Kalista Sy : « La série ‘Maîtresse d’un homme marié’ prouve que l’Africain est capable d’un cinéma moderne »
La série sénégalaise « maîtresse d’un homme marié » est le fruit des chroniques à succès, et sa réussite prouve que les acteurs sénégalais peuvent produire des contenus cinématographiques modernes. Dans un entretien exclusif qu’elle nous a accordé, la créatrice de la série « maîtresse d’un homme marié », Kalista Sy, nous parle davantage de cette série à succès sur le continent africain. Entretien.
BWT : Vous êtes journaliste de formation, comment avez-vous atterri dans le cinéma ?
Kalista Sy : Je pense que, quelque part, c’était évident, j’adore écrire et lire. J’avais commencé à faire des chroniques et, à ma grande surprise, ça marchait plutôt bien. C’est partant d’une chronique que c’est devenu une série. Ma rencontre avec le Directeur de Marodi Tv a beaucoup joué en ce sens.
Présentée par une amie qui fait la série Adja, elle l’a convaincu de me faire confiance et c’est parti comme ça. Vous avez notamment pu voir la première Saison de 50 épisodes, doublée et diffusée par la chaîne A+. En ce moment nous, diffusons la saison 2 (Version Wolof, Ndlr) qui compte 32 épisodes sur Marodi TV.
Racontez-nous l’histoire de cette série à succès
On va dire que c’est une histoire de ressenti, une invitation dans le quotidien des femmes sénégalaises. À travers leur vécu, nous voyons nos sociétés africaines. Dans la série, en tant qu’humain, on ne peut rester insensible à la vie de nos actrices, nous avons l’impression de nous voir dans leurs histoires.
Dans la saison 1, la série met en scène le quotidien de cinq femmes dans la société sénégalaise actuelle. Marème Dial, une jeune sénégalaise, qui entretient une liaison avec Cheikh, un homme marié à Lalla Ndiaye, archétype de l’épouse traditionnelle. Marème parvient à ses fins en devenant la seconde épouse de Cheikh.
Djalika Sagna est une femme active, tant au travail que dans son foyer, devant faire face à la violence de Birame, son mari alcoolique. Dior Diop, sa meilleure amie, a été victime d’un mariage forcé. Enfin, Racky Sow est hantée par le souvenir d’un viol.
Dans la saison 2, six mois après le départ de Marème Dial Diagne, Cheikh Diagne, son mari, continue toujours de l’aimer. Lalla est enceinte et pense que cet enfant va sauver son mariage. De nouveaux personnages apparaissent : l’avocate Dalanda Lopez, son mari médecin, Tahirou Ndoye.
Vous avez abordé, entre autres thèmes, la liberté que pourrait jouir une femme en sexualité. Pourquoi un tel thème dans un Sénégal conservateur, dominé par les valeurs de la religion musulmane ?
Nous avons parlé de beaucoup de thèmes. La polygamie, le viol, les violences conjugales, la dépression, la maladie. Les réalités ne sont pas les mêmes et ce, d’un pays à un autre.
Le Sénégal est un pays laïc, de droit aussi. Nous avons juste souligné le rapport existant entre une femme et son intimité. À longueur de journée dans les médias, les hommes ont des discours sexistes, typés, mais personne ne s’y intéresse. Il suffit qu’une femme ose traduire un désir féminin et cela par des paroles, et c’est le branle-bas. Ce qui dérange, ce n’est point le message, mais le fait que ce soit des femmes qui sont à l’origine de cela.
Si vous faites une recherche sur Google pour l’année 2019, 2020, si vous mettez le mot féminisme, le nom de Kalista Sy va sortir (rire).
Comment avez-vous vécu la période post-production, surtout avec la demande de certains Sénégalais d’interdire la diffusion de cette série ?
Avec plus d’un million 500 mille vues en moyenne par épisode pour la saison 1, et 1 million 900 mille vues environ pour la saison 2, je dirais que ceux qui veulent que la série continue sont plus nombreux. Sereinement, nous n’avons jamais eu de stress ou de soucis ce sujet.
La série produite en Wolof a été doublée en Français et diffusée sur A+ (1ère saison). Comment avez-vous vécu le passage de cette œuvre sur une telle chaîne panafricaine ?
Aujourd’hui, c’est une fierté de savoir que nous sommes capables, en tant qu’Africains, de créer des produits qui marchent. Oui, nous sommes capables de faire du contenu moderne, d’avoir une très belle direction artistique et un magnifique jeu d’acteurs.
Avec la série, beaucoup veulent découvrir le Sénégal. C’est une fierté de le savoir ainsi. Il suffit d’y croire et de mieux s’organiser pour réussir le pari, de raconter nous-mêmes nos histoires. Marodi TV, aujourd’hui, est la première plateforme digitale d’Afrique Francophone, avec plus de 2 millions 300 mille abonnés. Et c’est bien encourageant.
Que réservez-vous à votre public désormais fidèle après cette série ?
Beaucoup de très belles et bonnes choses. Montrer l’Afrique autrement, avec nos histoires du quotidien, notre créativité.
Quel regard portez-vous désormais sur le cinéma sénégalais ?
Il est très dynamique, ça c’était avant Kalista et ça va le rester. Nous faisons des choses extraordinaires. Mon rêve sur le continent, c’est de travailler avec des Africains, avoir aussi Mo Abudu, Genevive Nnaji, Nicole Amarteifio…
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