est après cela qu’ils ont été reçus par la même institution en mars 2009.

Il va sans dire au regard de plusieurs autres faits et actes, que l’Etat Béninois a joué un grand rôle pour empêcher cette activité. Sommés de régulariser leurs activités et après étude, le dossier a été rejeté. Mieux, l’Etat a introduit une plainte contre les promoteurs de Icc services. Et je me demande si l’Etat n’a pas joué son rôle. Je voudrais rappeler qu’il est mentionné sur les contrats que Icc services après avoir reçu les fonds des déposants, a procédé au placement en ligne donc les déposants sont suffisamment informés de ce qui est fait de leurs sous. Je voudrais de ce fait remettre la parole à Maître Spéro QUENUM pour aborder le côté technique de ce dossier. »

Intervention de Maître Spéro QUENUM:

« Sur la constitution des infractions, je sais le Procureur spécial très outillé pour nous éclairer sur cette affaire. Concernant l’escroquerie, sont concernés, Guy AKPLOGAN, Émile TEGBENOU, Clément SOHOUNOU, Pamphile DOHOU.

Monsieur le président, les activités pastorales chimères et d’autres activités qu’ils ont évoquées ne peuvent pas permettre de payer les victimes. Nous avons eu l’occasion de le constater à travers une vidéo-projection effectuée devant votre Cour. Monsieur le président, il est impossible que ces activités puissent permettre de payer ces intérêts faramineux promis. Ils ont même compté sur une épidémie pour pouvoir se faire de l’argent pour payer les victimes. Monsieur le président, les fonds des clients ont permis aux promoteurs de se faire une fortune en témoignent les nombreuses réalisations qu’ils ont réalisées comme les biens meubles et immeubles. J’ai même eu à prendre acte de ce que Monsieur TIHOUNDRO a reconnu que les fonds des nouveaux déposants servent à payer les intérêts des premiers. C’est établi qu’il s’agit d’escroquerie.

Lorsqu’on reçoit des fonds que l’on emploie pour son propre compte, ces activités sont réservées exclusivement pour les banques. Et lorsqu’on mène ces activités de façon illégale, on enfreint ainsi à la loi. Ils se sont rendus incontestablement coupables en violant la loi portant réglementation bancaire. Toutes personnes ayant subi un préjudice personnel présente un intérêt à agir. Il s’en suit que la recevabilité de la partie civile est établie. Monsieur le président, il n’y a pas État sans la population et quand la population est victime, il est tout à fait normal que l’Etat se constitue. Beaucoup de personnes sont grabataires du fait de ce dossier.

Par leurs activités illégales, les accusés ont causé de manque à gagner à l’Etat en ne payant pas les impôts. Le développement de leurs activités cause une baisse de production à l’Etat. Le montant dû par les promoteurs de Icc que ça soit les 68 milliards contestés ou les 15 milliards reconnus constituent un manque à gagner à l’Etat parce que représentant le PIB. Si le Bénin n’a pas connu le pire comme ce fut d’autres pays, c’est du fait des moyens colossaux investis pour la gestion de cette affaire.

Nous vous prions de condamner les accusés à payer à l’Etat Béninois, le franc symbolique. Il a été allégué par les avocats des citoyens ayant déposé leurs fonds dans Icc services qu’il y a une complicité entre les accusés et l’Etat Béninois. Une telle allégation ne doit prospérer devant votre juridiction. Je voudrais rappeler l’article 249 du code de procédure pénale pour justifier la non-complicité de l’Etat Béninois avec les promoteurs de Icc. Toutes ces personnalités politiques qui ont agi l’ont fait du fait de leurs relations avec ces promoteurs et ça n’engage qu’eux. S’il était établi la commission d’une infraction par ces derniers, cela n’engagera pas l’Etat Béninois. »

Intervention de Maître Olga ANASSIDÉ:

« Monsieur le président je vais employer un langage accessible à tout le monde et donc moins technique. Les accusés attendent qu’on leur jette la pierre ou qu’on leur dit le sort qui leur est réservé et de l’autre côté il y a les victimes. Je voudrais savoir de quoi ils sont victimes ? De leur cupidité ? Sinon comment comprendre que des magistrats, des hauts fonctionnaires d’Etat, des banquiers, des commerçants ont pu tomber dans ce travers. Je voudras demander comment comprendre que l’époux peut convaincre son épouse à rompre son DAT pour aller placer dans Icc, comment comprendre qu’un banquier peut convaincre son client à Icc ?

Je comprends pourquoi on soutient les trafiquant des stupéfiants parce qu’ils utilisent les biens gagnés dans ces activités pour endormir le peuple. Je sais que le procureur spécial prendra ses responsabilités. Je voudrais également interpeller le président de la République d’alors qui de par ses actes a fait intrusion dans le judiciaire favorisant ainsi le flou dans la gestion de dossier. Je sais que la Cour va situer les responsabilités dans ce sens. Des pistes ont été délibérément brouillées. Dans ce registre, les ministres hauts cadres ont apporté appui aux promoteurs en leur fournissant des garde de corps, des armes les aidant ainsi à exercer leurs activités pour à leur tour tirer des intérêts. Je sais que le Procureur situera les responsabilités dans ce sens également.

Je voudrais également indexer l’église qui se tait en voyant de tels actes se poser devant eux sans agir. Ce procès doit éveiller dans la conscience de chaque Béninois que seul le travail libère. Nous avons été tous approchés. Ceux qui ont résisté étaient incompris et considérés comme des maudits. Ces citoyens sont à féliciter parce qu’ils constituent des modèles. Il est étonnant qu’en 2018 alors que les travers sont dénoncés que 500 autres personnes se sont laissés avoir par d’autres structures du genre. Alors pourquoi jeter la pierre à Émile TEGBENOU, Guy AKPLOGAN et autres.

Alors qu’il était dit du Dahoméen qu’il était un travailleur. Nous sommes arrivés là à cause de la défaillance de l’Etat. Quels échos réservés aux alertes des banques ? Nous avions eu droit à un silence coupable du président de la République d’alors. C’est état de chose  qui a entraîné la prolifération des cybercriminels qui pullulent dans nos quartiers.

Monsieur le président, l’Etat n’est pas coupable de cette affaire parce qu’il n’a jamais donné l’agrément à cette structure. Mais il va falloir rendre coupable tous les fonctionnaires de l’Etat qui ont favorisé cette affaire et ils vont subir seuls ce qu’ils ont posé comme actes. »