Covid-19 – Médecin condamné: le cruel visage d’un système de domination par l’ignorance

Benjamin Hounkpatin, Ministre béninois de la Santé

Alors que la Covid-19 commence sa montée funeste au Bénin, les autorités du pays ont toujours du mal à informer la population et, ceci, même si cette dernière banalise la situation.

Au Bénin, un médecin a été blâmé et condamné pour non-respect de secret professionnel. Il lui est reproché d’avoir révélé des informations, qui font état de ce que dans le Centre hospitalier universitaire de l’Ouémé et du Plateau, où il exerce, les cas de coronavirus sont légions. Le médecin a été arrêté et condamné à six mois de prison, dont un mois ferme.

Cette condamnation est honteuse et d’une malhonnêteté assassine de la part, tant de la justice du Bénin, que du gouvernement. En cette période d’épidémie où les mesures du gouvernement ne sont pas très suivies par la population, qui, pour la plupart, continue de prendre le mal à la légère, les autorités se permettent de faire taire ceux qui sont disposés à sensibiliser leurs concitoyens.

En condamnant ce médecin, les autorités du Bénin viennent ainsi de réduire au silence les travailleurs de la santé, ceux-là qui sont au front, ceux qui travaillent en risquant leur vie pour sauver celle des autres ; ceux qui sont à même de mieux sensibiliser sur la pandémie, vu que le gouvernement ne veut pas le faire. La Chine a fait la même erreur avec le docteur Li Wenliang, sanctionné début janvier par la police de Wuhan, pour avoir voulu alerter sur la menace d’une épidémie de coronavirus.

Finalement, la suite, tout le monde entier la connait. Dans tous les pays sérieux, toutes les informations sont mises à disposition du grand public afin de mieux sensibiliser ; au Bénin c’est le contraire, le gouvernement entretient l’énigme et maintient le peuple presque dans l’ignorance. Un médecin en prison, une condamnation qui n’a rien à voir avec la justice, alors même que le pays en manque cruellement.

Secret professionnel fabriqué

« les médecins, chirurgiens ainsi que les pharmaciens, les sages-femmes, les infirmiers et infirmières, ou toutes autres personnes dépositaires, par état ou par profession ou par fonctions temporaires ou permanentes des secrets qu’on leur confie, auront révélé ces secrets seront punis d’un emprisonnement de 01 à 06 mois et une amende de 100.000 à 600.000 francs CFA », indique l’article 622 du code pénal. La question qu’il faut se poser est de savoir, où se trouve exactement le secret ici ?

On se rappelle il y a quelques jours, que Malick Gomina, nouvellement élu maire avait recommandé dans un audio abondamment relayé d’adopter les mesures barrière confessant au passage dans ses propos la saturation de l’hôpital de zone d’Allada pour la prise en charge des malades au Coronavirus. Des propos très osés sans pour autant qu’il y ait lever de bouclier.

Une personne avertie qui informe dans le but de sensibiliser sur la réalité « d’une épidémie incontrôlable », une maladie face à la quelle il y a longtemps que le gouvernement a abdiqué, doit-elle fait l’objet de poursuite si cela « n’arrange » pas le gouvernement ?  Ceci porte à croire que les autorités s’accordent le privilège du droit de se protéger de la maladie en laissant le peuple livré à lui-même et surtout, sans informations.

Maintenir le peuple dans l’ignorance

Celui qui détient l’information détient le pouvoir dit-on ; il faut croire que patrice Talon et son équipe semblent vouloir délibérément maintenir le peuple sous-informé afin peut-être de mieux le contrôler. Dans tous les cas, le ministre de la santé, médecin aussi, devrait avoir honte et démissionner de son poste pour plusieurs raisons. Cette condamnation d’un médecin qui a fait son travail respectant le serment d’hypocrate et non d’hypocrite, une population sous informée, des mesures sanitaires annoncées mais sans suivi effectif, et bien d’autres éléments comme le fait que les fameux 200 respirateurs annoncés depuis plusieurs mois, ne sont toujours pas réceptionnés.

Sur papier, le gouvernement de Patrice Talon fait partie des pays qui gèrent le mieux la situation du coronavirus, mais dans les faits, il semble que c’est chacun pour soi. Marchés, écoles, cérémonies funéraires et autres rassemblements festifs, aucune mesure barrière n’est respectée et ceci, au vu et au su de tous. De même, pendant les campagnes électorales pour les communales, les faits ont parlé d’eux-mêmes. Malgré tout ça, rien comme efforts supplémentaires de communication.