Algérie: Bouteflika renonce, mais à quel prix ? La prochaine élection dans un an ?

Le président algérien Abdelaziz Bouteflika a renoncé lundi 12 mars à sa candidature à un cinquième mandat au pouvoir. Il s’est plié après des semaines de manifestations de masse contre son règne de 20 ans.

Le révolutionnaire vétéran a également reporté les élections qui devaient avoir lieu en avril et promis une réforme sociale et économique. L’annonce de Bouteflika a entraîné la sortie d’une foule dans les rues lundi soir. Des centaines de personnes, jeunes et âgées, certaines drapées dans le drapeau national, ont sauté de joie. Les voitures sifflaient en signe d’approbation, rapportent les médias locaux. « Nos manifestations ont porté leurs fruits! Nous avons vaincu les partisans du cinquième mandat! » indique à IOL, Mohamed Kaci, un chauffeur de taxi de 50 ans. Toutefois, Bouteflika n’a pas immédiatement démissionné et restera au pouvoir pendant un certain temps, dans l’attente d’une conférence nationale sur le changement politique.

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Des dizaines de milliers de personnes de toutes les classes sociales ont manifesté presque quotidiennement contre son projet de se représenter, en rejetant un système politique dominé depuis près de 60 ans par les vétérans de la guerre d’indépendance contre la France. Bouteflika, 82 ans, règne depuis 20 ans, mais il a rarement été vu en public depuis un accident vasculaire cérébral subi en 2013.

Ses opposants ont déclaré qu’ils ne pensaient pas qu’il était en état de diriger le pays et le soupçonnaient d’être maintenu en place pour protéger le contrôle de l’élite des militaires et des entreprises. Dans une série d’annonces faites lundi soir, la présidence a annoncé que les élections, prévues pour avril, seraient reportées. Une nouvelle constitution serait soumise au public pour un référendum. Bouteflika a déclaré que son dernier devoir serait de contribuer à la création d’un nouveau système qui sera « entre les mains d’une nouvelle génération d’Algériens ».

Une conférence nationale

Une conférence nationale « inclusive et indépendante » supervisera la transition, rédigera une nouvelle constitution et fixera la date des élections. La conférence devrait terminer ses travaux d’ici la fin de 2019, et des élections suivront, a-t-il déclaré dans un communiqué. La conférence sera dirigée par une « personnalité nationale indépendante, consensuelle et expérimentée ». Le Premier ministre Ahmed Ouyahia a démissionné et remplacé par le ministre de l’Intérieur Noureddine Bedoui, qui ne faisait pas partie du cercle restreint de Bouteflika. Ramtane Lamamra, conseiller diplomatique de Bouteflika, a été nommé vice-Premier ministre. Bouteflika a rencontré le chef d’état-major de l’armée, le lieutenant-général Gaed Salah, et le vétéran diplomate algérien Lakhdar Brahimi, le genre de personnage très respecté que l’armée pourrait considérer comme un garant de la stabilité.

Un processus constructif

« La voix du peuple a été entendue », a déclaré à la télévision nationale Brahimi, ancien ministre des Affaires étrangères et envoyé spécial de l’ONU, à l’issue d’une rencontre avec Bouteflika. « Les jeunes qui sont descendus dans la rue ont agi de manière responsable et ont donné une bonne image du pays. Nous devons transformer cette crise en un processus constructif », a-t-il ajouté. Des sources politiques ont déclaré que l’armée jouerait presque certainement un rôle de premier plan dans le processus de transition et évaluait actuellement trois ou quatre civils susceptibles de devenir dirigeants. L’armée comptera probablement sur des personnalités respectées telles que Brahimi et son vieil ami de Bouteflika pour assurer la médiation.

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Les manifestations ont principalement été pacifiques et l’annonce de Bouteflika devrait dissiper le potentiel d’une confrontation sanglante avec les forces de sécurité, comme cela a été le cas dans plusieurs autres pays arabes confrontés à des bouleversements politiques ces dernières années. L’ancien chef colonial français a salué la décision de Bouteflika. « La France exprime l’espoir qu’une nouvelle dynamique répondant aux aspirations du peuple algérien puisse démarrer rapidement », a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.

Somme toute, Bouteflika a renoncé à un cinquième mandat mais n’a toutefois rien perdu. Il restera encore au pouvoir pendant au moins un an, le temps de le réformer, ce qui va dans le même sens que ce qu’il avait proposé en tant que candidat, en déclarant qu’il démissionnerait dans un an s’il était élu. Mais le peuple Algérien exige sa démission pure et simple.